Trinité, dans Wikipédia
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Dans le christianisme, le mot Trinité évoque le mystère d’un Dieu unique en trois personnes, Père, Fils et Esprit Saint, mystère qui nous a été révélé par Jésus-Christ, lui-même Fils de Dieu.
Remarquons d’entrée que ce mot « Trinité » n’appartient pas au vocabulaire du Nouveau Testament, ni, par conséquent, au kérygme originel de la première communauté chrétienne. Il est seulement un résumé, de nature théologique, pour signifier le dogme central de la foi chrétienne. On trouve le mot grec « Trias », génitif « Triados », employé pour la première fois (vers 180) dans les écrits de Saint Théophile, sixième évêque d’Antioche, qui lui-même n’affirme pas être l’inventeur du mot, dans cette acception. Et c’est seulement Tertullien (v. 155 – v. 222) qui a introduit le terme « Trinitas » dans le lexique théologique latin.
Mais c’est bien dans le Nouveau Testament qu’on trouve l’essentiel de la révélation d’un Dieu qui est Trinité. Le mot n’y figure pas ; mais les trois personnes y sont clairement nommées, y agissent et s’y manifestent, à la fois dans leur distinction et dans leur unité.
La première révélation de la Trinité fut une révélation privée, au profit de la Vierge Marie, mère du Christ. Elle se produisit, comme il se devait, au moment même de l’Incarnation du Fils, lors de l’Annonciation par la voix de l’ange Gabriel. « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. » (Lc 1,35). On a bien là le Père dans les cieux ; le Fils dans le sein de Marie ; et l’Esprit Saint descendant du ciel sur Marie pour la féconder.
La deuxième révélation de la Trinité, et la première qui fût publique, eut lieu au Jourdain, lors du baptême du Christ. « L’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix partit du ciel : ‘Tu es mon Fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré.’ » (Lc 3,22). Elle eut Jean-Baptiste, le précurseur, comme principal témoin. « J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel, et demeurer sur lui. » (Jn 1,32).
Cette révélation de la divinité du Fils sera confirmée sur le sommet du mont Hermon, pour le compte des trois disciples privilégiés, déjà présents au Jourdain, Pierre, Jacques et Jean, au moment de la Transfiguration : « Celui-ci est mon Fils, l’élu, écoutez-le. » (Lc 9,35).
Le Nouveau Testament est rempli de formules qui affirment, ou supposent, la parfaite divinité du Fils, d’une part, et qui d’autre part associent pleinement l’Esprit à la vie, à l’intimité et à l’action du couple Père et Fils.
L’évangile de Marc s’ouvre par une profession de foi : « Commencement de l’évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. » (Mc 1,1). Et l’évangile de Matthieu se termine quasiment par cette consigne universaliste s’il en est : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. » (Mt 28,19).
Mais c’est dans Jean qu’on trouve la doctrine trinitaire la plus élaborée, et les apophtegmes les plus percutants, à tel point qu’on a pu qualifier Jean de « théologien ». Il est difficile de résumer sa pensée en peu de mots.
« Au commencement était le Logos et le Logos était auprès de Dieu et le Logos était Dieu. » (Jn 1,1). « Tout fut par lui et sans lui rien ne fut. » (Jn 1,3). « Et le Logos s’est fait chair. » (Jn 1,14). « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils monogène qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître. » (Jn 1,18). «Moi, je suis la lumière du monde. » (Jn 8,12). « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, Moi, Je Suis. » (Jn 8,58). « Moi et le Père nous sommes un. » (Jn 10,30) (C’est-à-dire : un seul Dieu). Et encore : « Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui vient du Père, il me rendra témoignage. » (Jn 15,26). Puis ces mots qui expriment les relations entre les trois personnes : « Tout ce qu’a le Père est à moi [le Fils]. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il [l’Esprit] reçoit et qu’il vous expliquera. » (Jn 16,15).
On peut considérer que Jean, dans sa première épître, nous livre pour ainsi dire la clef de la Trinité en disant que « Dieu est amour » (1 Jn 4,16 ; cf. 1 Jn 4,8). La Trinité en effet est un mystère d’amour, ou elle n’est pas. Amour interpersonnel, éternel et absolu. Car Dieu, nous apprend la révélation chrétienne, n’est pas solitude éternelle mais famille.
Saint Paul n’arrête pas de répéter dans toutes ses épîtres que Jésus est Seigneur, et par conséquent Dieu. Il le nomme expressément Dieu à plusieurs reprises (cf. Rm 9,5 ; Tt 2,13) et Fils de Dieu (cf. Rm 1,3 ; 5,10 ; Ga 2,20 ; Col 1,3 ; 1,13 ; etc.). Le même Paul utilise souvent des doxologies proprement trinitaires (Cf. 2 Co 13,13 etc.) qui associent les trois personnes divines.
De même l’épître aux Hébreux développe une christologie déjà fort avancée. « Il [Dieu le Père] dit à son Fils : Ton trône, ô Dieu, subsiste dans les siècles des siècles. » (He 1,8). Mais l’Esprit de Dieu se trouve pleinement mêlé à l’œuvre du Fils : « …le sang du Christ [le Fils], qui par un Esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu [le Père], purifiera […] notre conscience des œuvres mortes… » (He 9,14).
L’Eglise indivise des premiers siècles a maintenu fermement la foi apostolique, comme on le voit par les écrits des Pères de l’Eglise : saint Ignace, saint Polycarpe, Clément d’Alexandrie, saint Justin, Tertullien et même Novatien ; mais surtout saint Irénée. Toutefois la conception d’un Dieu Trinité eut à se défendre contre des déviations, non seulement de la part des sectes, manichéisme, marcionisme, gnosticisme, mais encore de penseurs catholiques. Les principales furent le modalisme (théorie de Sabellius) qui faisait des personnes divines de simples modalités, ou représentations, de l’unique essence divine et le subordinationisme qui voyait dans le Fils et dans l’Esprit des personnes inférieures au Père.
Arius, prêtre alexandrin du début du IV e siècle, porta le subordinationisme à son comble en affirmant du Fils qu’il était une simple créature, ayant eu un commencement dans le temps.
Le premier concile œcuménique, réuni à Nicée en 325, condamna l’hérésie d’Arius ; il réaffirma la divinité du Fils, en posant que le Fils était « consubstantiel » (homoousios) au Père, c’est-à-dire qu’il avait une essence, ou substance, ou nature, commune avec le Père, ou encore une divinité commune avec le Père.
En un mot qu’il était, quoique distinct du Père, un seul Dieu avec lui.
Le concile réuni à Constantinople en 381, deuxième œcuménique, a enseigné que la consubstantialité et la distinction pouvaient être affirmées des trois personnes divines, et par conséquent aussi du Saint-Esprit. On attribue à ce concile le symbole dit de Nicée-Constantinople, notre Credo (avant l’adjonction du Filioque).
Ce fut au concile de Chalcédoine seulement (en 451) que le vocabulaire théologique acquit sa pleine stabilité, au sujet du mystère trinitaire. Ce concile, surtout christologique (consacré à la personne du Fils), a déclaré qu’il fallait assimiler les notions latines de substance et de personne (introduites par Tertullien) respectivement à celles (grecques et tirées des spéculations d’un Plotin) d’essence (ousia) et d’hypostase (hupostasis).
De telle sorte qu’on puisse affirmer qu’en Dieu il y a une seule substance, ou essence, et trois personnes ou hypostases.
A la suite des symboles de Nicée puis de Constantinople, différents symboles acceptés par la tradition sont venu apporter des précisions remarquables sur l’intelligence qu’on doit avoir du mystère trinitaire : le symbole de saint Épiphane, celui dit de saint Athanase, celui des conciles de Tolède.
Citons quelques extraits du XI e concile de Tolède (675) :
« Nous professons que le Père n’est ni engendré ni créé, mais qu’il est inengendré. Il ne tire son origine de personne ; de lui le Fils reçoit sa naissance et le Saint Esprit sa procession. Il est donc lui-même source et origine de toute la divinité ; il est aussi le Père de sa propre essence et, de son ineffable substance, il a engendré ineffablement le Fils ; et cependant il n’a pas engendré autre chose que ce qu’il est lui-même : Dieu a engendré Dieu, la lumière, la lumière. »
« Nous affirmons aussi que le Fils est né de la substance du Père sans avoir eu de commencement, avant les siècles, et cependant il n’a pas été fait. Car le Père n’a jamais existé sans le Fils, ni le Fils jamais sans le Père. Cependant, le Père n’est pas du Fils comme le Fils du Père, parce que le Père n’a pas reçu du Fils la génération, mais le Fils l’a reçue du Père. Le Fils est donc Dieu issu du Père, mais le Père n’est pas Dieu issu du Fils. Père du Fils, il n’est pas Dieu par le Fils. Celui-ci est Fils du Père et Dieu par le Père. Le Fils est cependant égal en toutes choses à Dieu, le Père, parce qu’il n’a jamais commencé ni cessé de naître. »
« Nous croyons aussi que l’Esprit Saint, qui est la troisième personne dans la Trinité, est Dieu, un et égal au Père et au Fils, de même substance et aussi de même nature. Il n’est cependant ni engendré ni créé, mais il procède de l’un et de l’autre, il est l’Esprit de tous les deux. »
Dans les questions 27 à 43 de la Somme théologique (appelées peut-être improprement traité De Deo trino : du Dieu trine) saint Thomas d’Aquin a résumé ainsi la foi trinitaire en posant qu’on pouvait distinguer en Dieu :
· Une essence, ou substance, ou nature, ou divinité.
· Deux processions : la génération (du Fils) et la spiration (du Saint Esprit).
· Trois personnes : le Père, le Fils et le Saint Esprit.
· Quatre relations : la paternité, la filiation, la spiration (active) et la procession (passive).
· Cinq propriétés : l’innascibilité (du Père), la paternité (du Père), la filiation (du Fils), la spiration (par le Père et le Fils) et la procession (du Saint Esprit).
Les mots Filioque (et du Fils) ont été introduits dans le symbole de Nicée-Constantinople par l’Église d’Espagne, et acceptés par Charlemagne. Après une longue résistance, l’Église romaine a fini par les recevoir dans son symbole : à partir de Benoît VIII (vers 1024). Mais aujourd’hui encore les papes professent le Credo indifféremment sous les deux formes : avec ou sans le Filioque.
Les conciles généraux de Lyon (en 1274) et de Florence (en 1439) ont défini que ces mots avaient été introduits légitimement dans le symbole ; mais ils ont bien précisé que la spiration de l’Esprit Saint s’opérait comme d’un unique principe.
Autrement dit l’Esprit procède du Père et du Fils comme étant un seul Dieu, ou encore du Père par le Fils, mais non pas séparément.
Il existe un seul Dieu personnel, transcendant au monde qui renferme en lui toutes les perfections. Il est omniscient, omnipotent, et il est l’Amour.
Il y a en Dieu trois personnes, le Père, le Fils et le Saint Esprit, qui nous sont révélées par l’incarnation du Fils et par l’envoi du Saint Esprit. Elles possèdent l’unique nature divine et c’est la divinité entière et indivisible qui est en chacune des personnes, dans le Père, dans le Fils et dans l’Esprit. Entre les trois personnes divines il existe une distinction réelle, qui se fonde uniquement sur les relations mutuelles que ces personnes entretiennent entre elles. Le Père tient de lui-même la nature divine. Le Fils procède du Père par génération éternelle. Le Saint Esprit procède du Père et du Fils, ou encore du Père par le Fils, comme d’un seul et même principe, en tant qu’ils sont un seul Dieu.
Le Père, le Fils et le Saint Esprit se compénètrent mutuellement dans la plus parfaite circumincession d’Amour, en grec : périchorèse, et agissent par une seule et même opération sur le monde, en dehors d’eux.
Le monde interne de Dieu (œuvres ad intra) ne nous est connu que par leurs œuvres externes (ad extra), autrement dit par la création, l’incarnation, la rédemption et l’envoi de l’Esprit. Les œuvres ad extra de Dieu imitent les processions internes et nous parlent d’elles.
Le monde de Dieu, celui de la Trinité, est une parfaite vie d’Amour et d’unité, Amour et unité étant corrélatifs.
Selon saint Thomas d’Aquin, l’Esprit Saint procède du Père immédiatement, et du Père par le Fils médiatement. Dans les processions divines, le Fils joue donc en quelque sorte le rôle d’un Medium, si le Père en est le Commencement ou l’Origine, tandis que le Saint Esprit en est la Fin.
De même dans les œuvres ad extra le Fils, par son incarnation, tient-il le rang d’un Medium, puisqu’il est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, entre le monde créé et le monde incréé.
Le monde interne de Dieu est en soi nécessaire et absolu. Mais il ne nous est pas connu comme tel, puisque il n’est accessible qu’indirectement, et par révélation, et donc par grâce.
Les œuvres externes de Dieu ne sont jamais nécessaires, mais dépendent de sa libre initiative et libéralité, autrement dit de sa grâce. En effet l’Amour est diffusif de soi.
La foi catholique. Dumeige. 1961
· Le petit livre et les sept tonnerres. Commentaire de l'évangile de Jean