XXI . Evêques schis­matiques

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1°) Les évêques schismatiques ont gardé la titulature épiscopale.

2°) Les évêques schismatiques détiennent la plénitude du pouvoir d’ordre épiscopal.

3°) Les évêques schismatiques ne disposent pas, dans leurs Eglises respectives, de la pleine juridiction catholique qui ne s’obtient que dans la communion avec le successeur de Pierre.

On entend les termes ‘‘schismatique’’ ou ‘‘hérétique" dans le sens technique de la théologie catholique la plus formelle, c'est-à-dire sans aucune nuance péjorative. ‘‘Schismatique’’ signifie : séparé (sous-entendu) de la Grande Eglise ; ‘‘hérétique’’ veut dire : qui est en désaccord déclaré avec la foi catholique officielle. On sait que les situations de schisme, ou d'hérésie, n'impliquent pas forcément une faute personnelle, mais elles signalent seulement un état de fait, qui est souvent d'origine immémoriale.

En regard de la doctrine catholique, les évêques schismatiques sont privés de la communion avec l'évêque de Rome et par là, selon Vatican II (cf. Lumen Gentium, 22 -- 23), ils se trouvent séparés du collège épiscopal, qui lui-même est le successeur du collège apostolique. D'une certaine façon, ils n'appartiennent plus à l'unité de l'Eglise du Christ, si du moins on entend cette unité dans son sens canonique le plus strict, qui est : appartenance de fait à l'obédience romaine.

Pourtant, on le sait, l'état de schisme n'entraîne pas par lui-même l'invalidité des ordres sacrés, ni l'invalidité des autres sacrements. Si bien qu'on pourrait dire sans paradoxe que les évêques schismatiques appartiennent encore à l'unité de l'Eglise du Christ définie dans un sens plus large : ils appartiennent à l'unité de l'Eglise sacramentelle.

On pourrait décliner a priori, quoique, reconnaissons-le, d'une façon assez sommaire :

1 -- que les évêques schismatiques ont conservé la titulature épiscopale (d'origine apostolique), et par le fait de cette titulature valide, ils succèdent, comme les autres évêques, aux apôtres ;

2 -- qu'ils ont conservé tous les pouvoirs d'ordre qui se transmettent par la consécration épiscopale ; ils héritent donc de la succession apostolique proprement dite : la succession sacramentelle ;

3 -- mais qu'ils n'ont pas gardé la juridiction épiscopale, tout au moins la juridiction épiscopale principale, qui ne s'acquiert que dans la communion avec l'évêque de Rome. Autrement dit, ils sont privés de la légitimité pastorale d'origine pétrinienne : celle qui est attribuée par le successeur de Pierre.

Mais ce jugement rapide demanderait sans doute encore bien d’autres nuances.

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1°) Les évêques schismatiques ont gardé la titulature épiscopale.

Ils l'ont héritée des âges antiques, et même, si on la considère dans son principe, ils l'ont héritée des apôtres.

Bien que de façon irrégulière au jugement du droit catholique (entendu stricto sensu), les évêques schismatiques sont investis du fait de leur élection (quelle qu'en soit le mode dans leurs Eglises respectives), même non reconnue par Rome, d'abord du titre général d'évêque qui est sans aucun doute de création apostolique, ensuite du titre d'évêque de tel ou tel lieu, de telle ou telle Eglise. Et cette appellation même, ils la reçoivent peut-être directement des apôtres, s'il s'agit des grandes Eglises fondées par ces derniers en personnes, ou tout au moins en leurs noms par leurs délégués. Citons : Jérusalem, Antioche, Alexandrie, Ephèse, Pergame, Laodicée, Thessalonique, Corinthe, Philippes, Colosses … Elle provient, cette appellation, indirectement des apôtres s'il s'agit d'Eglises fondées dans un deuxième temps, un troisième temps, un x-ième temps, par les Eglises d'origine apostolique. Les apôtres ont fondé les premières Eglises locales ; et ils ont voulu qu'après eux il y eût d'autres Eglise locales installées si possible dans tous les centres urbains, et ayant à leur tête un évêque.

En plus de cette titulature apostolique, les évêques schismatiques ont hérité aussi d'une titulature ecclésiastique souvent très ancienne et vénérable, accumulée depuis les premières générations chrétiennes. Donnons un seul exemple de titulature d'un évêque réputé schismatique (peut-être même hérétique) : « Très Saint Père, patriarche d'Alexandrie, de toute l'Egypte, de la Nubie, de l'Abyssinie, de la Pentapole et de tout le pays évangélisé par Saint Marc. » C’est le patriarche copte d’Alexandrie, résidant au Caire. 

La titulature ecclésiastique apparaît comme une efflorescence qui est venue s'ajouter à, et parfois même remplacer (comme ci-dessus), la titulature apostolique (le titre d'évêque).

Par l'acquisition de cette titulature épiscopale le jour de son élection, le hiérarque ainsi choisi selon la législation canonique en vigueur dans sa propre Eglise hérite du fait même de cette élection - même non reconnue par Rome - du droit de siéger dans une Eglise locale déterminée, du droit subséquent de recevoir les ordres sacrés pour gouverner ladite Eglise avec pleins pouvoirs d'évêque de Dieu, et enfin du droit également subséquent de recevoir une juridiction appropriée sur cette Eglise et sur les fidèles de cette Eglise, afin qu'il puisse y exercer ordinairement ses fonctions.

Au stade de l'élection --- et de la titulature y afférente --- il ne s'agit encore que de droits, on en tombe d’accord, et non pas de pouvoirs effectifs.

On peut s'interroger : cette titulature allouée par l'élection est-elle de soi collégiale ou monarchique, dans sa finalité, son intentionnalité ? Sans aucun doute elle est les deux à la fois.

Par le titre apostolique et général d'évêque elle est incontestablement collégiale. Car l'évêque élu appartient déjà, au moins dans l'intention sinon dans la réalité ontologique, au collège des évêques. Il reçoit, ou tout au moins il est officiellement destiné à recevoir l'épiscopat unique, qui est celui du Christ et des apôtres et qui se vivra nécessairement ‘‘in solidum’’, c'est-à-dire collégialement, avec tous les autres évêques ses frères.

Mais par un autre aspect, en tant qu'il est l'évêque élu de telle cité, de telle Eglise nommément désignée, son épiscopat enferme dans son essence un pouvoir monarchique. Le nouveau titulaire devient le pasteur propre et unique de tel peuple, de telle communauté. Il est fiancé, quasi indissolublement, à telle Eglise même s'il ne l'a pas encore épousée. Les deux ‘‘oui’’ sont déjà prononcés : celui du peuple par son suffrage au moins tacite, celui de l'élu par son acceptation de l'épiscopat.

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2°) Les évêques schismatiques détiennent la plénitude du pouvoir d’ordre épiscopal.

Ils sont grands prêtres du culte de la Nouvelle Alliance.

Le fait du schisme n'enlève pas le sacerdoce et ne nuit pas à la validité des sacrements administrés, car lesdits sacrements ont une vertu ‘‘ex opere operato’’, ils sont valables dès qu'ils sont posés avec l'intention de faire ce que veut l'Eglise : ‘‘dès que l'œuvre est opérée’’. En effet, ils sont administrés au nom du Christ ; ils sont censés opérer par le Christ. 

Cette doctrine de la validité en soi des sacrements, pour nous aujourd’hui évidente, a mis longtemps à s'imposer dans la conscience vivante de l'Eglise. Evoquons seulement, pour mémoire, la controverse baptismale qui s'éleva vers le milieu du IIIe siècle, en plein temps de persécution donc, entre saint Cyprien, évêque de Carthage, et le pape Etienne Ier. Du moment, raisonnait le premier, que les schismatiques se sont séparés de l'unité de la véritable Eglise du Christ, ils ont perdu le Saint-Esprit et par conséquent leurs sacrements, bien que conférés au nom du Saint-Esprit, n'ont plus aucune valeur ; peut-être même sont-ils des blasphèmes ! Un tel syllogisme ne manquait pas, il faut le reconnaître, d’une certaine force au moins apparente.

Heureusement que la thèse romaine, qui était celle du bon sens, a fini par prévaloir. Dans l'hypothèse inverse, si l'opinion de saint Cyprien avait triomphé, nous serions bien embarrassés aujourd'hui dans le domaine œcuménique. Nous ne pourrions pas reconnaître la validité, et par conséquent la réalité, des sacrements chez les frères séparés.

Les sacrements ont une valeur propre, indépendante de l'appartenance à la véritable Eglise du Christ, celle du moins que, soi, l'on considère comme telle. Cette doctrine enferme la reconnaissance réciproque des ministères, du moment qu'il n'existe pas d'hérésie formelle portant sur la nature des sacrements, du moment que la foi en les réalités sacrées qu'ils véhiculent est intacte. Comme le schisme ne remet pas en cause la validité de l'ordre, à l'instant de la réunion, à l'instant de la réduction du schisme donc, point n'est besoin de réordination, ni de la réitération des autres sacrements. Il suffit qu’on se réconcilie autour de l’unique table eucharistique. Il suffit du pardon réciproque.

Le schismatique, bien que n'appartenant plus à l'unité visible, disons canonique, de l'Eglise, continue d'appartenir pleinement à l'Eglise disons sacramentelle de Jésus-Christ. Il est baptisé, et par là membre de cette Eglise dans laquelle on entre, précisément, par le baptême. Il bénéficie de la totalité du septénaire des sacrements : ses évêques, ses prêtres, ses diacres, sont de véritables évêques, prêtres, diacres, etc.… et il participe comme nous à l'eucharistie du Seigneur.

Les Eglises, séparées par le schisme, peuvent vraiment être dites des Eglises sœurs, selon la terminologie qui est à la mode depuis le concile, puisqu'elles célèbrent équivalemment une même eucharistie. Nous sommes frères et sœurs par le moyen des sacrements, et par la foi qui reste commune.

Une certaine intercommunion, une certaine « communicatio in sacris », reste possible par mutuel accord, et « dans des circonstances favorables », entre les Eglises catholique d'une part, et orientales d'autre part. Surtout au bénéfice des fidèles, pour les cas de nécessité. (Cf. Vatican II, Unitatis Redintegratio, 15).

Et malgré cela (ô paradoxe !) l'évêque schismatique n'appartient pas pleinement à l'unique collège épiscopal, successeur de l'unique collège apostolique : c'est là l'enseignement formel du concile Vatican II.

"Mais le collège ou corps épiscopal n'a d'autorité que si on l'entend comme uni au Pontife romain. [ … ] L'ordre des évêques qui succède au collège apostolique dans le magistère et le gouvernement pastoral, bien mieux dans lequel se perpétue le corps apostolique, constitue, lui aussi, en union avec le Pontife romain, son chef, et jamais en dehors de ce chef, le sujet d'un pouvoir suprême et plénier sur l'Eglise, pouvoir cependant qui ne peut s'exercer qu'avec le consentement du Pontife romain. » (Lumen Gentium, 22). 

Et encore : " Les évêques, en vertu de leur consécration sacramentelle et par leur communion hiérarchique avec le chef et les membres du collège, sont établis membres du corps épiscopal." (Christus Dominus, 4).   

La communion avec le pontife romain apparaît donc comme une condition sine qua non de l'appartenance au collège des évêques. Mais là encore il faut distinguer.

Il faut distinguer le niveau juridique, ou canonique, du collège des évêques : à ce niveau-là, du point de vue catholique, l'état de non schisme apparaît comme indispensable à l'intégration effective au collège épiscopal.

Mais si l'on considère le niveau sacramentel, ou encore ontologique du collège, alors il devient évident que la seule consécration épiscopale supposée valide, suffit pour agréger réellement au collège des évêques. De manière identique, le baptême trinitaire, même administré en dehors de l'Eglise catholique, fait entrer le fidèle dans l'unique Eglise de Jésus-Christ, envisagée dans sa réalité sacramentelle. Un évêque qui serait consacré dans n'importe quelles conditions, même sous la menace de censures ecclésiastiques, serait un véritable évêque devant Dieu et même devant l'Eglise. Il appartiendrait de droit, sinon encore de fait, au corps des évêques. Il détiendrait la réalité ontologique de l'épiscopat et par conséquent, au moins virtuellement, sa dimension collégiale.

D'ailleurs les évêques, même séparés de Rome, ont conscience de cette collégialité du corps épiscopal. Eux-mêmes, ils agissent collégialement. Ils se réunissent en synodes, conciles ou assemblées. Ils ont entre eux des rencontres fraternelles. Le gouvernement des patriarches orientaux, par exemple, est évidemment collégial, puisque ces derniers n'agissent qu'en synodes, lesquels synodes sont le plus souvent permanents.

A mon sens le concile Vatican II n'a pas prétendu nier la dimension collégiale de l’épiscopat qui subsiste même chez les évêques séparés de la communion romaine. Il a simplement voulu réaffirmer, à la suite des anciens conciles ses prédécesseurs, l'unité fondamentale de l'Eglise et l'unité tout aussi fondamentale (en droit sinon toujours en fait) de l'épiscopat, considéré comme l’organe suprême du gouvernement de l'Eglise. Bien évidemment le Christ, n'ayant institué qu'une seule Eglise, n'a-t-il aussi institué qu'un seul collège apostolique, auquel succèdera jusqu'à la fin des temps un unique collège épiscopal.

Mais le collège épiscopal lui-même, comme toute réalité ecclésiale, peut être pris à différents niveaux :

1 - le niveau canonique : à ce niveau la communion avec Rome est, d'un point de vue catholique, nécessaire pour en faire partie ;

2 - le niveau sacerdotal, autrement dit le niveau de la validité du sacrement de l'ordre : à ce niveau tous les évêques validement ordonnés appartiennent déjà à la réalité ontologique du collège et bénéficient de son dynamisme.

 Mais de fait, ils n’y entrent pleinement que par la communion avec le pape de Rome, chef du collège.

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3°) Les évêques schismatiques ne disposent pas, dans leurs Eglises respectives, de la pleine juridiction catholique qui ne s’obtient que dans la communion avec le successeur de Pierre.    

C’est Pie XII, on s’en souvient, qui avait déclaré dans l’encyclique Mystici Corporis (1943), au grand désarroi d’ailleurs de certains théologiens, que la juridiction épiscopale de tous les évêques était conférée directement par le souverain pontife.

Ainsi donc, tout en étant de droit divin dans son institution et dans son essence, la juridiction ordinaire ne serait parvenue à tout évêque résidentiel quel qu’il fût (de n’importe quel siècle, de n’importe quel pays et de n’importe quel rite) que par la médiation de l’évêque de Rome, en sa qualité de successeur de Pierre et de Vicaire de Jésus-Christ.

Bien que n’appartenant pas avec pleine évidence à la foi catholique, cette doctrine ne laisse pas d’être impressionnante car on peut la considérer comme l’expression de l’enseignement ordinaire de l’Eglise et des pontifes romains.

Le concile Vatican II, on s’en souvient également, a certainement voulu,  sinon corriger, du moins rééquilibrer cette doctrine en découvrant plusieurs canaux par lesquels parviendraient aux évêques leur mission canonique ou leur juridiction : les coutumes légitimes de l’Eglise (on peut dire le droit commun), les lois que l’autorité suprême de l’Eglise n’a pas révoquées ou qu’elle a reconnues (encore le droit commun), les lois que l’autorité suprême elle-même a portées (les différents codes de droit canonique en cours de validité dans l’Eglise catholique), enfin le souverain pontife lui-même agissant de sa propre initiative.(Cf. Lumen Gentium, 24).

Ainsi, d’après Vatican II lui-même, le pouvoir de juridiction ne serait plus concédé uniquement par le souverain pontife, mais aussi par le droit coutumier de l’Eglise, sur lequel il est vrai le souverain pontife garde une autorité éminente, car il en est le maître et le juge. Ce droit de l’Eglise, hérité dans son principe de tous les apôtres, et non pas du seul Pierre, peut se retrouver partiellement préservé jusque dans les Eglises schismatiques ; et de fait elles l’ont partiellement préservé. Ainsi leurs évêques, bien que ne bénéficiant pas de la pleine juridiction catholique, n’en ont pas moins gardé un réel, quoique partiel, pouvoir pastoral.

Tout bien considéré en effet, même à l’aune d’une stricte théologie, il paraît incontestable que les évêques de l’Eglise orthodoxe, bien que séparés de Rome, bénéficient d’un réel pouvoir ordinaire sur le troupeau à eux confié par les traditions locales et, on peut le dire, par la Providence.

En effet il est reconnu par le dogme catholique, qu’en plus des pouvoirs d’ordre, l’existence d’un véritable pouvoir de juridiction est requise pour l’administration valide de certains sacrements tels que la pénitence, ou même le mariage.

Ainsi le concile de Florence déclarait dans son décret pour les Arméniens, en 1439 : «Le ministre de ce sacrement [la pénitence] est le prêtre qui a le pouvoir d’absoudre, soit par office, soit par délégation du supérieur. » (DZ 699).

Et le Code de droit canonique de 1917 professait dans son canon 872 : « En plus du pouvoir des clefs [i.e. : pouvoir d’ordre], pour une absolution valide des péchés, un pouvoir de juridiction sur le pénitent, ordinaire ou délégué, est requis chez le ministre. »

C’est le prêtre qui détient un pouvoir délégué ; mais c’est l’évêque du lieu qui jouit du pouvoir ordinaire, et qui délègue.

De même le pape Léon XIII, exposant la compétence traditionnelle de l’Eglise sur le domaine matrimonial : « Le Christ, ayant donc ainsi, avec tant de perfection, renouvelé et relevé le mariage, en remit et confia à l’Eglise toute la discipline. Et ce pouvoir sur les mariages des chrétiens, l’Eglise l’a exercé en tous temps et en tous lieux, et elle l’a fait de façon à montrer que ce pouvoir lui appartenait en propre et qu’il ne tirait pas son origine d’une concession des hommes, mais qu’il avait été divinement accordé par la volonté de son fondateur. » (Encyclique : Arcanum Divinae Sapientiae de 1880, DZ 1853).

Que si donc les sacrements des orthodoxes orientaux, y compris leurs sacrements de pénitence et de mariage, sont reconnus comme valides par les autres Eglises y compris la romaine, et ils le sont effectivement, il faut bien que leurs évêques, de droit ordinaire, et même leurs prêtres, de droit délégué, bénéficient d’un authentique pouvoir de juridiction. On peut donc vénérer dans les évêques orientaux, même séparés de nous, les véritables ordinaires des lieux, au moins quant aux ouailles confiées à leurs soins. Il le faut bien pour le salut de tous les fidèles (et les pasteurs eux-mêmes sont à bien des égards des fidèles) car beaucoup, pour ne pas dire tous, souffrent d’une ignorance invincible et ancestrale à l’endroit de la véritable Eglise du Christ. D’ailleurs, dans la pratique courante de l’Eglise catholique, on assimile de plus en plus les évêques des Eglises séparées à de véritables pasteurs légitimes, au moins en considération de leurs fidèles respectifs. C’est comme tels qu’ils sont reçus au Vatican ou ailleurs. Et c’est avec eux comme tels que les hiérarques catholiques locaux passent des accords de coopération et même, dans certains cas, de partielle intercommunion. De tels accords, le concile Vatican II lui-même les a recommandés. (Cf. Décret sur les Eglises orientales catholiques, 26 --- 29).

En vérité les sacrements (valides en toute hypothèse) des orthodoxes séparés sont licites en tant qu’ils sont conférés dans, et au nom de, l’unique Eglise de Jésus-Christ. De même la juridiction de leurs évêques est légitime en tant que ces mêmes évêques appartiennent à l’unique Eglise du Christ. Mais leur sacrements sont illicites, ou leur juridiction illégitime, en tant qu’ils sont séparés de la communion de l’Eglise catholique romaine. Il y a licéité et légitimité à certains égards ; illicéité et illégitimité à d’autres égards. Leur juridiction est partielle, comme leur communion à l’unique Eglise fondée par Jésus-Christ est partielle. C’est là un point délicat, mais fondamental, de la théologie de l’Eglise.               

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