XXXI . Le COE, sa nature, son rôle. (Est – il la préfi­guration d’un futur concile œcumé­nique d’union ?)

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Conclusion

 

1°) Discussions sur l’origine de l’épiscopat.

2°) Discussions sur la nature intime de l’épiscopat.

3°) Discussions sur les fondements théologiques de l’épiscopat et sur les principes de son fonctionnement interne.

4°) Vicissitudes historiques de l’épiscopat.

Note finale de ce chapitre : le COE, sa nature, son rôle.

Dans le débat interne à l’Eglise, la théologie de l’épiscopat se présente comme un sujet brûlant, à cause de ses implications œcuméniques. L’actualité de ce thème est encore soulignée, à l’heure où j’écris ces lignes, par la tenue récente d’un synode romain des évêques, consacré au thème du ministère épiscopal.

Le processus en cours d’unification de la chrétienté (ce mot entendu au sens de : ensemble des chrétiens) et par delà elle, d’une certaine manière, de toute l’humanité (car la chrétienté d’aujourd’hui n’existe que mêlée à l’ensemble des hommes, et étroitement solidaire de leur sort), ne pourra faire l’économie, croyons-nous, d’un concile oecuménique d’union, regroupant les évêques de toutes les dénominations chrétiennes.

L’unité des chrétiens intéresse au premier chef le collège épiscopal, en tant que tel : puisque il est le successeur du collège apostolique. Les divisions actuelles des Eglises se manifestent au premier chef par des dissentiments entre évêques – ou responsables d’Eglises -- au triple niveau de la foi, de la communion sacramentelle et du gouvernement ecclésiastique. Les scissions de l’Eglise, anciennes ou modernes, représentent autant de divisions au sein du corps épiscopal qui, idéalement, devrait être un, comme Dieu est un, comme le Christ est un.

Mais la problématique de l’union se complique encore, du fait que beaucoup d’Eglises chrétiennes ont perdu la succession apostolique, ou ne professent même pas la nécessité d’une forme épiscopale de gouvernement et son institution de droit divin.

La divergence est profonde. Elle est liée intimement, ce semble, à la compréhension différente qu’on a, entre chrétiens, du sacerdoce, des sacrements et plus précisément de l’eucharistie. Elle est liée à nos théologies respectives du sacerdoce comme de l’eucharistie. On ne parviendra à l’unité d’un même épiscopat que lorsque l’on communiera, au moins d’intention sinon encore de fait, à la même table eucharistique, au même « pain venu du ciel » (Jn 6,31 ; cf. Ps 78,24).

Il apparaît bien toutefois que l’absence de l’épiscopat dans certaines Eglises (ou l’absence d’un épiscopat valide) n’offrirait pas un obstacle insurmontable à la participation de tous à un même concile, car il est bien entendu (dans notre hypothèse) qu’y seraient invités non seulement les évêques en titre de toutes les confessions (y compris les évêques-femmes), mais encore tous ceux qui tiennent dans les Eglises la place des évêques, autrement dit les dirigeants.

On pourrait également envisager un concile élargi à tous les délégués élus des Eglises.

Il saute aux yeux que, dans un pareil attroupement, des votes à la majorité des participants n’auraient guère de signification ; car de tels votes ne sauraient résoudre les problèmes qui divisent actuellement chrétiens. Il faudrait tendre à l’unanimité, au moins morale. On ne pourrait conclure qu’avec le consensus à peu près général.

Peut-être les chrétiens ne sont ils pas prêts à cette quasi unanimité ? C’est que le concile envisagé est prématuré.

Il faut reconnaître que, d’un point de vue oecuménique, une vision globale de l’Eglise n’apparaît pas encore comme une donnée évidente pour l’ensemble des chrétiens. De même, à l’intérieur de cette vision de l’Eglise, une vision globale de l’épiscopat ne se présente pas encore comme une donnée évidente pour tous les théologiens, pour tous les responsables d’Eglise.

Vision globale de l’Eglise et vision globale de l’épiscopat font l’objet de recherche, de réflexions, de débats communs. On aperçoit là, une nébuleuse dont l’obscurité paraît difficile à vaincre. Sans doute la Providence a-t-elle permis ces avancées tâtonnantes, laborieuses. Le corps de l’Eglise se manifeste comme une donnée complexe, à l’image d’un organisme vivant. Il ne se laisse pas facilement décrire, analyser, définir.

L’épiscopat pose encore problème, au niveau des échanges œcuméniques : au sujet de son origine, au sujet de sa nature intime, au sujet de ses fondements théologiques. Il pose problème, aussi, sous un autre aspect, à cause des divers avatars qu’il a pu subir dans sa vie concrète au cours de l’histoire.

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1°) Discussions sur l’origine de l’épiscopat.

On l’a vu, l’origine apostolique de l’épiscopat ne se manifeste pas avec une parfaite clarté dans les écrits du Nouveau Testament, qui d’ailleurs n’en traitent pas ex professo, mais seulement à l’occasion. On ne distingue pas bien si, dans les débuts de l’Eglise, l’épiscopat se confondait avec le presbytérat, ou s’il s’en distinguait essentiellement. Mais d’autre part, dès la première génération postapostolique, celle d’un Ignace d’Antioche entre autres, l’épiscopat monarchique et la hiérarchie à trois degrés apparaissent en possession d’état, comme définitivement installés, tant en Orient qu’en Occident. Certains historiens, ou exégètes, modernes n’ont pas manqué d’imaginer qu’un épiscopat collégial, d’abord institué par les apôtres, se serait transformé peu à peu en un épiscopat monarchique. Mais cette hypothèse ingénieuse ne trouve aucun appui dans les sources. De plus, elle est contraire à la vraisemblance. On ne trouve la trace d’aucune évolution, dans les institutions de l’Eglise des premiers siècles. Les Pères de l’Eglise, et les historiens ecclésiastiques d’antan, Irénée, Tertullien, Cyprien, Eusèbe de Césarée... ont toujours affirmé avec force que l’épiscopat monarchique, tel qu’il fonctionnait de leur temps, remontait aux apôtres. Ainsi saint Irénée fondait toute son argumentation antignostique sur ce fait, qui pour lui était une évidence, que l’épiscopat était en place depuis les apôtres, au contraire des hérétiques qui sont d’apparition récente. Tertullien imitait sur ce point Irénée en faisant valoir dans son « Adversus Marcionem »  la notion juridique de « prescription »: les évêques sont en poste, de succession en succession, depuis les bienheureux apôtres ; Marcion vient de surgir inopinément ; il y a donc prescription contre lui en faveur des évêques, au sujet de la possession légitime de l’authentique héritage apostolique.

Au moins jusqu’à la Réforme protestante du XVIe siècle, les Eglises chrétiennes ont toujours admis l’institution de l’épiscopat par les apôtres, et la nécessité de cet épiscopat pour assurer la pérennité de l’Eglise fondée par Jésus-Christ.

De nos jours, il est notoire que même chez les chrétiens qui professent ne pas reconnaître d’autre autorité que celle de l’Ecriture, le débat sur la nécessité, ou non, d’un épiscopat, et sur sa nature intime, se trouve actuellement relancé.

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2°) Discussions sur la nature intime de l’épiscopat.

Même du seul point de vue où nous nous sommes placés dans cet ouvrage : celui de la dogmatique catholique, un certain flou peut subsister sur la nature intime de l’épiscopat, un certain doute, un mystère peut-être. Il est vrai que l’Eglise, à beaucoup d’égards, demeure un mystère pour elle-même. Il est donc normal que l’épiscopat, l’une de ses structures essentielles en tant que société humano-divine, participe lui aussi peu ou prou de ce statut de mystère.

L’évêque est-il le seul, d’institution divine, à pouvoir ordonner d’autres évêques, les prêtres et les diacres ? Ce point décisif de la théologie de l’épiscopat ne se voit pas encore explicitement défini par le magistère. On peut sans doute espérer qu’il le serait dans les prochaines assises œcuméniques qui, par hypothèse, rassembleraient tous les évêques issus de toutes les confessons chrétiennes.

Toutefois quelques difficultés d’ordre historique s’opposent à une définition prématurée : que s’est-il exactement passé au moment de la première succession apostolique ? De plus, il a été signalé qu’aux XIVe-XVe siècles les papes Boniface IX, en 1400, Martin V, en 1427, Innocent VIII, en 1489, auraient concédé à certains abbés de monastère (non évêques) la faculté d’ordonner des diacres et des prêtres. Même si ce fait historique était avéré (ce qui n’est pas certain), je n’y attacherais pour ma part pas beaucoup d’importance, étant donné que ces actes isolés des papes n’étaient pas, loin de là, des décisions ex cathedra. Ces papes-là se seront trompés, voilà tout ; ou leur chancellerie, en expédiant ces actes de complaisance, se sera trompée. 

 Nous avons donc admis comme vraie la proposition suivante : les évêques validement ordonnés sont bien les seuls, sans aucune exception, à pouvoir transmettre le sacerdoce ministériel dans le Saint Esprit et par l’imposition des mains. Nous l’avons même établi. Mais ce n’était que par déduction, en considérant d’autres vérités certaines de la foi catholique, en observant la pratique liturgique constante des Eglises traditionnelles, tant d’Orient que d’Occident. Quelques théologiens pourraient encore contester nos conclusions                                                                          

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3°) Discussions sur les fondements théologiques de l’épiscopat et sur les principes de son fonctionnement interne.

Ces fondements et ces principes posent encore problème pour les seuls théologiens catholiques. A plus forte raison dans les discussions œcuméniques.

Nous avons proposé que l’épiscopat repose sur trois fondements théologiques distincts, tous les trois également d’origine apostolique, ou même christique, normalement unis, mais pouvant être accidentellement disjoints :

- la titulature épiscopale qui est conférée par l’élection canonique ;

- le sacerdoce, ou l’ordre proprement dit, qui est attribué par l’ordination, autrement dit le sacrement ;

-la juridiction qui n’est accordée qu’au moment de l’intronisation, ou de la prise effective de fonctions (prise de fonctions qui, dans certains cas, a pu précéder la consécration).

Traditionnellement, la théologie scho­lastique ne reconnaissait que deux de ces éléments, l’ordre et la juridiction ; mais à l’usage cette analyse s’est avérée trop courte pour rendre compte efficacement de tous les aspects de l’épiscopat, de sa réalité complète et complexe.

Nous avons constaté que, parmi les trois éléments susdits : titulature, ordre et juridiction, l’ordre lui-même se transmet à travers les âges au moyen de la combinaison harmonieuse (et providentielle) de trois principes eux-mêmes d’institution divine :

- l’évêque ordonné seul a le pouvoir de transmettre validement, par l’imposition des mains, l’épiscopat, le presbytérat et le diaconat ;

- très normalement, l’épiscopat est conféré par l’imposition des mains d’un collège d’évêques, représentant le corps épiscopal tout entier ;

- la présence d’un seul évêque validement ordonné (même si ce n’était pas le consécrateur principal) suffit, de droit divin donc, pour la validité de l’ordination épiscopale.

Ainsi est assurée une succession apostolique moralement certaine, apte à se propager sans rupture depuis les temps apostoliques jusqu’à la consommation des siècles.

Mais les propositions que nous avançons feraient-elles l’objet d’un consensus au niveau oecuménique ?

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4°) Vicissitudes historiques de l’épiscopat.

Nous n’avons envisagé pour ainsi dire, dans cette étude, que l’envers du décor, ou si l’on veut la machinerie interne de l’épiscopat. Nous n’avons guère examiné ce qui s’est réellement passé sur la scène de l’histoire, ce qu’il est advenu de l’épiscopat dans la vie concrète de l’Eglise. Chaque évêque institué réinvente à lui seul, en quelque sorte, l’épiscopat. Il développe à lui seul une nouvelle théologie de l’épiscopat ; il en écrit une nouvelle histoire. Comme toutes les réalités permanentes de l’Eglise : celles qui sont d’institution divine et celles qui sont inhérentes à la nature humaine, l’épiscopat est à la fois parfaitement un en lui-même, à travers les temps et les lieux (puisqu’il est une participation à l’unique sacerdoce du Christ), et cependant multiple d’aspect. Il a subi de nombreux avatars, au cours des temps, et il en connaîtra sans doute encore d’autres.

De ce fait, dans certaines discussions oecuméniques, on a pu se poser des questions sur la nécessité ou non d’un épiscopat pour assurer la permanence de l’Eglise chrétienne. A certaines époques de l’histoire, l’ordre épiscopal ne serait-il pas devenu une aristocratie, tendant à accaparer pour elle seule toute l’autorité et parfois mêmes les richesses, dans la société chrétienne ? Est-il vraiment resté fidèle à son mandat, reçu des apôtres, à sa vocation de guidance et de service du peuple de Dieu ?

Le processus en cours de la réunion des chrétiens réclame une réforme de l’Eglise toujours à remettre sur le chantier, un retour non seulement à l’Eglise des origines, mais encore à l’évangile, tout simplement.

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Note finale de ce chapitre : le COE, sa nature, son rôle.

Le Conseil Œcuménique des Eglises, fondé en 1948, se veut l’organisme visible du mouvement oecuménique, une sorte d’O.N.U. des Eglises chrétiennes. Il préfigure en quelque façon le concile oecuménique (d’union), dont il a pris par avance le nom. Il réunit actuellement plus de 3OO Eglises différentes.

Il lui manque encore pour se dire vraiment œcuménique la participation effective (sans parler de plusieurs Eglises minoritaires) de l’Eglise catholique romaine, qui représente à elle seule plus de la moitié des chrétiens du monde et qui, surtout, est une des plus anciennes formes de christianisme, héritée directement des apôtres.

Pourtant l’Eglise catholique reconnaît et approuve le mouvement œcuménique qu’elle considère, au moins dans son principe, comme inspiré par l’Esprit Saint. Depuis 1961 (pontificat de Jean XXIII) elle envois des observateurs aux assemblées mondiales du C.O.E. Des membres de la « Commission Foi et Constitution » du C.O.E. sont nommés par le Vatican. L’Eglise catholique elle-même s’implique de plus en plus dans le mouvement oecuménique. Des observateurs des autres confessions chrétiennes furent invités, on le sait, au concile ; et de très nombreuses conversations bilatérales sont engagées ; de nombreux accords ont d’ores et déjà été signés.

En ce début du troisième millénaire, l’union effective des chrétiens apparaît, malgré ces progrès, comme un idéal encore lointain. A vues humaines, cette union semble même impossible, tant les différences doctrinales, surtout en ecclésiologie, en sacramentologie, restent importantes. Actuellement la chrétienté (l’ensemble des chrétiens) se présente donc comme divisée en deux blocs principaux, d’une part l’Eglise romaine, d’autre part les autres Eglises regroupées dans le C.O.E. On pourrait distinguer un troisième bloc, comprenant les communautés évangéliques ou pentecôtistes qui ne sont pas membres du C.O.E. ; nombre de nouvelles Eglises du tiers monde. La méthode du compromis, pratiquée presque nécessairement par le C.O.E., vu sa composition et son histoire, n’est peut-être pas l’approche la plus appropriée pour parvenir à l’unité visible.

 Il semble donc qu’on ne pourra faire l’économie d’un essai de recomposition du corps épiscopal en tant que tel, car il est l’héritier direct du collège apostolique sur lequel le Christ a fondé son Eglise. Un synode d’union devrait rassembler tous les évêques, et avec eux tous les responsables d’Eglises qui tiennent aujourd’hui la place des évêques.

Si la perspective d’un tel synode apparaissait prématurée, on pourrait envisager quelque chose comme un présynode, qui réunirait les principaux dirigeants, ou leurs délégués, des diverses confessions chrétiennes. Autrement dit un Conseil d’Eglises, tel qu’il se pratique déjà, en maintes régions du monde, sur un plan national.           

ANCIEN TEMPLE PROTESTANT DE NANTES DETRUIT PAR LES BOMBARDEMENTS DE 1943

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