Lecture commentée de l’Apocalypse :
Troisième partie :
III. Les Sept trompettes
Ap 8,2 --- 11,19
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III. Les Sept trompettes (8,2 --- 11,19)
(8,2) Et je vis les sept anges qui se tiennent debout devant Dieu, [Différents, semblait-il, des sept Esprits de Dieu de 5,6 ; différents aussi des sept Anges des sept Eglises (cf. 1,20). Dès l’ouverture de ce nouveau cycle, notre regard plongeait dans les cieux béants. ] et on leur remit sept trompettes. [Les trompettes annonciatrices et préfiguratrices du jugement dernier. Jusqu’au verset 8,7 elles seraient maniées sans bruit, par des mains expertes, comme dans une fanfare se préparant à sonner : ce qui accroissait l’intensité dramatique de l’instant. ] (8,3) Et un autre ange vint, et se plaça devant l’autel tenant une pelle en or, et il lui fut donné beaucoup de parfums pour qu’il les offrît, avec les prières de tous les saints, sur l’autel d’or qui est devant le trône. [Sur l’autel des parfums placé devant le Saint des Saints. La pelle à feu servait à transporter les braises ardentes de l’autel des holocaustes, devant le Saint, jusqu’à l’autel des parfums, devant le Saint des Saints (Bible de Jérusalem).] (8,4) Alors monta la fumée des parfums avec les prières des saints de la main de l’ange en présence de Dieu. [Le symbolisme des parfums était expliqué par le texte même : dans la liturgie céleste, les parfums figuraient les prières de tous les saints, leurs actions de grâce, leurs louanges, leurs acclamations.] (8,5) Et l’ange saisit la pelle et l’emplit du feu de l’autel, qu’il jeta sur la terre. Ce furent alors des tonnerres, des voix et des éclairs, et un tremblement de terre. [A la liturgie céleste répondait la fantasmagorie des phénomènes naturels. La terre avec tous ses habitants s’agitait dans le pressentiment de « ce qui doit arriver plus tard. » (1,19).]
(8,6) Et les sept anges qui tenaient les sept trompettes s’apprêtèrent à sonner de la trompette. [Cet acte III, celui des Sept trompettes, s’apprêtait à nous raconter, d’une manière imagée, l’histoire récente, ou même immédiate, de l’humanité : ce qui venait d’arriver.] (8,7) Et le premier sonna ; alors il y eut de la grêle et du feu mêlés de sang ; ils furent jetés sur la terre, et le tiers de la terre fut consumé, et le tiers des arbres fut consumé, comme toute herbe verte fut consumée.
(8,8) Et le deuxième ange sonna ; alors, comme une montagne énorme et embrasée fut jetée dans la mer ; et le tiers de la mer devint du sang ; (8,9) et périt le tiers des créatures qui sont dans la mer, qui ont des âmes, et le tiers des navires fut détruit.
(8,10) Et le troisième ange sonna… Alors tomba du ciel un astre énorme, brûlant comme une torche. Il tomba sur le tiers des fleuves et sur les fontaines des eaux. (8,11) l’astre se nomme « Absinthe ». Et le tiers des eaux se changea en absinthe, et bien des hommes moururent de ces eaux parce qu’elles étaient devenues amères.
(8,12) Et le quatrième ange sonna. Et furent frappés le tiers du soleil, le tiers de la lune et le tiers des étoiles, de telle sorte que le tiers d’entre eux fût obscurci, et que le tiers du jour ne luisît pas, et la nuit de même.
(8,13) Et je vis, et j’entendis un aigle volant au zénith, disant d’une voix forte : « Malheur, malheur, malheur, aux habitants de la terre à cause des autres voix de trompette des trois anges qui sont sur le point de sonner. »
(9,1) Et le cinquième ange sonna. Et je vis qu’une étoile était tombée du ciel sur la terre. On lui donna la clef du puits de l’abîme. (9,2) Elle ouvrit le puits de l’abîme ; alors monta une fumée du puits comme la fumée d’une fournaise immense ; le soleil et l’air furent obscurcis de la fumée du puits. (9,3) Et de cette fumée se répandirent des sauterelles sur la terre ; et il leur fut donné un pouvoir, comme le pouvoir des scorpions de la terre. (9,4) On leur dit d’épargner l’herbe de la terre, et toute verdure et tout arbre et de s’en prendre seulement aux hommes qui ne porteraient pas sur le sceau de Dieu sur le front. (9,5) On leur donna, non de les tuer, mais de les tourmenter cinq mois durant ; et leur tourment comme le tourment provoqué par les scorpions quand il frappe l’homme. (9,6) En ces jours-là les hommes chercheront la mort et ne la trouveront pas ; ils désireront mourir et la mort s’enfuit d’eux.
(9,7) Or l’aspect de ces sauterelles était semblable à des chevaux équipés pour la guerre ; et sur leurs têtes comme des couronnes, semblables à de l’or ; et leurs visages comme des visages d’hommes. (9,8) Elles avaient des chevelures comme des chevelures de femmes, et leurs dents comme des dents de lion. (9,9) Elles avaient des thorax comme des cuirasses de fer ; et le bruit de leurs ailes comme le bruit de multiples chevaux de chars se ruant au combat. (9,10) Elles ont des queues semblables à des scorpions, avec un dard ; et dans leurs queues leur pouvoir de torturer les hommes cinq mois durant. (9,11) Elles ont à leur tête, comme roi, l’ange de l’abîme ; son nom en hébreu : « Abaddôn », et en langue grecque il se nomme : « Apollyôn. »
(9,12) Le premier « Malheur » est passé ; voici que viennent encore deux « Malheurs », après cela.
(9,13) Et le sixième ange sonna. Alors j’entendis une voix venant des quatre cornes de l’autel d’or, placé devant Dieu, (9,14) disant au sixième ange portant trompette : « Relâche les quatre anges enchaînés sur le grand fleuve Euphrate. » (9,15) Et ils furent relâchés les quatre Anges qui se tenaient prêts pour l’heure, le jour, le mois et l’année, afin d’exterminer le tiers des hommes. (9,16) Le nombre des armées de la cavalerie : deux myriades de myriades ; j’entendis prononcer leur nombre. (9,17) Ainsi ai-je aperçu les chevaux en vision , et leurs cavaliers, portant des cuirasses de feu, d’hyacinthe et de soufre ; et les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lion ; de leur bouche s’échappent le feu, la fumée, le soufre. (9,18) Par ces trois fléaux fut occis le tiers des hommes : par le feu, la fumée, le soufre qui s’échappaient de leurs bouches. [Les six premières trompettes voyaient s’aggraver les cataclysmes naturels, ou humains. Non plus seulement le quart, comme dans le cycle précédent, mais le tiers (cf. 8,7.9.10.11.12 ; 9,15.18) des éléments étaient frappés. Toutefois, malgré les châtiments, le monde survivait, mais son jugement se faisait proche.
Etaient évoquées, ici, toutes les catastrophes physiques, ou militaires, qui avaient affligé l’humanité dans un passé assez récent, et dont on avait pu garder le souvenir.
On discernait : la grêle et le feu (cf. 8,7), une éruption volcanique (cf. 8,8), un météore (cf. 8,10), un vent de sable (cf. 8,12), une étoile filante (cf. 9,1), des sauterelles (cf. 9,3), deux cents millions de cavaliers sur l’Euphrate (cf. 9,16), et feu, fumée, soufre qui s’échappaient de leur bouche (cf. 9,17).
C’était du temps de Néron, et non sous Domitien, que l’empire alors au maximum de son expansion avait connu une grave menace sur sa frontière de l’Euphrate. La menace se voyait démesurément enflée par la rumeur populaire.
Bien entendu tous les maux physiques, ici décrits, n’étaient que l’image, ou la conséquence, de maux spirituels infiniment plus graves : c’étaient les péchés des hommes qui, en réalité, faisaient périr les hommes. L’idolâtrie ravageait le monde. Les démons, échappés d’enfer, parcouraient la terre. Ils avaient pour aurige l’Ange de l’Abîme, Abaddôn ou Apollyôn (cf. 9,11), ce qui voulait dire la Destruction en personne. Ce mot de « Apollyôn » faisait songer à « Apollon ». Or les historiens nous apprennent que Néron aimait à se donner en spectacle aux foules, déguisé en Apollon aurige ou citharède. ] (9,19) Car le pouvoir des chevaux réside dans leur bouche, et dans leurs queues ; en effet leurs queues ressemblent à des serpents ayant des têtes ; et par elles, ils sont nocifs. (9,20) Or le reste des hommes, qui ne furent pas occis par ces fléaux, ne firent pas pénitence des œuvres de leurs mains ; ils ne cessèrent pas d’adorer les démons et les idoles d’or et d’argent, de bronze ou de bois, incapables de voir, d’entendre ou de marcher. (9,21) Ils ne firent pas pénitence de leurs meurtres, de leurs empoisonnements, de leur fornication, ni de leurs rapines. [Le visionnaire Jean, au moment où il écrivait, observait ce phénomène insolite : malgré tant de fléaux qui avaient frappé l’humanité, les hommes n’étaient pas revenus de leur idolâtrie, de leurs débauches, de leurs meurtres.]
(10,1) Et je vis un autre ange, [Autre que les anges des sept trompettes, car il était porteur d’une révélation différente.] puissant, [de la puissance même de Dieu] descendant du ciel [d’auprès de Dieu] enveloppé d’une nuée, [la nuée lumineuse de la divinité, cette nuée que Jean avait déjà pu contempler au mont Hermon (cf. Mt 17,5 ; Mc 9,7 ; Lc 9,34)] un arc-en-ciel au-dessus de la tête, [car la Nouvelle Alliance, dont il apportait la charte, rappellerait l’Alliance autrefois conclue avec Noé ] son visage était comme le soleil [car ce visage reflétait la gloire divine ] et ses jambes comme des colonnes de feu. [Ces jambes immenses, et faites de lumière, rappelaient l’échelle de Jacob qui avait autrefois relié le ciel et la terre (cf. Gn 28,12).] (10,2) Il tenait dans sa main [comme un docteur tient en sa main le livre] un tout petit livre [rien moins que le IV e évangile, ou du moins son ébauche, son épure, son projet] ouvert. [Car la révélation qu’il enfermait était destinée au monde entier.] Il posa son pied droit sur la mer, [l’élément liquide] le gauche sur la terre, [l’élément solide] (10,3) et il clama d’une voix puissante, [si puissante qu’elle pouvait retentir jusqu’aux extrémités du monde, et de l’histoire] comme le lion rugit. [« Le lion a rugi : qui ne craindrait ? Le Seigneur Yahvé a parlé : qui ne prophétiserait ? » (Am 3,8)] Quand il eut clamé, les sept tonnerres firent entendre leurs voix. [Ces tonnerres symbolisaient les sept chapitres principaux, les sept semaines ou fêtes juives, dont serait composé le IV e évangile.] (10,4) Quand les sept tonnerres eurent parlé, [quand la septuple révélation fut achevée] j’allais écrire [Jean s’apprêtait à coucher aussitôt par écrit la communication dont il venait de bénéficier ; il s’apprêtait à rédiger le IV e évangile : rappelons que nous étions encore au temps de la persécution de Néron.] mais j’entendis une voix du ciel, disant : « Scelle ce qu’ont dit les sept tonnerres, et ne l’écris pas. » [Jean avait déjà conçu l’évangile, avec son plan septénaire ; mais il ne le mettrait par écrit que beaucoup plus tard, quand la persécution aurait cessé.] (10,5) Alors l’ange que j’avais vu debout sur la mer et sur la terre, leva sa main droite au ciel (10,6) et jura [Dieu lui-même avait juré, en levant la main droite vers le ciel, selon le Cantique de Moïse (cf. Dt 32,40). Si l’ange jurait, du jurement de Dieu, c’était pour attester la véracité infrangible de ce message qu’il confiait aux hommes, par l’intermédiaire de Jean. ] par le vivant dans les siècles des siècles, [Dieu même] qui créa le ciel et ce qu’il contient, [les créatures angéliques] la terre et ce qu’elle contient, [les créatures terrestres, les humains] la mer et ce qu’elle contient : [le reste du cosmos] « Il n’y aura plus de temps, [La révélation chrétienne devait être portée sans tarder à son accomplissement.] (10,7) mais dans ces jours de la voix du septième ange, [quand serait révolue la première génération chrétienne, celle des apôtres] lorsqu’il se mettra à sonner, alors est consommé le mystère de Dieu, [la révélation serait parvenue à son terme, désormais insurpassable.] comme il l’a annoncé à [mot à mot : « comme il a évangélisé »] ses serviteurs les prophètes. » [Les prophètes, ses esclaves : Jean et les autres hagiographes du Nouveau Testament.]
(10,8) Puis la voix que j’avais entendue [celle de 10,4] du ciel de nouveau me parla en disant : « Va prendre le petit livre ouvert dans la main de l’ange [l’épure du IV e évangile] qui se tient sur la mer et sur la terre. » [Car la révélation de l’évangile intéressait tout le cosmos.] (10,9) Je m’en fus alors auprès de l’ange, le priant de me donner le tout petit livre ; [Pour l’instant Jean serait seul en possession de la révélation contenue en icelui.] et lui me dit : « Prends, et dévore-le ; [nourris-toi de lui, rumine-le, médite-le, fais-en ta substance] il remplira tes entrailles d’amertume, [à cause des jugements sévères qu’il pouvait recéler] mais dans ta bouche [de prédicateur] il sera doux comme le miel. » [En vertu de la Bonne Nouvelle qu’il annonçait au peuple.] (10,10) Et je pris le tout petit livre de la main de l’ange [Ce jour-là je décidai de composer l’évangile, j’en assumai la responsabilité] et le dévorai ; [j’en fis l’objet de ma méditation incessante] dans ma bouche il était comme du miel doux ; [il renfermait toute la douceur des confidences du Christ à ses amis] mais quand je l’eus mangé, mes entrailles devinrent amères. [L’élaboration complète de l’évangile coûterait encore à Jean beaucoup de temps et beaucoup d’efforts.] (10,11) Alors on me dit : « Il te faut de nouveau prophétiser [par l’achèvement du « grand livre » en cours : celui de l’Apocalypse, par des sermons, par des épîtres, puis, plus tard, par la rédaction et l’expédition du IV e et dernier évangile] sur une multitude de peuples, de nations, de langues et de rois. » [En réalité contre l’univers entier, car c’était à lui qu’était destinée la révélation.]
(11,1) Puis on me donna un roseau, semblable à une baguette, en me disant : « Lève-toi et mesure le sanctuaire de Dieu, l’autel et les adorants qui s’y trouvent. [Lève-toi pour mesurer les dimensions prises par l’Eglise de Dieu dans le monde contemporain (de Jean), le nombre et le mérite des croyants qui s’étaient agrégés à elle, depuis sa fondation. Déjà cette Eglise se trouvait-elle répandue dans l’univers connu, de l’orient à l’occident, et les foules commençaient-elles d’envahir ses parvis.] (11,2) Quant à l’atrium, qui est à l’extérieur du sanctuaire, évite-le, et ne le mesure pas, car il fut donné aux nations : [Comme le Temple de Jérusalem l’Eglise naissante possédait, elle aussi, son parvis des gentils : l’espace de ceux qui avaient entendu parler d’elle, mais ne l’avaient pas encore rejointe par le baptême.] la ville sainte, elles la fouleront pendant quarante-deux mois. [Ils fouleront la nouvelle Jérusalem, comme on foule du raisin dans la cuve : ils la persécuteront pendant trois ans et demi. C’était en effet à peu près le temps que devait durer la persécution de Néron : de fin 64 à début 68. Ce délai typique d’une persécution était emprunté au prophète Daniel (cf. Dn 7,25 ; 9,27). Il caractérisait, chez ce dernier, la persécution d’Antiochus Epiphane. ] (11,3) Mais je donnerai à mes deux témoins [Les deux témoins, les deux martyrs par précellence : Pierre et Paul.] de prophétiser pendant mille deux cent soixante jours, [Durée approximative, ou symbolique, du ministère de Pierre et de Paul, à Rome, venus pour y fonder l’Eglise de Dieu.] vêtus de sacs. » [Portant l’habit classique des prophètes, prêchant dans la pauvreté et le dénuement, dans la simplicité, et même travaillant de leurs mains comme Paul s’en faisait gloire à plusieurs reprises dans ses lettres (cf. 1 Co 4,12 ; 2 Co 12,13 ; 1 Th 2,9 ; 2 Th 3,8).] (11,4) Ce sont les deux oliviers et les deux flambeaux, qui se tiennent devant le Seigneur de la terre. [Les nouveaux Josué et Zorobabel, ceux qui avaient été choisis pour restaurer le Temple de Jérusalem (cf. Za 4,3.14) ; les nouveaux Moïse et Aaron] (11,5) Et si quelqu’un veut leur nuire, un feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis ; [Leur parole prophétique brûlante comme une flamme, celle même qui était recueillie dans leurs épîtres respectives.
Spirituellement, Pierre et Paul se dressaient comme des géants redoutables. Leur stature dominait la terre, même si, physiquement, ils se présentaient comme des êtres chétifs et vulnérables.
L’écrivain sacré les dépeignait en référence aux géants de l’Ancienne Loi : Moïse et Elie, qui avaient éduqué le peuple de Dieu.] et si quelqu’un avait voulu les frapper, ainsi lui faut-il être tué. (11,6) Ils ont pouvoir de fermer le ciel, de sorte qu’il ne tombe plus de pluie, durant les jours de leur prophétie. [Comme Elie (cf. 1 R 17,1)] Ils ont aussi pouvoir sur les eaux, de les changer en sang, et de frapper la terre de tout fléau, [Comme Moïse (cf. Ex 7,17 ; 11,10)] autant de fois qu’ils l’auront voulu. (11,7) Mais quand ils auront fini leur témoignage, la bête, qui surgit de l’abîme, fera la guerre contre eux, les vaincra et les occira. [La Bête n’était autre que l’empereur Néron, qui nous serait longuement présenté en 13,11-18. Il était le premier des Antéchrists, et leur type même, en tant que meurtrier de Pierre et de Paul, les deux coryphées de l’Eglise. Le premier aussi il avait lancé une persécution générale contre l’Eglise en vue de la détruire. ] (11,8) Et leurs corps sur la place de la grande cité, qu’on appelle, spirituellement, Sodome et Egypte, [Ces sobriquets ne pouvaient désigner que Rome. Elle était Sodome par son péché ; elle était Egypte par l’oppression qu’elle faisait subir au nouveau peuple de Dieu ; elle était Egypte aussi par les plaies dont elle était menacée, plaies qui nous seraient décrites en détail dans le cinquième cycle : les Sept fléaux des sept coupes (cf. 15,1 --- 16,21).
La Grande Cité n’était autre que la maîtresse actuelle des nations, celle qui serait bientôt appelée Babylone (cf. 14,8).] là où leur Seigneur aussi fut crucifié. [Beaucoup de commentateurs avaient souligné l’incohérence de cette incise, qui nous transportait soudain à Jérusalem. Mais jamais Jérusalem ne fut qualifiée de Sodome ou Egypte, encore moins de Babylone. Dans la bouche de Jean ç’eût été des insultes.
Infidèle, meurtrière des prophètes, et même du Grand Roi, vouée à être foulée aux pieds par des païens, Jérusalem n’en demeurait pas moins la Cité de Dieu.
A la fin de l’Apocalypse, on la verrait descendre du ciel, toute belle, telle une fiancée parée pour son époux (cf. 21,2).
Aussi la Bible de Jérusalem (dans son édition de 1956) suggérait-elle que l’incise en question fût une glose – et une glose erronée – introduite plus tardivement dans le texte. Pourtant, il fallait reconnaître le fait : tous les manuscrits de l’Apocalypse contenaient ce membre de phrase, avec quelques variantes minimes qui n’en changeaient pas la signification.
Le plus simple, d’après nous, était d’accepter ici une légère correction du texte reçu. Il fallait lire, croyions-nous :
Hopôs kai ho kurios autôn estaurôthê.
« De la même manière que leur Seigneur aussi fut crucifié. »
Et non pas :
Hopou kai ho kurios autôn estaurôthê.
« Là où leur Seigneur aussi fut crucifié. »
‘Hopôs’ au lieu de ‘Hopou’.
Paléographiquement les deux mots étaient proches ; écrits en onciales bibliques, en usage au premier siècle de notre ère, cela donnait :
au lieu de :
Il suffisait donc que l’oméga et le sigma (dans le premier mot) eussent été accidentellement rapprochés pour que la confusion fût possible :
Dans le style d’écriture fleurie, utilisé précisément dans les années du règne de Néron, une confusion de ce genre était encore plus plausible. Une mauvaise lecture se serait introduite de très bonne heure dans la tradition du texte, et serait passée de là dans tous les manuscrits.
Mais quel que fût le cas de figure envisagé, la leçon habituellement retenue de l’incise : « Là où leur Seigneur aussi fut crucifié » était indéfendable. ] (11,9) Et des gens venus des peuples, des tribus, des langues et des nations contemplent leur cadavre pendant trois jours et demi ; sans qu’il soit permis de mettre leurs cadavres dans le tombeau. [Nous apprenions ici un détail historique, inconnu par ailleurs, mais fort vraisemblable : les cadavres de Pierre et de Paul eussent été exposés à la curiosité ou même à la vindicte publiques, au beau milieu de « la place de la Grande Cité » (11,8), pendant un temps assez long, avant qu’il fût permis de les ensevelir.] (11,10) Et les habitants de la terre se réjouissent à leur propos, et se congratulent ; ils échangeront des présents, car ces deux prophètes avaient tourmenté les habitants de la terre. [Les païens, mais aussi tous les démons, s’éjouissaient de voir périr les deux hérauts de la nouvelle, et soi-disant perverse, doctrine. N’oublions pas que la rumeur publique, alimentée soigneusement par Néron, attribuait aux chrétiens l’incendie de Rome, et encore bien d’autres méfaits. On les soupçonnait de ‘haine du genre humain’ comme l’écrirait plus tard l’historien Tacite. ] (11,11) Mais après les trois jours et demi, un souffle de vie entra en eux et les remit sur pieds ; alors un grand effroi tomba sur ceux qui les regardaient. (11,12) Et ils entendirent une voix puissante, venant du ciel, leur disant : « Montez ici ! » Ils montèrent donc vers le ciel dans la nuée, et leurs ennemis les regardaient. [Passés les trois jours et demi, Pierre et Paul ressuscitaient « en esprit », et leurs âmes montaient au ciel à la confusion de tous les démons. Jamais Pierre et Paul n’avaient été plus vivants, et spécialement à Rome, que depuis leur martyre. Ils survivaient dans cette Eglise qu’ils avaient fondée. Leur esprit planait sur les lieux vénérés de leur sépulture. ] (11,13) A cette heure-là il y eut un violent séisme, et le dixième de la ville s’écroula et furent tuées dans ce séisme sept mille personnes ; et les survivants furent frappés d’effroi et rendirent gloire au Dieu du ciel. [Ici était évoqué un tremblement de terre, qui aurait fait sept mille victimes dans une Rome déjà ravagée par l’incendie. Peut-être fut-ce un désastre plus moral que physique…] (11,14) Le deuxième « Malheur » est passé ; voici que le troisième « Malheur » vient, vite.
(11,15) Et le septième ange sonna. [Après une assez longue interruption (cf. 10,1 --- 11,14), la sonnerie des trompettes reprenait. C’était la dernière qui retentissait. Nous débouchions désormais dans le temps présent de l’histoire : celui que vivait le prophète Jean.] Alors se firent des voix puissantes dans le ciel, disant : « Elle est venue la royauté sur le monde de notre Seigneur et de son Christ. Il règnera dans les siècles des siècles. » [« En esprit », en espérance, on apercevait déjà le triomphe final du Christ et de ses élus.] (11,16) Et les vingt-quatre vieillards qui siègent sur leurs trônes devant Dieu, tombèrent sur leurs faces, et adorèrent Dieu, (11,17) disant : « Nous te rendons grâce, Seigneur Dieu tout-puissant, qui es et qui était, parce que tu as reçu ta puissance immense, et tu as régné. (11,18) Et les nations furent irritées ; mais advint ta colère à toi, et voici le temps pour les morts d’être jugés, et que leur salaire soit rendu à tes serviteurs les prophètes, les saints, et ceux qui craignent ton nom, les petits et les grands, et que soient détruits ceux qui détruisent la terre.
(11,19) Alors s’ouvrit le sanctuaire de Dieu, celui qui est dans le ciel ; [Nous approchions de la fin d’un cycle, le troisième, celui des Sept trompettes, et nous allions aborder le quatrième, celui des Sept visions de la Femme et de son combat avec le Dragon. Comme à chaque changement de cycle, nous étions transportés au ciel, en Dieu même, dans lequel il n’y avait pas de temps : ni passé, ni présent, ni futur. De nouveau, nous entrevoyions la liturgie céleste, au milieu du fracas des éléments déchaînés. Il en était ainsi, classiquement, dans la plupart des théophanies (cf. Ex 19,16-25).
Ce verset 11,19 servait donc de vision liminaire à la quatrième « révélation », celle de la Femme et de son combat avec le Dragon (cf. 12,1 --- 14,20), qui n’en comportait pas. ] alors apparut l’arche de son testament, dans son sanctuaire ; et ce furent des éclairs, des voix, des tonnerres, un séisme, une grêle intense.