IX . Les insignes épiscopaux

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Aucun vêtement liturgique (mise à part sans doute l’aube, le vêtement blanc qui est l’insigne de tout chrétien, et qui lui est remise le jour de son baptême), aucun insigne épiscopal ne remonte, semble-t-il, à l’âge apostolique. Aucun par conséquent, sous telle forme qu’il se présente dans une tradition ecclésiale donnée, n’est de droit divin et ne saurait faire l’objet d’une discussion à proprement parler théologique. Ces insignes de l’évêque ont été librement créés par les générations qui ont suivi l’âge apostolique.

Si la question du vêtement liturgique en général, ou des insignes épiscopaux en particulier, peut entrer dans le champ de la théologie, c’est seulement sous un aspect de convenance. Il y a convenance, haute convenance même, mais non pas nécessité, pour que l’acte liturgique et celui qui le pose soient clairement identifiés par des insignes spéciaux et adaptés. Une telle convenance possède incontestablement des racines théologiques ; elle découle quasi nécessairement de la révélation vétéro et néotestamentaire.

Il n’y a pas de contradiction dans les propos ci-dessus, même si l’apparence est contraire : c’est la convenance elle-même qui est nécessaire, on pourrait dire de droit divin ; mais non pas son application, ou sa réalisation, sous telle ou telle forme particulière.

On pourrait fort bien étudier le vêtement ecclésiastique, ou les insignes épiscopaux, d’une seule époque et d’une seule tradition : par exemple les insignes épiscopaux en usage dans l’Eglise latine d’aujourd’hui, sous un angle théologique, en montrant leur convenance avec le donné révélé, tel que contenu dans l’Ecriture et, d’une façon générale, dans le dépôt de la foi.

Il faudrait seulement se souvenir que ces insignes épiscopaux, en l’espèce, auraient pu ou pourraient évoluer vers des formes très différentes, et qu’ils ne sont pas indispensables à la validité de l’acte sacramentel posé, si par ailleurs la substance du sacrement est sauve.

La mitre épiscopale dans le rite latin, de même que la tiare dans les rites orientaux, symbolise l’autorité magistrale de l’évêque, sa fonction d’enseignement, son doctorat. La tiare, ornée d’une croix, des prélats grecs a pour but de signifier que l’enseignement du pontife est délivré au nom du Christ, et du Christ crucifié. La mitre, comme la tiare, rappellent la coiffure du grand-prêtre du Temple de Jérusalem. Rappelons-nous que dans la pensée des Pères de l’Eglise les plus anciens, l’évêque tient la place du grand-prêtre de la religion juive ;   les presbytres tiennent la place des prêtres (hiéreôn) de l’ancienne Loi ; tandis que les diacres remplacent les lévites. Une hiérarchie à trois degrés se voit ainsi reconstituée, à l’imitation de celle du Temple qui de toute façon était prophétique. Certains abbés de monastère, bien que non évêques, se voient aussi autorisés à porter la mitre.

La tiare à trois couronnes que portaient naguère les pontifes romains signifiait plutôt leur pouvoir, spirituel, canonique et temporel, dans la chrétienté. Certains voyaient dans les trois couronnes une allusion aux mondes : céleste, terrestre et infernaux, sur lesquels le pontife avait pouvoir au nom du Christ…

 Même si ce trirègne n’est plus arboré aujourd’hui, son graphisme (on pourrait dire son logo…) figure encore dans les armoiries pontificales, et même sur les vêtements liturgiques du pontife. C’est que la tiare était devenue un symbole de la papauté elle-même. On disait de quelqu’un : coiffer la tiare, pour : devenir pape.

La calotte que portent souvent les évêques latins, même avant leur ordination, et certains autre prélats, souligne la dignité de la personne consacrée au service divin, laquelle personne est en même temps membre de la hiérarchie.

La soutane ou l’habit ecclésiastique et, pour les cérémonies liturgiques, l’aube elle-même, l’étole, la chasuble, revêtus par l’évêque expriment sa dignité sacerdotale et ce qu’il a de commun d’une part avec les simples laïcs (l’aube), d’autre part avec les diacres (l’étole) et les prêtres (la chasuble).

Le diacre porte l’étole en écharpe ; le prêtre porte l’étole croisée ; tandis que l’évêque arbore l’étole droite pour signifier qu’il détient la plénitude du sacerdoce et d’un sacerdoce non lié, c’est-à-dire apte à se transmettre à d’autres. Cependant aujourd’hui, par imitation de l’évêque et peut-être par un souci d’esthétisme, les prêtres portent aussi l’étole droite.

Sur l’étole du Saint-Père on voit souvent représentés les deux apôtres Pierre et Paul, l’un brandissant les clefs et l’autre armé du glaive de la parole de Dieu. Car c’est en vertu de l’autorité des apôtres Pierre et Paul que le pontife romain prodigue son enseignement dans l’Eglise.

La croix pectorale, en principe réservée à l’évêque, indique son caractère épiscopal, quoique par exception certains prélats non évêques soient autorisés à la porter.

Le Sacré Pallium, une bande de laine blanche frappée de croix noires, est un vêtement liturgique dont sont revêtus les archevêques et qui leur est imposé par le pape. Il signifie la communion et l’union avec le siège de Rome. Le Pallium aurait été imaginé par le pape saint Marc, au début du IVe siècle.

L’anneau épiscopal, qui était autrefois orné d’une pierre précieuse, symbolise l’alliance indissoluble que l’évêque, pasteur de son peuple, a contractée avec l’Eglise. Sans doute, aujourd’hui, un évêque peut être déplacé (translaté) d’un siège à un autre, d’une Eglise à une autre Eglise. Mais par le caractère indélébile de son sacerdoce, il a épousé mystiquement l’Eglise de Dieu elle-même, où qu’elle soit. Et cette alliance-là ne peut être dissoute.

Par la crosse, ou bâton pastoral, est indiqué le pouvoir pastoral, ou gouvernemental, de l’évêque ; de même que la mitre désigne son pouvoir doctoral ; et l’étole, la chasuble ou la chape, l’anneau, la croix pectorale, évoquent  son pouvoir sacerdotal. Il est de règle que l’évêque, dans le diocèse où il a juridiction, porte la crosse avec la volute tournée vers l’avant ; et dans les Eglises où il n’a pas juridiction, dont il n’est pas le pasteur attitré, avec la volute de la crosse tournée vers l’arrière.

Les pontifes romains, pour leur part, n’avaient jamais utilisé la crosse. Mais depuis Paul VI, on voit les papes officier liturgiquement avec à la main une croix de bronze, sculptée par un artiste contemporain. Cette croix semble évoquer le serpent de bronze de Moïse, auquel Jésus-Christ lui-même avait daigné se comparer. (Cf. Jn 3,14).

Même après le concile Vatican II, on observe que les évêques, y compris les papes, se confectionnent toujours un blason, portant leur devise. Ce blason se place ordinairement au-dessus du trône épiscopal. Cette coutume seigneuriale remonte, on s’en doute, aux temps féodaux. Les évêques se considérant sans doute comme des « seigneurs » dans l’ordre spirituel. C’est pourquoi les qualifie-t-on de « Monseigneur », d’« Excellence », d’« Eminence », de « Votre Sainteté », de « Votre Béatitude » et d’autres titres semblables. Bien entendu une telle survivance n’est peut-être pas du goût de tout le monde. On peut y voir aussi une tradition nobiliaire, ou encore une allusion à la noblesse spirituelle des prélats, qu’on nomme aussi les « princes de l’Eglise ». C’est peut-être bien humain. Mais justement l’Eglise ne doit-elle pas rappeler la connotation humaine, et non pas purement angélique de sa hiérarchie, avec les faiblesses qui lui sont inhérentes ?

On le redit : aucun de ces insignes épiscopaux n’est de droit divin. Mais l’Eglise étant une réalité visible et pas seulement spirituelle, elle se doit de revêtir de dignité ses ministres, surtout dans l’action liturgique ou sacramentelle. Elle se doit de les signaler comme pontifes et pasteurs, au milieu de leur peuple.  


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