XII . Le Siège, ou la ville, ou l’Eglise, ou la communauté

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On peut s’en étonner, à certains égards on pourrait même le regretter, toutefois on est obligé de le constater : l’institution ecclésiale, dès le principe, dès ses origines apostoliques, fut une réalité avant tout urbaine ; et la titulature épiscopale aujourd’hui porte encore la trace et témoigne parmi nous de ce fait. L’Eglise est la nouvelle Jérusalem ; c’est-à-dire une ville, mais une ville qui s’étendrait désormais au monde entier.

Jésus-Christ n’eut de cesse, pendant toute sa vie publique, que d’essayer de fonder son Eglise à Jérusalem. Et peu avant l’Ascension, il recommandait encore vivement à ses disciples de ne pas quitter la Ville Sainte avant d’avoir reçu la force d’en haut (cf. Ac 1,4). Après la Pentecôte, les Douze s’attachèrent à fonder l’Eglise de Jérusalem, rayonnant de là sur la Judée et la Samarie. On date traditionnellement la dispersion des apôtres d’une douzaine d’années après la Résurrection du Christ (au temps de la persécution d’Agrippa, vers 43-44).

Dorénavant l’Eglise essaimerait de ville en ville, en commençant par Antioche de Syrie, les apôtres établissant partout des communautés, sur le modèle de celle de Jérusalem. Dès l’époque de Néron (54-68), le bassin méditerranéen se voyait recouvert d’Eglises, établies principalement dans les villes. Dans les débuts de l’Apocalypse, on entend Jean s’adresser aux Eglises d’Ephèse, de Smyrne, de Pergame, de Thyatire, de Sardes, de Philadelphie, de Laodicée, qui sont exactement les sept villes principales de la province d’Asie. Pour sa part, Paul écrivait aux Thessaloniciens, aux Philippiens, aux Corinthiens, aux Romains, aux Colossiens, aux Ephésiens, autant d’habitants de cités importantes de l’empire romain. La communauté de Rome, communauté de la capitale, semblait déjà florissante, et célèbre dans tout l’univers. Rome s’affirmait ainsi, dès l’origine, comme la métropole morale du jeune christianisme, non seulement par la présence et bientôt le souvenir des apôtres Pierre et Paul, mais encore par le nombre et l’activité de ses fidèles.

Toutes les Eglises urbaines s’organisèrent selon le schéma proposé par l’Eglise-mère, celle de Jérusalem, avec une hiérarchie à trois degrés : l’évêque, les prêtres, les diacres ; hiérarchie imitée de celle du Temple : grand-prêtre, prêtres et lévites. Ce furent ces Eglises urbaines qui, dans la suite, se chargèrent d’évangéliser les campagnes.

L’Eglise d’aujourd’hui porte encore la marque de ce modèle apostolique, démultiplié par « clonage », si l’on peut dire, sur toute la surface du globe. Ainsi voyons-nous s’accomplir les prophéties de l’Apocalypse annonçant l’édification de l’Eglise sur le fondement des douze apôtres : « Le rempart de la ville repose sur douze assises portant chacune le nom de l’un des douze apôtres de l’Agneau. » (Ap 21,14).

L’évêque, premier membre de la hiérarchie, se trouve donc être le titulaire d’un siège établi très généralement dans une ville, soit par les apôtres eux-mêmes, soit plus tard par une Eglise d’origine apostolique : l’évêque de Rome, l’évêque de Milan, l’évêque de New York, etc... D’une façon plus précise, on doit observer que dans l’antiquité c’étaient les populations elles-mêmes qui se voyaient le plus volontiers désignées dans la titulature épiscopale : « évêque des Romains », « évêque des Alexandrins », « évêque des Antiochiens » … lit-on par exemple chez l’historien Eusèbe de Césarée (IVe siècle).

Aux origines, il semble même que le peuple administré, aussi bien que le nom du siège, étaient seulement sous-entendus dans la titulature épiscopale. Selon une tradition immémoriale et certainement primitive, le pape de Rome se qualifie encore, seulement, d’« Evêque » dans les bulles les plus solennelles émanant de sa chancellerie. Comme, autrefois, il n’existait qu’un seul évêque par ville, ou par Eglise, aucune confusion n’était possible quant à l’identité du personnage…

      Quoi qu’il en soit, c’est d’une communauté bien précise, et géographiquement située, que l’évêque est le titulaire. Il en est ainsi depuis les apôtres, et sans aucun doute d’institution divine. Cela nous aide à comprendre plus intimement la signification théologique de l’épiscopat, et même de l’Eglise locale, réalité tangible en même temps que spirituelle. L’Eglise est ancrée sur un point du sol ; mais c’est pour y être ouverte à tous, accueillante à toutes les nations qui la visiteront. Cela pour préfigurer la Jérusalem céleste (Cf. Ap 21,24-26) dont elle est l’anticipation sur cette terre.



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