Retour au plan : THEOLOGIE DE L'EPISCOPAT
1°) Mission évangélisatrice des évêques.
2°) Mission ministérielle des évêques.
3°) Mission spirituelle des évêques.
L’épiscopat a pour finalité essentielle de transmettre la foi, les sacrements et le ministère chrétien, depuis la première génération apostolique jusqu’au terme de l’histoire. Il lui revient donc d’édifier la Jérusalem nouvelle sur le fondement des douze apôtres, au milieu de la cité des hommes et avec les pierres que celle-ci lui fournit. (Cf. Ap 21 --- 22). En tête des attributions de l’épiscopat viennent donc la conservation intacte d’une part, et d’autre part l’annonce intrépide de la foi. C’est ce qu’on nomme le kérygme. Non que le corps épiscopal soit le seul dans l’Eglise à détenir la foi. En un sens la foi est le bien de tous, et tous en sont responsables. Mais les évêques ont pour vocation, et charisme, de la maintenir inébranlable et intégrale au milieu des tempêtes de l’histoire, de la proposer à tous les nouveaux venus dans le banquet de la vie et de la raviver chez ceux qui l’ont reçue par tradition.
« Que demandez-vous à l’Eglise de Dieu ? » interroge l’évêque, ou le prêtre, au moment de procéder au baptême. Et les catéchumènes de répondre : la foi. C’est par la foi d’abord, avant même les sacrements et la vie en communauté chrétienne, que nous sommes sauvés ; cette foi qui vient d’en haut. (Cf. Mt 16,17) : en premier lieu la foi au moins implicite en Dieu et sa divine Providence ; ensuite la foi explicite au Dieu de Jésus-Christ, et au salut apporté par ce dernier.
Le sommet du kérygme épiscopal, de la proclamation de la foi, est atteint le jour de Pâques, quand l’évêque diocésain, ou l’évêque de Rome, annonce urbi et orbi : « Le Christ est ressuscité. » (Cf. Lc 24,34 ; Ac 2,32 ; 1 Co 15,4).
Tout évêque, à l’exemple de l’apôtre Matthias (cf. Ac 1,21-26), est d’abord institué pour rendre compte et pour témoigner de la résurrection du Christ. C’est là son statut primordial. Sans doute est-il le héraut (kêrux), le prophète, le haut-parleur du Christ. Tant qu’il subsistera un évêque sur la terre, l’évangile sera proclamé sur les toits (cf. Mt 10,27) ; le kérygme (kêrugma) retentira aux oreilles des foules. Le monde acceptera, ou le monde refusera, le message mais le message ne lui manquera pas.
L’évêque n’a pas seulement pour mission d’agréger de nouveaux membres au peuple de Dieu au moyen de la divulgation du kérygme, il a aussi pour attributs de nourrir l’Eglise par le moyen des sacrements, de l’enseigner et de la paître en qualité de ministre institué par Dieu.
L’évêque est le grand-prêtre du nouvel Israël de Dieu. C’est lui qui tient en mains le septénaire des sacrements.
Certes le simple fidèle, ou quiconque, peuvent en cas de nécessité baptiser ; mais ils le font au nom de l’Eglise. Certes les prêtres sont-ils les adjoints de l’évêque, et ils ont la faculté de remplir sous sa direction la plupart des fonctions ecclésiastiques ; ils peuvent même le suppléer quand il est absent. Mais les prêtres ne peuvent pas par eux-mêmes transmettre le sacerdoce. C’est donc bien par l’évêque seul que se réalise la succession apostolique.
L’évêque, enfin, est le pasteur suprême de l’Eglise, locale ou universelle, mandaté par Jésus-Christ, à travers les Douze. Car c’est lui que visent en premier lieu ces paroles du Christ : « Qui vous écoute m’écoute, qui vous rejette me rejette. » (Lc 10,16).
Sur l’évêque, en tant que lieutenant du Christ, s’édifie mystiquement le corps de l’Eglise. C’est pourquoi on trouve souvent dans la crypte des cathédrales les tombeaux des anciens évêques. Cela pour signifier, en quelque sorte physiquement, que l’Eglise se construit au long des âges grâce à la succession des évêques
« Ecclesia in episcopo », l’Eglise est dans l’évêque, telle était la formule elliptique, utilisée par saint Cyprien de Carthage. Non que l’évêque fût à lui seul toute la réalité ontologique de l’Eglise. Car tous les baptisés forment aussi le corps du Christ. Et tous les hommes de bonne volonté et de bonne foi adhèrent aussi, en quelque façon, à l’Eglise spirituelle et invisible, depuis même les débuts de l’humanité, depuis Adam. Mais l’Eglise est dans l’évêque en ce sens que ce dernier possède, de par Dieu, la pleine maîtrise de la société ecclésiale : son magistère, son sacerdoce et son gouvernement.
L’évêque tient dans ses mains, à la fois le passé, le présent et l’avenir de l’Eglise. Le passé, à la manière d’un héritage qu’il aurait reçu : la tradition (y compris les saintes Ecritures), les sacrements et la structure humano-divine de l’Eglise. Le présent de l’Eglise, car l’évêque est le gérant ordinaire de la Maison de Dieu. Mais aussi l’avenir, car c’est lui qui baptise et éduque les enfants qui seront l’Eglise de demain. C’est lui qui garde intact le dépôt de la foi, de l’espérance et de la charité, en un mot l’évangile, pour le transmettre aux générations futures.
Dans l’eucharistie, célébrée par l’évêque et par ses prêtres, au nom du Christ, s’accomplit déjà comme une promesse de la parousie. Nous participons par avance au banquet éternel, qui sera celui de la Jérusalem d’en haut.
L’évêque, c’est la royauté de Dieu en marche. Mais ne l’oublions pas, la royauté de Dieu est une royauté de service.
Chef-né des chrétiens, que deviendrait l’autorité de l’évêque si la cité elle-même se faisait chrétienne dans sa totalité, ou au moins dans ses éléments dirigeants ? C’est le problème qu’eut à résoudre la société chrétienne à partir de la paix constantinienne, en 313 de notre ère. On sait qu’avec la complicité du pouvoir temporel, des empiètements de plus en plus grands du pouvoir épiscopal dans le domaine civil se firent jour. Des évêques, les papes mêmes, devinrent des chefs de cité, voire des chefs d’Etats. La subsidiarité, telle qu’elle fonctionne spontanément dans l’Eglise, tendrait en effet à subordonner la société profane à la société religieuse, qui lui est supérieure en extraction comme en dignité. Il faudrait attendre les temps modernes pour voir l’équilibre se rétablir. On est revenu, sagement, à la séparation des pouvoirs temporels et spirituels, avec des modus vivendi réglementant les domaines communs, ou litigieux.
Ayant reçu symboliquement la charge de l’évangile sur ses épaules, le jour de son sacre, le nouvel évêque confiera à son tour cette charge à d’autres évêques qu’il ordonnera dans l’Esprit Saint, et ceci perdurera jusqu’à la fin des temps.
L’Esprit Saint, reçu par les apôtres et les premiers disciples le jour de la Pentecôte, n’abandonnera pas l’Eglise de Jésus-Christ en butte aux vicissitudes de ce monde. Il demeure en elle principalement dans les évêques, en tant, et c’est essentiel, qu’ils restent agrégés en un seul corps : autour de Pierre qui tient la place du Christ, depuis son départ : « Pais mes agneaux ... » (Jn 21,15) ; autour de Marie mère du Christ, qui est aussi notre mère (cf. Jn 19,27 ; Ap 12,17), et qui attend avec nous, mystiquement, le retour du Seigneur (cf. Ac 1,14).
Certes l’Esprit Saint, qui est Dieu, agit en tous et vit en tous, même chez les non chrétiens. Mais sa demeure principale sur cette terre, son habitacle, sa résidence préférée, c’est l’Eglise en tant qu’elle est une. Lui-même est l’artisan de son unité.
Nantes, le 20/12/03
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