Le Petit Livre

et les

Sept Tonnerres

ou les sept « apocalypses » de l’évangile de Jean

 

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Transportons-nous à Pathmos, dans les années 66 ou 67 de notre ère, au plus fort de la persécution de Néron. Le disciple, Jean, réfugié dans la petite île pour échapper aux sbires de l’empereur, rédigeait sa grande Apocalypse, ou « Révélation de Jésus-Christ » (Ap 1,1). Il s’apprêtait à l’expédier « aux sept Eglises d’Asie » (Ap 1,4) et par-delà elles, certainement, à toutes les Eglises du monde dans le but d’encourager les frères.

Le prophète visionnaire se promenait librement au bord de la mer (cf. Ap 12,18), plutôt du côté de l’occident ; et là il lui était donné de contempler en esprit l’empire romain, alors maître du monde (cf. Ap 13,1-10). L’empereur Néron, dans son acmé, voyageait ces années-là en Grèce, tout près de Pathmos, accumulant dans les amphithéâtres les triomphes factices, envisageant de percer l’isthme de Corinthe. Il venait de charger le général Vespasien de réprimer la sédition en Palestine, car, une fois encore, cette région turbulente s’était révoltée.

Quelle étaient les pensées, les intuitions, ou même les visions de Jean, dans ces circonstances dramatiques ?

Laissons-nous guider par la relation de l’Apôtre. Prenons le chapitre 10 (dans nos éditions modernes) de l’Apocalypse.

« Je vis ensuite un autre Ange [autre que celui de la sixième trompette, cf. Ap 9,13], puissant [revêtu de la puissance divine], descendre du ciel [car il apportait une révélation céleste] enveloppé d’une nuée [la gloire divine], un arc-en-ciel au-dessus de la tête [car il annonçait la paix sur la terre], le visage comme le soleil [illuminé de la science divine, comme celui de Moïse descendant de la montagne] et les jambes comme des colonnes de feu [ces jambes qui devaient faire la jonction entre la terre et la mer]. Il tenait en sa main [comme un maître tient dans sa main le livre] un petit livre [le futur IV e évangile] ouvert [prêt à être révélé aux hommes]. Ayant posé le pied droit sur la mer [l’élément liquide] et le gauche sur la terre [l’élément solide], il poussa une puissante clameur [si puissante qu’elle pouvait résonner jusqu’aux extrémités du monde et de l’histoire] pareille au rugissement du lion [cf. Amos 3,8 : « Le lion rugit : qui ne craindrait ? »]. Après quoi, les sept tonnerres [les sept futurs chapitres du petit livre] firent retentir leurs voix [les voix de Dieu, les révélations de Dieu ; cf. Ps 29,3-9]. Quand ils eurent parlé, je m’apprêtais à écrire [j’allais mettre par écrit l’évangile] lorsque du ciel [de la part de Dieu] une voix me dit : ‘Tiens secrètes les paroles des sept tonnerres et ne les écris pas [la rédaction du IV e évangile n’interviendrait que beaucoup plus tard, vers les années 80-90].’ Alors l’Ange que j’avais aperçu, debout sur la mer et sur la terre, leva la main droite au ciel [l’ange allait jurer (cf. Dn 12,7) par le créateur des trois éléments du monde : les trois continents de l’univers, qui seraient les témoins de la véracité de la parole évangélique] et jura par Celui [c’était Dieu même qui attestait la vérité contenue dans le livre sacré] qui vit dans les siècles des siècles, qui créa le ciel et tout ce qu’il contient [l’univers spirituel], la terre et tout ce qu’elle contient [l’univers humain], la mer et tout ce qu’elle contient [le reste de l’univers créé] : ‘Plus de délai !’ [Les temps de l’ignorance étaient révolus]. Mais aux jours où l’on entendra le septième Ange [annonciateur de l’avènement du règne de Dieu, cf. Ap 11,15], quand il sonnera de la trompette, alors sera consommé le mystère de Dieu [la révélation serait achevée], selon la bonne nouvelle [l’Evangile] qu’il en a donnée à ses serviteurs les prophètes [détenteurs des secrets divins (cf. Am 3,7), dont Jean lui-même (cf. Ap 1,1-3)]. »

« Puis la voix du ciel [la voix de Dieu], que j’avais entendue, me parla de nouveau : ‘Va prendre le petit livre [l’évangile] ouvert dans la main de l’Ange [tout prêt d’être révélé au monde] debout sur la mer et sur la terre.’ Je m’en fus alors prier l’Ange de me remettre le petit livre [me confier la méditation, l’élaboration, la rédaction et la publication de l’évangile] ; et lui me dit : ‘Tiens, mange-le [médite-le, assimile-le, fais-en ta substance] ; il te remplira les entrailles d’amertume [par le rappel des souffrances du Christ qu’il contiendrait, par l’annonce de divers châtiments qui pourraient frapper le monde], mais en ta bouche [ta bouche d’enseignant et de prédicateur] il aura la douceur du miel [car il porterait les paroles du Christ, et ses confidences pleines d’onction].’ Je pris le petit livre de la main de l’Ange [je conçus vraiment dans mon cœur le quatrième évangile ; je décidai d’entreprendre sa rédaction] et l’avalai [j’en fis l’objet de ma rumination incessante] ; dans ma bouche, il avait la douceur du miel [j’avais plaisir à en entretenir les fidèles], mais quand je l’eus mangé, il remplit mes entrailles d’amertume [sa confection complète, et son accouchement, me coûteraient quand même beaucoup de peine]. Alors on [le ciel, l’ange] me dit : ‘Il te faut de nouveau prophétiser [par l’Apocalypse même, sur le point d’être publiée, par les sermons, par la rédaction future du quatrième évangile] contre une foule de peuples, de nations, de langues et de rois [en réalité contre l’univers entier, car la révélation divine était destinée à tous les humains, petits et grands]’. » (Ap 10).  

Ainsi donc l’évangile, publié tardivement par Jean, serait un complément en sept parties des évangiles parus précédemment, que nous appelons synoptiques. Il contiendrait une septuple révélation : ou sept « apocalypses », au sens étymologique de ce mot.

L’analyse démontrait en effet que le quatrième évangile, dans sa conception primitive, s’organisait selon un plan fondamentalement septénaire, avec sept semaines, ou fêtes religieuses juives, illustrées chacune par un miracle, ayant chacune un thème, ou des thèmes connexes, assez faciles à déterminer.

Jean placerait un prologue pour ouvrir son chef-d’œuvre (cf. Jn 1,1-18) et, après une première conclusion (cf. Jn 20,30-31), il se déciderait, sans doute avant la parution définitive de l’ouvrage, à ajouter un appendice, illustré lui-même par un miracle (une pêche miraculeuse), pour raconter la vocation spéciale de Pierre en tant que berger du troupeau du Christ (cf. Jn 21).

On l’avait vu ailleurs (cf. Notes exégétiques diverses, sur ce même site, Note 35) la grande Apocalypse, qui conclut nos Bibles, serait donc à dater, selon toute vraisemblance interne, du principat de Néron (54-68), plus précisément encore de la persécution de Néron (64-68), et probablement de l’apogée de cet empereur mégalomane (66-68), avant sa chute et son suicide auxquels l’Apocalypse ne faisait aucune allusion. Elle serait donc un écrit johannique antérieur à la rédaction comme à la publication du quatrième évangile, qui n’interviendraient qu’à l’époque des empereurs flaviens, une ère de paix relative pour la jeune Eglise : Jean lui-même vivrait très vieux, jusqu’aux jours de Trajan (cf. Adv. Haer. II, 22,5).

Voici donc le sommaire que nous proposons pour l’étude de cet évangile qui, selon le « Canon de Muratori » (fin II e siècle), aurait été composé à la demande des apôtres survivants, pour compléter les récits de Matthieu, Marc et Luc : ce petit livre contenant la révélation des sept tonnerres.

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SOMMAIRE

1. Plan thématique du IV e évangile.

Chapitre 1

2. Théorie du baptême dans l’évangile de Jean.

Chapitre 2

3. Théorie de l’eucharistie dans l’évangile de Jean.

Chapitre 3

4.  Théorie de la pénitence dans l’évangile de Jean.

Chapitre 4

 5. Théorie de la Sainte Trinité dans l’évangile de Jean.

Chapitre 5

Chapitre 5 bis

Chapitre 5 ter

6. Théorie de la messianité, et du Messie, dans l’évangile de Jean.

Chapitre 6

7. Théorie du Royaume de Dieu, et de l’Eglise, dans l’évangile de Jean.

Chapitre 7

8. La figure de Marie, mère du Christ, dans le IV e évangile.

Chapitre 8

9. La figure de Pierre, dans le IV e évangile.

Chapitre 9

10. La figure du « disciple bien-aimé », dans le IV e évangile.

Chapitre 10

11. Structure littéraire du prologue du IV e évangile. (Jn 1,1-18).

Chapitre 11

12. Structure littéraire de la I ère « apocalypse », la semaine inaugurale, illustrée par le miracle de l’eau changée en vin, à Cana. (Jn 1,19 --- 2,12).

Chapitre 12

13. Structure littéraire de la II e « apocalypse », la première Pâque du ministère public de Jésus, illustrée par la guérison, à Cana, du fils d’un fonctionnaire royal. (Jn 2,13 --- 4,54).

Chapitre 13

14. Structure littéraire de la III e « apocalypse », la 2 e fête (Pâque ?) à Jérusalem, illustrée par la guérison d’un infirme à la piscine de Bézatha. (Jn 5,1-47).

Chapitre 14

15. Structure littéraire de la IV e « apocalypse », la Pâque du pain de vie, illustrée par le miracle de la multiplication des pains. (Jn 6,1-71).

Chapitre 15

16. Structure littéraire de la V e « apocalypse », la fête des Tentes, illustrée par la guérison d’un aveugle-né. (Jn 7,1 --- 10,21).

Chapitre 16

17. Structure littéraire de la VI e « apocalypse », la fête de la Dédicace, illustrée par le miracle de la résurrection de Lazare. (Jn 10,22 --- 11,54).

Chapitre 17

18. Structure littéraire de la VII e « apocalypse », la dernière Pâque à Jérusalem, illustrée par le miracle même de la résurrection du Christ. (Jn 11,55 --- 20,31).

Chapitre 18

19. Structure littéraire de l’appendice, illustrée par le récit de la pêche miraculeuse. (Jn 21).

Chapitre 19

20. Structure littéraire d’ensemble, et séquence logique, du IV e évangile.

Chapitre 20

21. « Signes »,  ou miracles, dans le IV e évangile.

Chapitre 21

22. Importance de la notion de témoignage, dans le IV e évangile.

Chapitre 22

23. Le combat de la lumière et des ténèbres dans le IV e évangile ; la bipolarité, ou le dualisme, de la pensée de l’auteur.

Chapitre 23

24. Liens de l’Apocalypse avec le IV e évangile.

Chapitre 24

25. L’auteur du IV e évangile. Lieu de composition. Date de composition.

Chapitre 25

26. N.B. Le problème posé par la péricope dite de « la femme adultère » (Jn 7,53 --- 8,11), péricope seulement transmise par la tradition occidentale du texte.

Chapitre 26

27. Annexe. Plan septénaire du quatrième évangile.

Chapitre 27

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