Préambule :
Nul ne prétendrait épuiser sur un tel sujet, ni d’ailleurs sur un autre, la doctrine de « Jean le théologien », comme disent nos frères orthodoxes. J’entreprendrai seulement ici de dégager, pour la question qui, lors, nous occupe, un schéma de pensée, une épure, qui nous définisse quel est, dans le domaine envisagé, l’élément essentiel, l’apport original de l’auteur. Voila pourquoi je me sers du mot « théorie », au sens de « connaissance spéculative », « connaissance idéale », plutôt que du mot « théologie ».
La théorie, par elle-même, ne s’oppose aucunement à la pratique. Elle s’en distingue seulement ; et éventuellement elle y conduit. La théorie mène aussi très spontanément à la contemplation, dont elle représente déjà une forme, une forme intellectuelle. Dans théorie donc, il y a plus que théologie ; il y a aussi contemplation.
L’auteur du IV e évangile mettait en scène et faisait parler Quelqu’un, dont il fut sur terre l’un des plus proches compagnons, Quelqu’un qui était en même temps l’un des membres de la très Sainte Trinité : l’une des Trois Personnes adorées sous ce nom. Ladite Personne devait donc savoir excellemment de quoi elle parlait, nous ne saurions l’oublier, quand elle nous entretenait de la vie intime de la Sainte Trinité. Jean fut donc le confident d’un Dieu et, dans son livre, il nous livrait son témoignage sur ce Dieu. Accueillons-le, son témoignage, avec un infini respect
Une observation liminaire d’une extrême importance doit cependant être apportée, avant d’aborder notre étude.
Les définitions des grands conciles œcuméniques de l’ère chrétienne, en particulier parmi eux le Concile de Chalcédoine, nous ont appris qu’il fallait discerner en Jésus-Christ deux natures : la nature humaine d’une part et d’autre part la nature divine. De ce fait, on serait tenté de distinguer dans les actions, ou les paroles, de ce même Jésus-Christ, telles qu’elles nous étaient relatées par saint Jean, ce qui venait de l’homme et ce qui venait de Dieu, et dans les dits de Jésus-Christ sur lui-même ce qui était dit de l’homme et ce qui était dit de Dieu. Or dans saint Jean, source et fondement de toute la théologie subséquente, ou l’une de ses sources principales, ces distinctions n’étaient pas de mise, elles n’étaient pas encore posées. Ce qui serait plus tard analysé ou séparé évoluait devant nous, si j’ose dire, à l’état brut, en la forme d’une unité synthétique. Les deux plans, celui du naturel et celui du surnaturel, celui de l’humain et celui du divin, n’étaient pas disjoints, mais mêlés. Jésus parlait, Jésus agissait, Jésus vivait, tout ensemble comme Dieu et comme homme. Et tout ce qui se trouvait dit, et fait, était vrai à la fois du Dieu et de l’homme : sous un angle absolu (ou éternel) en ce qui regardait Dieu, sous un angle relatif (dans le temps et l’espace) en ce qui regardait l’humanité du Christ. C’est à nous qu’il revient aujourd’hui, en tant que lecteurs perspicaces, ou supposés tels, de démêler sans trêve en pensée les deux plans dans lesquels le Christ ne cessait d’évoluer simultanément.
Afin d’illustrer mon propos, je ne ferai appel, ici, qu’à un seul exemple, mais frappant, mais décisif, en même temps que singulièrement émouvant.
Quand Jésus, sur la croix, prononçait ces simples mots : « J’ai soif » (Jn 19,28), simples mots que nous avons déjà allégués dans le chapitre précédent, sur la pénitence, cette exclamation du Seigneur avait pour fonction de déclarer une double réalité : c’était à la fois l’homme, ou l’humanité, qui éprouvait la sensation de soif ; parce qu’il (l’homme) avait perdu beaucoup de son sang, parce qu’il subissait une terrible déshydratation ; mais c’était surtout Dieu qui avouait une soif infinie de la rédemption et du salut des âmes. C’était ce Dieu qui se mourait, sur cette croix, à cette fin, d’une mort humaine.
Cette dialectique que nous venons d’esquisser, se vérifierait, pour nous, dès le prologue, et tout au long du livre que nous appelons le IV e évangile.
1. --- « Au commencement le Logos était. Et le Logos était avec Dieu. Et le Logos était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. » (Jn 1,1-2).
Ces premiers de l’évangile revêtent une importance épistémologique extrême, presque aussi grande que celle des premiers mots de la Genèse, sur lesquels d’ailleurs ils sont calqués : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. » (Gn 1,1).
On sait que cette phrase primordiale de la Bible dirime d’un coup, un coup magistral, l’aporie ou antinomie fondamentale, quasi irréductible, qui réside au tréfonds de toute philosophie humaine, de toute connaissance naturelle de Dieu. Comment concilier en effet l’existence nécessaire d’un Dieu transcendant, avec l’existence sensible d’un monde relatif et contingent, celui dans lequel nous sommes plongés. Le monde visible émane-t-il de Dieu de toute éternité ? Ou bien au contraire est-il attiré de toute éternité, du néant en direction de l’être, par un Dieu qui l’ignore, trop occupé à se contempler lui-même, ce qui était, on le sait, la version de l’aristotélisme ? Dieu ignore-t-il absolument ce monde dans sa hautaine transcendance, dans son impassibilité, ou bien au contraire lui est-il immanent ? Si Dieu l’ignore, l’existence même de ce monde devient peu compréhensible ; car alors pourquoi le monde ? Mais si Dieu lui est immanent, on ne voit guère ce qui le distingue encore de ce monde. D’un côté on penche vers le pur idéalisme, mais de l’autre on oscille dangereusement vers le matérialisme. De fait, le point d’équilibre est difficile à trouver. Aucune philosophie humaine ne l’avait jamais parfaitement tenu, et malaisément aucune théologie.
Or dès ses premiers la Bible (la Bible telle que nous la possédons, et telle qu’elle nous a été transmise) tranchait souverainement le débat, elle résolvait le dilemme. C’était un Dieu libre qui dès le principe et par un acte libre avait créé, de rien, le monde qui nous entoure. L’aporie qui gisait au cœur de tout système humain, de toute philosophie naturelle, ne se trouvait finalement résolue que par une révélation divine. Désormais la transcendance n’était plus conçue pour Dieu comme une prison, une limite à ne pas franchir, une interdiction. Dieu pouvait tout ce qu’il voulait, dans son absolue liberté, y compris descendre dans le relatif, car c’était uniquement par amour qu’il avait créé ce monde, et non pas mû par on ne savait quelle nécessité. Il n’avait pas créé le monde à partir d’une autre chose extérieure à lui-même, par exemple à partir d’une matière préexistante. Il ne l’avait pas non plus tiré de sa propre substance divine, mais de rien, ex nihilo, par la seule puissance de sa parole. « Dieu dit :’Que la lumière soit’, et la lumière fut. » (Gn 1,3) etc.… Sans doute l’ « ex nihilo » n’était-il pas positivement explicité, dans ces premiers versets, mais il était fortement suggéré, et le reste de la Bible le supposait.
Jean, dès le prologue de son évangile, avançait une proposition presque aussi percutante que celle des premiers mots de la Bible : cette parole dont parlaient la Genèse et tout le reste de la Bible, ce Logos des philosophes grecs, était proprement Dieu. En Dieu, la parole était Dieu.
Certes l’homme parvient à concevoir en lui une parole humaine, mais qui lui reste subordonnée. Il produit en lui-même une pensée de lui-même, mais qui lui est inégale, un simple reflet de soi. Dieu, dans son être éternel, produit à l’intérieur de lui-même une Parole divine égale à lui-même, donc vivante, donc personnelle, qui donc est Dieu.
Mais attention, dirons-nous : une telle nouveauté philosophique pourrait être rétorquée. D’où tenez-vous ce concept, pourrait-on répondre à Jean ? Qui vous a informé de tout cela ? Avez-vous jamais eu accès à l’intimité divine ? Et Jean de répondre tranquillement : ce Logos, je l’ai de mes yeux vu, je l’ai fréquenté, je lui ai parlé. Je fus même en ce monde l’un de ses plus proches compagnons. Comme il le dira un peu plus loin : « Le Logos s’est fait chair et il a demeuré parmi nous, et nous avons vu sa gloire. » (Jn 1,14).
On a prétendu souvent que dans saint Jean la notion de Logos était empruntée directement à Philon, ou plus généralement à la philosophie grecque. C’est fort peu probable selon moi, car Jean se nourrissait d’une culture presque exclusivement biblique.
La mention d’un Logos apparaissait pour la première fois dans le corpus néotestamentaire, et plus précisément dans les écrits johanniques, dans une vision finale de l’Apocalypse : « Le manteau qui l’enveloppe est trempé de sang ; et son nom ? Le Logos de Dieu. » (Ap 19,13). Le fameux cavalier de l’Apocalypse n’était autre que le Verbe de Dieu. On sait qu’il faut dater, selon toute vraisemblance, l’Apocalypse du règne de Néron (cf. Ap 13,18). Elle serait donc une écrit johannique, bien antérieur à la rédaction du IV e évangile et lui aurait servi de précédent. Or ledit passage de l’Apocalypse était lui-même directement inspiré du livre de la Sagesse : « Du haut des cieux, ta Parole (Logos) toute-puissante s’élança du trône royal ; guerrier impitoyable, elle fondit au milieu d’une terre vouée à l’extermination. Portant pour glaive aigu ton irrévocable décret… » (Sg 18,15). L’idée de Logos, dans Jean, était donc prise dans la Bible.
Il demeure vrai, et cela est assez remarquable en soi, que les auteurs de la Septante avaient emprunté le mot grec de « Logos », pour traduire la notion hébraïque de « DABAR », (ou « DAVAR »), qui était le discours, la proclamation, la parole efficace. Or ce terme de Logos était chargé de sens, voire même d’une résonance métaphysique.
C’était à la Bible grecque que Jean avait emprunté sa notion de Parole de Dieu, mais c’était par l’intermédiaire de la Septante que lui était venu le terme de Logos. On ne saurait nier que les spéculations sur la Parole de Dieu n’eussent été à la mode aussi bien chez les Juifs que chez les philosophes grecs depuis l’époque des présocratiques. Les Juifs alexandrins se rencontraient avec bonheur à la charnière de ces deux mondes, au confluent de ces deux cultures.
Il semblerait que Jean eût voulu déclarer à ses contemporains : vous spéculez sur le Logos, vous méditez profondément sur lui, vous prononcez même à son sujet des discours éloquents ; ou encore vous rédigez des traités ; eh bien ! je vous l’affirme : ce « Logos était Dieu » (Jn 1,1), une personne divine. Non seulement il est Dieu, mais encore il est descendu sur cette terre, prenant non pas l’apparence mais la réalité d’un homme : la « chair » (Jn 1,14), et moi-même, moi qui vous parle, je l’ai côtoyé pendant plusieurs années ; mieux : j’étais son préféré, son confident ; et c’est son enseignement que je désire vous transmettre.
On soupèse l’énormité philosophique d’un tel propos, le paradoxe quasi insoutenable qui nous est avancé dans ce prologue. Ou bien c’est l’affirmation d’un déséquilibré, et il faut l’écarter d’un revers de main, ou bien il ne reste plus qu’à abaisser son intelligence jusqu’à terre, et à déclarer : Amen, je crois.
Toute la suite du IV e évangile s’évertuerait à justifier, comme à illustrer, la thèse ici de prime abord avancée.
2. --- « Tout fut par lui et sans lui rien ne fut. De tout être il était la vie. » (Jn 1,3-4). « Il était dans le monde et le monde fut par lui. » (Jn 1,10).
Conçu de toute éternité comme une pensée divine, le Logos à son tour avait conçu le monde, mais dans le temps cette fois ; et non plus comme une pensée mais comme une œuvre. Car ce monde avait été fait. « Factus est » traduisait la Vulgate ; « égénéto », « est devenu », lit-on dans l’original grec. Etant d’essence divine, le Logos ne se situait pas, entre le monde et Dieu, comme un démiurge. Jean dépassait d’emblée les spéculations des platoniciens qui éprouvaient la nécessité d’un agent intermédiaire, inférieur à Dieu mais supérieur au monde, justement pour éclairer la jonction délicate de l’absolu et du relatif. Non : dès l’exorde du petit livre, le Logos de Dieu se voyait clairement identifié à la Sagesse de Dieu, cet attribut divin dont nous entretenait surabondamment la littérature dite sapientielle de la Bible (Proverbes, livre de la Sagesse, Ecclésiaste, Ecclésiastique...) et qui avait créé ce monde. « Si c’est l’intelligence qui opère, qui plus que la Sagesse est ouvrière de l’univers ? » (Sg 8,6). Le Logos, la Sagesse, l’Intelligence, il était évident que pour Jean cela ne faisait qu’un.
Dans les cogitations des Hellènes, qui coïncidaient remarquablement sur ce point avec la réflexion biblique, le Logos était la parole originelle qui avait organisé le cosmos, qui le soutenait dans son être et qui l’avait constitué en un tout harmonieux, tel une parure (cosmos veut dire parure, et on le sait encore en français, puisqu’on dit : cosmétique).
L’étymologie du mot « Logos » est elle aussi très parlante. Elle fait appel à la racine indo-européenne « leg » qui renferme une idée de « lien », de « collecte », et qu’on retrouve jusque dans des vocables français, tels que : loi, légal, légion, ligament, religion. Le Logos n’est autre qu’un discours conscient, organisé, lié par une syntaxe. C’est une phrase, et non pas un simple phonème.
Le mot latin qui correspondrait le mieux à l’hébreu DABAR, la parole exprimée, serait « fatum », supin de « fari », parler, proférer. Le Fatum serait alors la Parole éternelle prononcée par le destin, antérieure de ce fait à toutes les divinités, guidant aussi bien le cours des astres que celui des destinées individuelles. Mais cette notion de Fatum, de fatalité, impliquait presque nécessairement une négation de la liberté personnelle. C’était pourquoi on avait préféré rendre l’hébreu DABAR, et le grec Logos, par le mot latin Verbum, au sens de vocable, unité linguistique. Le Logos, c’était donc aussi la parole émise, le son de la voix de Dieu.
Mais bien au-delà, dès ce prologue, le Logos allait nous être présenté comme le Fils, et le Fils unique de Dieu. C’était la révélation trinitaire qui s’amorçait. C’était le Dieu intime qui allait se faire connaître ad extra.
3. --- «Et le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous et nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique. » (Jn 1,14).
Dès le verset précédent, selon une variante peu attestée du texte (Tertullien, un manuscrit de Vérone du V e siècle), le Logos nous était présenté comme engendré du Père : « Lui que ni sang, ni vouloir d’homme, mais Dieu a engendré. » (Jn 1,13).
Non seulement, en Dieu, le Logos était conçu comme pensée, comme « concept » pourrait-on dire, mais encore il était conçu comme Fils. Il était engendré de Dieu, sans toutefois sortir de Dieu, puisqu’il était « dans le sein du Père » comme dirait le verset 18. Tel un enfant qui demeurerait éternellement dans le ventre maternel. Ou encore telle la pensée intime d’un être humain qui serait seulement « conçue », mais non exprimée au dehors. Ce Fils était unique, comme la pensée de Dieu était unique, comme son intelligence était unique, comme Dieu même était unique. La notion de Fils ajoutait à la notion de Logos cette précision qu’on avait bien à faire à une Personne réelle, à un individu distinct, à un sujet autonome, capable de s’incarner, de prendre forme et réalité humaines.
« Et le Verbe s’est fait chair » dit le texte (Jn 1,14). C’était du fait qu’il s’était incarné que nous connaissions le Logos comme Fils, et c’était par ce moyen que nous avions accès au mystère trinitaire. La science de Dieu, à laquelle nous serions initiés, ne serait pas seulement de l’ordre notionnel, abstrait, ou théorique ; elle impliquerait une relation d’ordre existentiel. C’était au moyen d’une expérience vécue, au moyen d’une histoire, que l’humanité se hausserait à la connaissance de la vérité surnaturelle de Dieu, vérité qui, jusque là, était jalousement dissimulée à tous les regards.
Mais sans doute serait-il temps pour nous de récapituler en quelques brèves formules ce que nous avions déjà appris sur Dieu, dans ce si dense prologue.
a) Le Logos était Dieu.
b) C’était le Logos qui avait créé le monde.
c) Le Logos n’était autre que le propre Fils de Dieu.
d) Ce Logos s’était incarné, prenant forme humaine.
Tout cela n’était pas rien ! On pourrait s’étonner cependant de ne pas avoir encore entendu parler de l’Esprit Saint, cet Esprit que l’on voyait planer sur les eaux primordiales, dès les premiers mots de la Bible (cf. Gn 1,2). Nous n’attendrions plus très longtemps ; bientôt nous entendrions Jean-Baptiste témoigner d’une véritable théophanie de l’Esprit. (Cf. Jn 1,32).
Le mystère exceptionnel qui nous était révélé, en cet exorde d’évangile, était celui de l’éternelle génération du Fils, conjointement à celui de sa temporelle incarnation : les deux faces du Mystère ne nous étaient livrées que simultanément, et l’une par l’autre.
4. --- « Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître. » (Jn 1,18).
Il était venu chez nous, tout en restant « dans le sein du Père ». C’était par une incarnation temporelle que nous avions accès au mystère éternel de Dieu en lui-même. Plus qu’une sortie de Dieu vers nous, c’était nous qui pénétrions dans l’intimité divine, jusque là inaccessible aux humains, et même aux anges.
Certes « personne n’a jamais vu Dieu », car personne ne peut voir Dieu sur cette terre sans mourir, et, comme le diraient les théologiens, la vision de Dieu est « inamissible », on ne peut la perdre, une fois qu’on y a goûté. Et cependant le Fils « l’a fait connaître ». On connaissait Dieu désormais, ou tout au moins la vérité sur Dieu, depuis Jésus-Christ.
Quel progrès quand on pense que ces peuples païens, auxquels s’adressait la révélation, connaissaient à peine l’existence d’un Dieu unique, englués qu’ils étaient dans un paganisme inextricable, un polythéisme quasi insurmontable. Les penseurs les plus puissants parmi eux avaient bien spéculé sur l’être, et ils en avaient conclu à son unité, comme à sa beauté ou bonté, en même temps qu’à son évidente éternité. Mais cette réflexion, qualifiée de « sagesse », ou de « philosophie », ne s’était pas maintenue longtemps à une telle hauteur. A l’époque du Christ la division des écoles n’aboutissait le plus souvent qu’au scepticisme (celui de la Nouvelle Académie, ou du pyrrhonisme), ou encore aux erreurs opposées du matérialisme (épicurisme) et de l’idéalisme (stoïcisme).
Seul peuple au monde, les Juifs adoraient le vrai Dieu, le Dieu unique. Mais ils ne l’adoraient pas seulement d’une manière intellectuelle, ou abstraite. Pour eux ce vrai Dieu, manifesté au Sinaï, avait daigné résider concrètement dans leur Temple, et ils le servaient dans une liturgie quotidienne.
Mais le Dieu du Sinaï était environné de foudres et d’éclairs. Le Fils nous ferait donc connaître Dieu comme son Père à lui, le Fils, et notre Père à nous, les hommes, puisqu’il était, absolument, le « Père ».
5. --- « Il vient après moi [selon l’âge] un homme qui est passé devant moi [en qualité de Messie], parce qu’avant moi il était [comme Dieu]. » (Jn 1,30).
Jean-Baptiste affirmait très clairement la préexistence éternelle de l’« homme » Jésus. Par homme, il entendait de toute évidence la « personne » humaine, ou encore l’hypostase, le sujet, celui qui s’était fait connaître ailleurs sous le nom de « Fils de l’homme » et qui, ici, s’appellerait « Fils ».
6. --- « J’ai vu l’Esprit, tel une colombe descendre du ciel et demeurer sur lui. » (Jn 1,32).
Dès ce moment l’Esprit était nommé. Les Trois Noms se trouvaient ainsi révélés au monde : Père, Fils et Esprit Saint. Dès lors le baptême trinitaire, supplantant le baptême de pénitence de Jean, devenait possible. C’était près des eaux du Jourdain, et c’était sur le Fils que venait planer l’Esprit primordial, celui des origines (cf. Gn 1,2). Depuis toujours la colombe planait dans les airs, ou sur les eaux du cosmos. Mais c’était sur le Fils qu’elle venait enfin reposer, l’élisant par le fait entre tous.
Manifestement l’Esprit présidait aux deux générations du Fils, la génération éternelle au sein de Dieu, et la génération temporelle, en tant que fils d’Adam, fils de notre humanité, que Messie, que Sauveur.
La Sainte Trinité nous était révélée dans ses Trois Personnes : Père, Fils, Esprit. Mais c’était lorsque l’une d’elles, le Fils, devenait pour nous un homme concret : Jésus de Nazareth. Les Trois se manifestaient du même coup, pour nous, comme des Personnes distinctes. Elles nous étaient révélées, en ce jour, comme ayant été de toute éternité des personnes différentes. Dès à présent la Sainte Trinité nous était offerte dans son mystère, même si le mot de « Trinité », qui le résume, n’était pas encore prononcé. On ne le trouverait pas dans tout le Nouveau Testament. Il faudrait attendre les écrits de Théophile d’Antioche (fin du second siècle) pour en avoir la première attestation.
Dans beaucoup de pages de l’Ancien Testament, déjà, la Sagesse et l’Esprit de Dieu nous étaient signalés en Dieu, mais on pouvait les entendre comme de simples forces divines, ou encore des facultés impersonnelles, ou des attributs divins : l’intelligence divine, le souffle créateur ou vivificateur de Dieu, ou encore la pensée de Dieu. L’incarnation du Fils nous astreignait à voir en eux – Sagesse et Esprit – des personnes individuelles.
Dorénavant nous étions en mesure de soupçonner l’ordre des processions divines. Le Père étant le Père, c’était à dire l’origine absolue, ne procédait évidemment de personne, sinon de lui-même. Mais procéder de soi n’a pas de sens : il était l’origine sans origine, comme l’était déjà le Dieu connu par la raison. Le Fils procédait du Père par voie de génération. Mais l’Esprit, étant le souffle unique d’un Dieu unique, procédait en même temps du Père et du Fils comme étant un seul Dieu, si l’on voulait par voie d’émanation, ou de « spiration », puisqu’il était leur Esprit commun.
L’Esprit se dévoilait donc à nous comme étant le souffle commun, ou encore la vie commune, ou encore l’amour réciproque, ou mieux encore la divinité commune du Père et du Fils. Car le Père et le Fils n’étaient pas Dieu sans l’Esprit. Si Dieu nous était d’abord révélé comme Père et Fils, l’Esprit devenait vraiment pour nous l’Esprit du Père et du Fils, comme il était l’Esprit de Dieu, du Dieu unique.
Que la colombe descendît d’auprès de Dieu pour reposer sur le Fils (cf. Jn 1,32), puis qu’ensuite elle remontât auprès de Dieu d’où elle émanait, c’était une belle illustration des relations divines qui s’instauraient dans l’éternité : l’Esprit descendait du ciel, c’était à dire du Père dont il procédait, sur Jésus, car il était l’Amour éternel du Père pour son Fils ; mais aussitôt il remontait auprès du Père, car il était l’Amour réciproque du Fils pour son Père ; et ainsi il nous était bien montré, ou du moins suggéré, comme procédant à la fois de l’un et de l’autre.
7. --- « Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est lui, l’Elu de Dieu. » (Jn 1,34).
L’Elu de Dieu, c’est tout un poème ! Surgit à l’esprit une panoplie de références bibliques, ou extrabibliques.
L’Elu, c’était d’abord le Serviteur souffrant d’Isaïe (cf. Is. 42,1-9 ; 49,1-9 ; 50,4-11 ; 52,13 --- 53,12), celui qui avait assumé toute la souffrance humaine. Pas étonnant si, peu d’instants après, par association d’idées, Jean-Baptiste désignerait Jésus comme l’Agneau de Dieu, c’était à dire la victime offerte (cf. Jn 1,36). L’Elu, c’était aussi le Fils de l’homme eschatologique des Paraboles d’Hénoch (cf. 1 H, 37 --- 71). « Elu », remarquons-le, c’était un terme lucanien. En deux circonstances solennelles, dans l’évangile de Luc, nous entendions proclamer Jésus comme l’Elu de Dieu ; d’abord sur le mont Hermon : « Celui-ci est mon Fils, mon Elu ; écoutez-le » (Lc 9,35) ; puis ensuite au Calvaire : « Qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ de Dieu, l’Elu ! » (Lc 23,35).Mais l’Elu, c’était un mot royal qui signalait d’abord David, puis après lui sa descendance. «J’ai fait une alliance avec mon élu, j’ai juré à David mon serviteur : A tout jamais j’ai fondé ta lignée, je te bâtis d’âge en âge un trône. » (Ps 89,4-5).
L’ « Elu » désignait donc Jésus comme le Messie, le fils de David, en attendant que l’élection divine s’étendît, grâce à lui, à l’ensemble des hommes, ceux qui l’accueilleraient.
Il faudrait cependant repérer, en Jésus même, une double élection divine : une élection éternelle, en tant que Fils, celle qui nous était décrite dans le prologue ; et une élection temporelle, en tant que Messie, celle qui nous était montrée, s’opérant au bord du Jourdain.
8. --- « Tu es le Fils de Dieu ; tu es le roi d’Israël. » (Jn 1,49).
Le thème de l’élection divine était intimement lié, nous venons de le voir, avec celui de la filiation divine et de la royauté sur Israël. « Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères [avait dit Yahvé à David, d’après le livre de Samuel], je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles et j’affirmerai sa royauté. C’est lui qui construira une maison pour mon Nom et j’affermirai pour toujours son trône royal. Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils : s’il commet le mal, je le châtierai… » (2 S 7,12-14). Ce fils de David, cet Elu de Dieu, ce Roi d’Israël, ce Fils de Dieu, Nathanaël l’avait enfin trouvé ! Il n’avait jamais attendu que lui, pour ainsi dire, et d’emblée il l’avait reconnu.
Cette réplique si spontanée de Nathanaël à Jésus : il ne l’avait encore jamais vu, c’étaient les premiers mots qu’il lui adressait, après certes une espèce d’expérience mystique : « Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu » (Jn 1,48), montrait bien que les Israélites de bonne foi de ce temps-là, « Voici un véritable Israélite » (Jn 1,47), étaient prêts de reconnaître instantanément le Messie comme Fils de Dieu, et non pas comme un simple héros humain, fût-il un prophète.
Toute la littérature intertestamentaire, qu’elle fût essénienne ou non, abondait dans ce sens-là. De nombreux textes bibliques y tendaient, cf. 1 Ch 17,13 ; Ps 89,27). « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui je t’ai engendré. » (Ps 2,7). Quelqu’un nourri des psaumes, ou d’Hénoch, ou du Testament des douze Patriarches était prêt à une telle confession, surgie du cœur.
Le Fils de Dieu, venant en ce monde, ne pouvait être que le Roi d’Israël, et par là, en droit, le souverain de tout le cosmos, le maître de tout l’ordre créé : Israël n’était-il pas le peuple élu entre tous ?
Dans l’adhésion si immédiate de Nathanaël, et des premiers disciples, gisait une dimension politique, davidique, en même temps que messianique ou eschatologique ; on ne doit pas se le dissimuler. Chez ces gens simples, la distinction n’était pas faite entre le religieux et le politique, entre la fin du monde et le temps du Messie. Ces différents plans n’émergeraient qu’après une difficile latence, en suite justement de l’envol du christianisme.
Jésus, d’entrée, ne désillusionnait pas ses disciples. Il les laissait à leur ferveur première. Il alimentait même leur enthousiasme : « Tu verras mieux encore… Vous verrez le ciel ouvert. » (Jn 1,50.51). Il entendait manifestement grouper autour de lui une équipe jeune, soudée, pleine d’allant, capable de soulever les foules.
9. --- « Tel fut le premier des signes de Jésus. » (Jn 2,11).
C’était par des signes, autrement dits des miracles, que Jésus authentifierait sa mission de Fils de Dieu, autrement dit justifierait ses propos. Tous les évangiles, mais spécialement le quatrième, furent écrits pour certifier cette prétention. « Jésus a accompli en présence des disciples encore bien d’autres signes, qui ne sont pas relatés dans ce livre [dirait la première conclusion de l’évangile]. Ceux-là l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu. » (Jn 20,30-31).
Jésus-Christ ne s’était aucunement imposé par la force, la force d’un roi temporel, au contraire de ce qui eût été son droit. Mais il s’était proposé par des signes, démontrant sa puissance divine (changer l’eau) et illustrant sa bonté (tirer ses hôtes de l’embarras), des signes accessibles aux âmes de bonne volonté, mais néanmoins non contraignants. « Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. » (Jn 2,11). Jésus ne souhaitait que susciter la foi. Il se hissait de prime abord au niveau d’une religion des cœurs. Le franciscanisme à ses débuts retrouverait cette fraîcheur d’élan.
10. --- « Ne faites plus de la maison de mon Père une maison de commerce. » (Jn 2,16).
Plus exactement : une maison de marché, ou de foire, « emporion ».
La grande esplanade du Temple, le parvis des gentils, aménagé par Hérode, était devenu un lieu de trafic, une foire, avec la complicité des responsables du Temple qui prélevaient sans scrupule des taxes sur les marchés (cf. 2 M 3,4), surtout à la veille des grandes fêtes, comme ici la Pâque (cf. Jn 2,13), qui drainaient à Jérusalem d’immenses foules. Des troupeaux entiers d’animaux étaient prêts pour le sacrifice, et les changeurs échangeaient la monnaie païenne – impure – contre la monnaie du Temple – seule pure – non sans prélever au passage leur taux usuraire. Tout ce bruit, et même ces odeurs, pouvaient envahir le Temple proprement dit. Les braves fidèles se faufilaient au milieu des bêtes et des vendeurs, parmi les jurons ou les imprécations.
Le sang de Jésus ne fit qu’un tour (il irait se confesser après coup de ce mouvement d’impatience !), il frappait à coups redoublés sur l’échine de ses compatriotes juifs.
Jésus s’installait ouvertement dans le rôle et dans l’affirmation de sa propre divinité, ce que les Juifs n’allaient pas tarder à lui reprocher amèrement (cf. Jn 5,18 ; 10,33). Il appelait le Temple de Jérusalem la maison de son Père ; il se conduisait dans le Temple du Seigneur comme dans sa propre maison, s’identifiant ainsi franchement à Yahvé. Certains exégètes modernes ont soupçonné Jésus, rétrospectivement et bien à tort, de nourrir une sourde hostilité à l’endroit du Temple, ou de ses desservants. C’était là un total contresens. Bien au contraire, un zèle jaloux pour la maison de Dieu le dévorait. « Le zèle pour ta maison me dévorera. » (Jn 2,17). Il s’y considérait comme chez lui depuis son enfance. (Cf. Lc 2,49). A l’occasion il en assurait la police, devenue défaillante par suite de l’incurie des grands prêtres. Remarquons-le bien, les Juifs ne lui contestaient pas son droit, conforme à la Torah, d’intervenir dans le Temple. C’était son devoir en tant que descendant légitime de David, et même de Salomon, le constructeur du Temple. Les responsables juifs exigeaient seulement qu’il exhibât ses lettres de créance : « Quel signe nous montres-tu pour agir ainsi ? » (cf. Jn 2,18). D’où tiens-tu ton autorité ? Les prêtres savaient fort bien qu’ils avaient tort, au regard même de la Loi.
Cependant Jésus, malgré son respect infini pour le Temple de ses pères, et de son peuple, laissait entendre qu’il était venu inaugurer un nouveau temple et un nouveau culte, en sa propre personne, et en la personne morale de son Eglise, un culte qui prendrait place dans le monde après sa propre mort : « Détruisez ce sanctuaire [le vrai, celui de mon corps] ; en trois jours [par ma résurrection] je le relèverai. » (Jn 2,19). Le temple de pierres, par nature destructible, n’était qu’une pâle image du temple spirituel qu’il entendait édifier.
11. --- « Le vent souffle où il veut ; tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. » (Jn 3,8).
Le vent, c’était l’Esprit (Pneuma), et c’était Ruah. Le vent, l’Esprit, ou Ruah, soufflait où il voulait, comme l’affirmait le proverbe. Le vent nous dépeignait l’ineffable activité en Dieu, qui n’était que liberté, liberté absolue, libérée de toute entrave. En Dieu tout n’était qu’amour, comme l’écrirait Jean (cf. 1 Jn 4,8.16). A l’intérieur de l’être nécessaire (pour nous, et de notre point de vue) il n’existait pas de nécessité, si ce n’était toutefois la nécessité d’aimer.
12. --- « Si vous ne croyez pas quand je vous dis les choses de la terre, quand je vous dirai les choses du ciel comment croirez-vous ? » (Jn 3,12).
Nous tenions-là l’une des clefs herméneutiques majeures, pour l’intelligence de l’enseignement du docteur Jésus, et déjà pour la simple lecture de cet évangile. Ladite clef nous était justement délivrée dans l’entretien qu’il eût avec le docteur juif, Nicodème.
Il convenait de distinguer très nettement, dans la pensée et dans l’action du Christ, les deux plans dans lesquels elles évoluaient, et que nous avions déjà repérés : le plan terrestre et le plan céleste, le plan naturel (de la création) et le plan surnaturel (de la révélation), le plan éternel (qui était celui de Dieu) et le plan spatio-temporel (celui dans lequel évoluait ce monde), le plan des processions divines (ad intra) et le plan des missions divines (ad extra). L’un n’était que le pâle reflet de l’autre, mais il existait, et il était celui que nous habitions, là où Dieu même viendrait nous rejoindre.
La philosophie distinguait déjà pratiquement ces deux plans : celui du relatif et celui de l’absolu. Mais la philosophie ignorait avec superbe, et par principe, ce qui se passait dans l’absolu ; elle ne prétendait même pas y accéder. L’absolu était de soi inabordable : c’était ce qu’on nommait la transcendance ; inabordable, certes, il l’était, sauf le cas d’initiative divine, sauf le cas de révélation !
Nous observerions toujours avec soin, dans l’étude subséquente de notre évangile, que les missions temporelles du Verbe, et de l’Esprit, s’élanceraient toujours à l’image, ou comme en écho, de leurs processions éternelles. Elles en seraient tout autant les révélatrices.
13. --- « Nul n’est monté au ciel hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est au ciel. » (Jn 3,13).
Le Fils de l’homme, c’était cet être ineffable en forme de fils d’homme, aperçu par le prophète Daniel en ses visions hardies (cf. Dn 7,9-14) et qui s’avançait en présence de l’Ancien des jours, c’était à dire de Dieu même. Ce Fils d’homme résidait au ciel de toute éternité : « qui est au ciel ». Même quand il descendait du ciel, il ne quittait pas son ciel. Et quand il remonterait au ciel au jour de son Ascension (future au moment où Jésus parlait, passée quand Jean écrivait), il rejoindrait le lieu où il était déjà.
Chez Daniel les mots « Fils de l’homme », en araméen « Bar nasha », en hébreu « Ben Adam », laissaient pressentir l’ « humanité », mais plus exactement la « personnalité » éternelle du Fils. De même que l’ « ancienneté » de l’Ancien laissait pressentir la « personnalité » éternelle du Père. Mais c’était Jean seulement qui nous inculquerait de façon formelle cette idée que ce « Fils de l’homme » était le propre Fils de Dieu, alors que le prophète Daniel ne faisait que le suggérer.
L’hébreu, ou l’araméen, langues pauvres, ne possédaient pas nos concepts de « personne », ou d’ « hypostase » ; l’hagiographe se voyait contraint d’employer ces métaphores de « Fils de l’homme », ou d’ « Ancien », pour tenter de les insinuer.
Mais de plus, les visions de Daniel enfermaient en leur sein une prophétie implicite. Car de fait ce « Fils de l’homme », ou « fils d’homme », était destiné à s’incarner, à devenir donc réellement un « fils d’Adam », comme l’écrirait Luc (3,38). En revendiquant le titre de « Fils de l’homme », Jésus accomplissait en sa personne la prophétie.
Le livre d’Hénoch en ses Paraboles, que nous avons déjà évoquées (cf. 1 H 37 – 71), développait de façon grandiose la figure de ce « Fils de l’homme », ce « Juste », cet « Elu de justice et de fidélité », qui préexistait à toute création et qui présiderait au jugement du monde à la fin des jours ; cet « Elu » que le « Seigneur des esprits » avait installé sur son propre trône de gloire.
Le livre d’Hénoch était certainement fort lu des contemporains du Christ, et l’on ne saurait douter qu’il n’eût été connu de Jésus lui-même : Jude, le propre frère du Seigneur, citerait le livre d’Hénoch dans son épître (cf. Jude, 14-15) au même titre qu’une écriture inspirée.
C’était à Hénoch, autant qu’à Daniel, que Jésus faisait allusion quand il se présentait comme le « Fils de l’homme ».
C’eût été, un peu, comme si un contemporain de Daniel Defoe avait soudain proclamé : « Robinson Crusoé, c’est moi ! ». Jésus était imprégné de la littérature eschatologique de son époque, comme aux époques modernes nous pouvons l’être de la littérature romanesque. Il n’est pas impossible qu’il n’en eût rêvé !
Jésus, un cerveau dérangé ? Non, un lecteur normal.
14. --- « Oui, Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » (Jn 3,16).
De toute l’éternité, Dieu ne disposait que d’un Fils pour lequel il avait épuisé sa puissance infinie d’aimer, son être d’amour. Or ce Fils, Dieu nous l’avait livré pour que nous en fissions ce que nous savons qui est arrivé. C’était bien la preuve que Dieu nous aimait d’un amour infini, infini comme il était lui-même. Pour autant ce Fils, il nous l’avait donné sous la forme d’un homme, l’homme Jésus, et non sous la forme d’un Dieu, sachant bien que nous étions nous-mêmes des hommes, des êtres limités, mais capables cependant, en un sens, d’accueillir l’illimité. Il nous l’avait donné comme un fils d’Adam ; mais dans ce fils d’Adam, nous étions invités à reconnaître le Fils de Dieu.
15. --- « Il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu. » (Jn 3,18).
Le Nom n’était pas la personne, il n’était que son substitut. Mais c’était un substitut nécessaire qui participait de son honneur et de sa dignité. Si le Nom n’était pas Dieu, il le révélait, il proclamait sa présence.
Yahvé ne pouvait pas résider dans son Temple, aux dires de Salomon : « Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite. » (1 R 8,27). C’était pourquoi Yahvé y avait fait résider son Nom (cf. 1 R 8,16). Mais le Nom signalait la personne. C’était pourquoi Dieu, qui était partout, résidait aussi personnellement dans son Temple, et c’était là qu’il voulait être adoré.
A partir de la Pentecôte, le Nom de Jésus (Yeh nous sauve) se substituerait au Nom de Yahvé comme puissance efficace et c’était au nom de Jésus, « par la foi en son Nom » (Ac 3,16), que Pierre et Jean guériraient l’impotent de la Belle Porte. Au moyen du Nom invoqué, la thaumaturgie de Jésus était là ; sa personne invisible était présente.
De même ici, croire au Nom du Fils unique de Dieu serait tout simplement croire que Jésus, l’homme Jésus, était vraiment le Fils unique de Dieu.
16. --- « La lumière est venue dans le monde. » (Jn 3,19).
D’après les premiers versets de la Genèse, c’était Dieu qui créait la lumière, par sa parole, comme la première de ses œuvres (cf. Gn 1,3). Dans Jean, la parole, ou le Verbe, était lui-même la lumière éclairant ce monde (cf. Jn 1,4) ; par conséquent une lumière incréée.
17. --- « Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous. » (Jn 3,31).
Il faut noter que, dans son ultime témoignage, Jean-Baptiste utilisait le vocabulaire de Jésus sur lui-même.
Celui qui venait d’en haut, c’était le Christ, qui avait une origine céleste. Comme homme il était au-dessus de tous ; mais comme Dieu il était tout en tous.
18. --- « Celui qui vient du ciel témoigne de ce qu’il a vu et entendu. » (Jn 3,31-32).
La théorie que Jésus-Christ devait développer de lui-même en venant sur cette terre, l’enseignement qu’il devait promulguer à l’adresse des hommes concernant sa propre personne, au sujet de ses relations avec son Père, au sujet des vérités du salut, seraient directement puisés dans les contemplations éternelles : ils en seraient l’image, le reflet, l’écho, ou encore la narration ou la description.
Jésus était la Science même, la Sagesse même. Mais certes il ne l’était pas de lui-même, il l’était du Père. Jésus était la Science du Père, la Sagesse du Père, la Vérité du Père. Jésus était un « Dieu de Dieu », selon l’admirable formule dont userait le symbole de Nicée-Constantinople.
Le Christ restait pour ainsi dire éternellement un enfant, un élève, car il devait tout apprendre de son Père, comme il apprendrait, en tant qu’homme, de ses parents et de ses instituteurs de la terre, comme il apprendrait dans le Temple des docteurs juifs (cf. Lc 2,46). Sans doute il était la Science, mais à l’état d’écoute, ou de vision, comme la science d’un élève puise à celle de son maître. Il était la Science reçue.
19. --- « Qui lui donne l’Esprit sans mesure. » (Jn 3,34).
De même donc que dans le temps, le Fils avait reçu l’Esprit Saint, au point de pouvoir le communiquer aux hommes : il l’avait reçu en plénitude sur les bords du Jourdain et il le communiquerait aux hommes le jour de la Pentecôte, après son Ascension auprès du Père ; de même dans l’éternité le Fils recevait infiniment l’Esprit Saint au point de pouvoir le rendre infiniment à son Père. Il le recevait passivement, au point de pouvoir le communiquer activement.
20. --- « Le Père aime le Fils ; il a tout remis en sa main. » (Jn 3,35).
Y compris dans l’éternité la procession du Saint-Esprit. Car le Fils était l’égal du Père, sa parfaite image.
Y compris dans le temps présent la faculté de racheter le genre humain, comme nous l’apprendrait le verset suivant : « Qui croit au Fils [et non pas seulement au Père] a la vie éternelle. » (Jn 3,36).
Le Père aimait son Fils. Mais cet amour du Père pour le Fils s’appelait l’Esprit Saint.
De même l’amour égal que le Fils portait à son Père s’appelait aussi l’Esprit Saint. L’Esprit pourrait donc se définir comme l’amour commun du Père et du Fils, et cet amour se répandait uniment sur les créatures, de la part du Père et du Fils, car l’amour comme le bien étaient diffusifs de soi, selon la belle expression qu’emploierait saint Thomas d’Aquin.
21. --- « Il t’aurait donné de l’eau vive. » (Jn 4,10).
L’eau vive signifiait l’Esprit Saint (cf. Jn 7,39). Sous des images à sa portée, le Christ suggérait à la Samaritaine que lui-même donnait l’Esprit Saint à qui il voulait, quand il voulait ; de même que dans l’éternité il le donnait à son Père, dans une relation d’amour filial.
Il était lui-même, absolument, la source de l’Esprit Saint, comme le Père était absolument la source de l’Esprit Saint. Autrement dit l’Esprit Saint procédait de lui, Jésus, tout à la fois dans l’éternité et dans le temps : en tant que Fils à l’égard de son Père, et en tant que père, messie, sauveur à l’égard de ses créatures.
22. --- « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. » (Jn 4,21).
Dans les lieux de culte païen, on adorait un Dieu complètement inconnu et innommé : confer l’exclamation que pousserait saint Paul devant les Athéniens : «Eh bien ! ce que vous adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l’annoncer. » (Ac 17,23).
Sur le mont Garizim, haut lieu des samaritains, on connaissait le nom de Yahvé ; mais c’était parmi d’autres divinités fausses qu’on l’avait adoré : « Ils révéraient Yahvé et ils servaient leurs dieux, selon le rite des nations d’où ils avaient été déportés. Encore aujourd’hui, ils suivent leurs anciens rites. » (2 R 17,33-34).
A Jérusalem, certes, on connaissait le Nom de Yahvé et on l’adorait exclusivement comme celui du Dieu unique.
Mais depuis que Dieu s’était fait connaître aux hommes, en Jésus-Christ,
comme Père,
et Père d’un Fils,
et Père d’un Fils en Esprit, aucune montagne ni aucun temple ne pouvait désormais contenir son culte. Son véritable et unique temple serait son Fils, lequel était la Vérité, et son Esprit, lequel était l’Amour.
23. --- « Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » (Jn 4,23).
C’était à dire dans l’Esprit qui était Saint, et dans Jésus-Christ qui était la Vérité.
24. --- « Dieu est esprit et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer. » (Jn 4,24).
Aucun temple n’avait jamais pu renfermer Dieu. Salomon l’avait déjà confessé en inaugurant le Temple de Jérusalem qu’il avait construit (cf. 1 R 8,27). Cependant Dieu avait bien voulu résider dans ledit Temple, au moins par son Nom (cf. 1 R 8,29), c’est-à-dire qu’il avait bien voulu y recevoir un culte exclusif qui lui fût rendu sous le nom de Yahvé. Dieu habitait en tous lieux, et par conséquent il pouvait bien demeurer aussi dans le Temple de Jérusalem. Mais depuis qu’il s’était fait connaître comme Père, il désirait être adoré uniment par toute la terre. Son vrai temple, et le vrai culte qu’on lui devrait rendre, ne seraient autres que son propre Fils et que son Esprit. C’était en eux et par eux que les vrais adorateurs devraient adorer.
Dieu pouvait être dit esprit, pneuma, déjà en un sens philosophique ou rationnel, car il était comme l’étaient les âmes et comme l’étaient les anges, c’était à dire un être immatériel. Une telle acception du mot « esprit » restait valable au sein d’une théologie révélée. Toutefois Dieu était Esprit, aussi, en un sens surnaturel, ou théologal, car de lui émanait l’Esprit Saint, lequel Esprit ne nous était jamais connu que par révélation : en même temps que le Fils et par le médium du Fils. Une telle existence conjointe du Fils et de l’Esprit nous fut clairement révélée, à nous autres hommes, le jour où le Christ fut solennellement et publiquement baptisé dans le Jourdain. Et de cette théophanie, Jean le Baptiste resterait pour nous le témoin privilégié et authentique (cf. Jn 1,32).
Mais pour lors, quand Jésus s’entretenait avec la Samaritaine, la personnalité et la divinité de l’Esprit Saint, son égalité avec le Père et le Fils, n’étaient pas encore pleinement manifestées aux hommes. L’Esprit Saint était certes donné au Christ, qui même l’avait reçu sans mesure (cf. Jn 3,34) ; mais il n’était pas encore concédé à l’Eglise en tant que telle (cf. Jn 7,39). Tout cela n’adviendrait que le jour de la Pentecôte.
Le Fils aussi était esprit, en un sens naturel ou philosophique, car il était le Fils d’un Dieu esprit. Mais de plus le Fils était Esprit en un sens surnaturel, car de lui émanait l’Esprit Saint, conjointement avec le Père. Toutefois le Fils n’était pas pur esprit comme l’étaient les anges ; car il s’était incarné, et par là il tombait sous la vérification des sens.
Le Père, en tant que Dieu unique, était accessible à la raison, laquelle pouvait démontrer par des voies naturelles l’existence et les propriétés d’un Dieu unique (cf. Rm 1,18-20).
Le Fils, en tant qu’homme, devenait accessible aux sens.
Mais l’Esprit, quant à lui, n’était jamais accessible que dans la foi. Sa connaissance en tant que personne relevait purement de l’ordre surnaturel.
Certes, une théologie si profonde n’était encore dispensée à la Samaritaine qu’en termes voilés. Mais pour le lecteur de l’évangile, qui savait par ailleurs que Jésus-Christ était le Verbe de Dieu (cf. le prologue), la doctrine exposée ci-dessus ne saurait souffrir d’ambiguïté.
25. --- « Je le suis, moi qui te parle. » (Jn 4,26).
La Samaritaine avait d’elle-même soupçonné que le langage de ce Juif Jésus, auquel elle donnait à boire, renvoyait à l’ère messianique : c’était là un discours nouveau. Aussitôt Jésus, profitant de ses pressentiments, achevait de la faire accéder à la vraie foi. Le Messie ? Je le suis, moi qui te parle. Non seulement était-il le Messie, mais encore « la vie » (Jn 1,4), et « la lumière des hommes » (ib.). Il était « le don de Dieu » (Jn 4,10), et la source de l’eau vive (cf. Jn 4,14), c’était à dire de l’Esprit Saint.
26. --- « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jn 4,34).
De toute éternité, le Fils était la volonté du Père, car il était son Logos : autrement dit sa délibération intérieure. Quant à l’ « œuvre » éternelle du Fils, ce n’était rien d’autre que l’Esprit Saint, car l’Esprit Saint procédait « activement » de lui, en « acte ». Mais, dans le temps, le Fils n’était plus la volonté de son Père ; il l’accomplissait seulement, il la « faisait ».
Le Fils accomplissait la volonté de son Père, d’une part en donnant sa vie pour le salut du monde, mais aussi en envoyant l’Esprit Saint dans le monde, en « missionnant » l’Esprit. La mission de l’Esprit procédait équivalemment de lui ; elle devenait son « œuvre » temporelle.
27. --- « Mon Père travaille toujours et moi aussi je te travaille. » (Jn 5,17).
De toute éternité le Père « produisait » l’Esprit. Eternellement aussi le Fils « produisait » l’Esprit, à l’imitation de son Père et dans l’égalité avec lui. C’était leur travail commun. Mais dans cet espace et dans ce temps, aussi, Dieu ne laissait pas de travailler même le jour du sabbat. Si Dieu en effet n’avait pas créé tous les jours ce monde, même le jour du sabbat, il serait retombé aussitôt dans le néant d’où il était sorti.
Le Fils de Dieu imitait son Père : en guérissant, en prêchant, en sauvant les hommes même le jour du sabbat ; ce qui ne manquait pas d’intriguer et de scandaliser les docteurs juifs.
28. --- « Non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant ainsi l’égal de Dieu. » (Jn 5,18).
« Ison héauton poiôn tô théô » « Faisant soi égal à Dieu ». Voila le grand mot lâché ! Il faudrait des siècles de spéculations théologiques, et des centaines de réunions synodales, pour que s’imposât définitivement dans la chrétienté, et dans l’Eglise, cette notion d’égalité en Dieu. L’égalité ! Voila un couteau trouvé dans le sable que les poules chrétiennes, et même les poules catholiques, auraient bien du mal à apprivoiser. Encore aujourd’hui, on pourrait se demander si elles n’auraient la tentation de le juger encombrant ! Et pourtant l’égalité, c’était la seule doctrine conforme à ce que Jean nous enseignait du Logos. De la même manière l’égalité de tous les hommes devant Dieu, en qualité de fils, restait le moteur irremplaçable de la mission « catholique », universelle.
Cette notion d’égalité aurait sa répercussion sociologique ou historique, puisqu’elle serait adoptée par tous les grands systèmes de pensée contemporains. Ce serait cette notion qui gouvernerait la société des nations, et même le monde, du moins idéalement.
On pourrait relever que, paradoxalement, l’évangéliste plaçait le mot dans la bouche des adversaires de Jésus : « Il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant ainsi l’égal de Dieu. » Mais Jésus ne le récusait aucunement, car c’était bien à quoi tendait tout son enseignement, à quoi aboutissait tout son discours : Il était l’égal de Dieu, dans la révérence filiale.
Jésus, en tant que Fils, était vraiment l’égal de Dieu. On pouvait en inférer légitimement que l’Esprit aussi était vraiment l’égal de Dieu, c’était à dire l’égal du Père et du Fils.
Appeler Dieu son propre Père, c’était vraiment s’égaler à Dieu, comme l’entendaient fort bien les docteurs juifs. Car la génération en Dieu ne pouvait être qu’une génération à l’identique, proprement une duplication de la Personne. De toute éternité Dieu engendrait son alter ego, son égal, un autre lui-même, un autre Dieu : un autre (qui était un seul) Dieu (avec lui, mais tout comme lui). Le Fils n’était en rien inférieur à son Père (subordinationisme). Le Fils n’était aucunement une créature de son Père (arianisme). Le Fils procédait de l’être même, de la substance de son Père, comme le professerait la scolastique. N’était la distinction des Personnes, on pourrait dire qu’il était la substance de son Père, l’être même de son Père. Il était en effet la substance de son Père, moins la paternité. De la même manière on pourrait considérer l’Esprit comme étant la substance commune du Père et du Fils, l’être du Père et du Fils, la divinité du Père et du Fils, moins la paternité et moins la filiation. Ou encore la divinité du Père et du Fils, moins la génération active et passive.
Le Fils laissait entendre qu’il était l’égal de son Père, sans qu’on dût pour cela postuler l’existence de deux Dieux. De même l’Esprit se laisserait adorer comme l’égal du Père et du Fils, sans qu’il fallût entériner l’existence de trois divinités.
On se souviendrait de la formule employée dans notre credo le plus usuel, celui de Nicée-Constantinople : Deum de Deo, Dieu issu de Dieu. Et cependant personne n’eût jamais soupçonné le credo de Nicée-Constantinople de porter atteinte à l’unicité divine.
Descendons un instant au niveau de la simple philosophie : on tiendrait que Dieu ne serait autre que l’infini ; or il ne subsisterait pas de place pour plusieurs infinis réalisés. Un seul infini existerait : éternel, immuable, un et parfait.
Mais deux Personnes : le Père et le Fils, trois Personnes avec le Saint-Esprit, toutes les trois procédant éternellement l’une de l’autre, seraient ensemble cet unique infini, accompli et immuable.
Consignons-le au passage : le principe de l’unité en Dieu, si fortement exigé par la raison humaine, se verrait parfaitement respecté dans la théologie de la Sainte Trinité : unité d’origine, puisque tout, absolument tout, y compris la divinité même, procèderait éternellement du Père. Unité de finalité, puisque toutes les processions divines auraient leur terme dans l’Esprit ; unité de moyen enfin, puisque tout dans l’éternité, comme dans le temporel, transiterait par le Fils. Il serait le Médium en Dieu ; il serait l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. Les processions éternelles passeraient par le médium du Fils ; de même nous n’allons à Dieu que par le moyen du Fils : à la fois créateur et rédempteur. C’était saint Thomas d’Aquin qui parlerait de procession médiate : procession de l’Esprit par le Fils, par le médium du Fils.