Retour au plan : THEOLOGIE DE L'EPISCOPAT
L’élection fait accéder à la titulature, au titre. Elle donne droit en même temps à la consécration épiscopale, et à la prise de fonctions.
La consécration accorde à l’élu la plénitude du sacrement de l’ordre, avec le pouvoir de sanctifier. Elle lui confère aussi le pouvoir pastoral, avec le pouvoir d’enseigner et de gouverner, mais dans un sens général, en tant que le nouveau pasteur fait désormais partie intégrante du collège épiscopal, répandu dans le monde entier ; c’est-à-dire en fait qu’elle alloue à ce nouveau pasteur le charisme d’enseigner et de gouverner.
Mais c’est par l’intronisation, ou installation, ou « cérémonie d’inauguration », ou prise de fonctions, que le nouvel évêque acquiert l’exercice effectif de son pouvoir sacerdotal et pastoral sur l’Eglise pour laquelle il a été élu. En somme par la prise de fonctions est concédée ce qu’on appelle la juridiction. L’évêque reçoit ce jour-là une juridiction immédiate sur une portion bien délimitée du peuple de Dieu. A compter de ce jour commence son « règne » effectif, ou pontificat. Le pasteur est enfin assigné aux brebis et les brebis sont assignées à leur pasteur.
La prise de fonctions peut se faire en personne, ou par procuration.
Dans le cas particulier de l’évêque de Rome, la prise de fonctions est instantanée : elle est incluse dans l’élection même, ou dans l’acceptation de l’élection. Aussitôt élu en effet, le pontife romain est mis en jouissance de la plénitude du pouvoir ecclésial sur l’Eglise universelle, en sa qualité de successeur de saint Pierre, et ceci de droit divin. C’est alors que se vérifie l’application intégrale de la parole du Christ : « Pais mes brebis. » (Jn 21,16.17).
Dans tous les autres cas, la prise de fonctions, qui octroie la juridiction, obéit aux normes du droit ecclésial en place. Ce droit peut varier selon les époques, selon les lieux, et aussi selon les traditions des Eglises respectives.
C’est en principe le jour de son intronisation, ou installation, ou prise de fonctions, que le nouvel évêque de ce lieu (mais qui peut être un évêque anciennement ordonné, dans le cas d’un transfert), prend possession de sa ville, de son siège, de son « trône «, de son diocèse donc. Il fait sa joyeuse entrée, accueilli souvent par les édiles locaux, par le clergé et par la foule des fidèles. Dans certaines villes, comme Cambrai par exemple, on montre encore l’endroit où, sous l’ancien régime, on recevait le nouvel évêque à la porte des remparts et d’où partait le cortège triomphal à travers la ville. Le pontife vêtu de ses vêtements sacerdotaux pénètre dans sa cathédrale sous les acclamations, au son des cantiques et de tous les instruments de musique, sans oublier le son des cloches qui ébranle le clocher. Il s’assoit sur son « trône », c’est-à-dire dans sa chaire épiscopale. On lit les lettres officielles qui l’accréditent, de la part du Saint-Siège, ou d’autres autorités par exemple patriarcales. Il est désormais ostensiblement l’évêque du lieu, l’ordinaire de ce lieu.
Bien entendu, les fastes que nous décrivons ici de façon sommaire peuvent varier considérablement suivant les époques et les pays. Ils peuvent même être complètement supprimés, ou rester seulement embryonnaires, dans les temps de persécutions par exemple.
D’une façon générale, l’accession officielle - canonique - d’un nouvel évêque à son siège s’accomplit au moment de la réception qui lui est faite par son clergé, ou les responsables attitrés de son clergé, par exemple le Chapitre cathédral, ceux qui, en somme, assuraient l’intérim. Le clergé lui doit cette reconnaissance et cette soumission, si toutefois lui-même est légitime et non pas intrus. Le clergé local a donc le droit, et même le devoir, de vérifier la validité de ses pouvoirs, la régularité de son élection. Le peuple aussi lui doit soumission, respect, obéissance, mais sachant bien qu’il est un vrai berger et non pas un loup ravisseur.
Les conditions de réception, auxquelles nous venons de faire allusion ci-dessus, peuvent sembler superflues aujourd’hui. On sait bien, quand on a parcouru l’histoire de l’Eglise, qu’elles ne le furent pas autrefois.
Lorsqu’un nouvel évêque doit être ordonné dans sa cathédrale, la prise de fonctions se fait en général en même temps que la consécration, au cours de la même cérémonie. On voit le nouveau promu, dès qu’il a reçu le sacrement par l’imposition des mains de tous ses collègues présents (au moins trois, comme nous l’avons vu, sauf cas de nécessité), s’asseoir sur son trône, prendre aussitôt en mains la direction de la célébration et s’adresser au peuple comme son pasteur légitime. Il est en effet chez lui et il exerce sans retard la juridiction prévue par les canons et même par le droit divin. Les évêques présents, qui viennent de le faire entrer dans le collège épiscopal, ne sont plus que ses hôtes, et il leur parle comme tels.
La prise de fonctions a pu, dans certaines circonstances historiques, précéder la consécration épiscopale.
De même, on peut le remarquer, la consécration épiscopale peut précéder l’élection à tel siège, à telle Eglise, à tel diocèse précis. C’est le cas général aujourd’hui des nombreux évêques transférés d’un siège à un autre, d’une fonction à une autre fonction. Etant déjà évêques, ils n’ont pas besoin d’être réordonnés pour prendre possession de leur nouvelle charge. C’est singulièrement le cas du pontife romain qui, à l’époque moderne, est choisi parmi des cardinaux déjà évêques, bien qu’il n’y ait là aucune obligation.
On n’ignore pas que dans le droit ancien les mutations d’évêques d’un siège à un autre étaient proscrites. C’est le concile de Nicée (canon 15) qui avait formulé cette interdiction ; mais il ne faisait en cela que confirmer la coutume. On considérait alors que l’évêque était indissolublement lié à son Eglise, par une sorte de mariage mystique. Ce qui d’ailleurs relevait d’un symbolisme très beau. Cette interdiction fut respectée, même à Rome, pendant près d’un millénaire. Puis elle tomba progressivement en désuétude…