VI . 1 . L’élection des évêques

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Le mot « élection » est   pris, ici, dans son sens   étymologique de « choix ».

Tout évêque est « élu », d’une manière ou d’une autre. Aux origines, le Christ avait choisi lui-même ses douze apôtres. Dans la suite, les apôtres ont « élu » leurs principaux collaborateurs, comme Marc et Silas compagnons de Pierre, comme Luc, Timothée ou Tite compagnons de Paul.

Les apôtres, et leurs adjoints, ont désigné les premiers prêtres et les premiers évêques des communautés, comme on le voit faire dans les Actes, comme on l’entend recommandé dans les épîtres pastorales de saint Paul.

Saint Clément de Rome dans son épître aux Corinthiens confirmait cette manière de faire : « Les apôtres ont reçu pour nous la Bonne Nouvelle par le Seigneur Jésus-Christ […] Ils prêchaient dans les campagnes et dans les villes et ils en établissaient les prémices, ils les éprouvaient par l’Esprit, afin d’en faire les épiscopes et les diacres des futurs croyants. » (42,1.4).

Les premiers témoignages d’élection de responsables d’Eglise, avec l’intervention du suffrage du peuple, apparaissent également dès les Actes des Apôtres, avec l’élection de l’apôtre Mathias en remplacement de Judas (cf. Ac 1,15-26) et l’institution des sept diacres (cf. Ac 6,1-6). On observe que l’assemblée électorale se tenait à l’instigation des apôtres, mais c’était bien le peuple qui présentait ses candidats.

Il semble qu’aux premiers temps du christianisme, les évêques, y compris celui de Rome, étaient élus par le moyen du suffrage populaire. Saint Hippolyte prescrivait dans sa Tradition apostolique : « Qu’on ordonne comme évêque celui qui a été choisi par tout le peuple [electus ab omni populo] » (2). Et ce choix était réputé comme étant celui de Dieu le Père même. « Accorde, Père qui connais les cœurs, à ton serviteur que tu as choisi pour l’épiscopat… » (Id. 3, Prière du sacre de l’évêque). En somme on respectait l’adage : Vox populi, vox Dei.

Toutefois, si l’on examine les sources avec acribie, on s’aperçoit qu’en réalité les évêques étaient choisis plutôt par le consensus entre toutes les parties prenantes : le peuple certes, mais aussi les prêtres de l’endroit, et les évêques des Eglises d’alentour, venus assister l’Eglise veuve de son berger.

Saint Clément de Rome parlait de « ceux qui ont été établis par eux [les apôtres], ou ensuite par d’autres hommes éminents, avec l’approbation de toute l’Eglise. » (Ep. aux Cor., 44,3). Il semble que ces « hommes éminents » fussent les délégués des apôtres, et qu’ils élisaient « ensuite » (après la mort des apôtres) « avec l’approbation de tous », c’est-à-dire après l’intervention du suffrage populaire.

Dans la Tradition apostolique de saint Hippolyte (telle que reconstituée par Don Botte, cf. Sources chrétiennes N° 11 bis) on lit : « Lorsqu’on aura prononcé son nom [celui de l’élu] et qu’il aura été agréé [par qui ?], le peuple se rassemblera avec le presbyterium et les évêques qui sont présents, le jour du dimanche » (2). La participation des prêtres et des évêques, à l’élection, ne semble pas purement passive. Il paraît bien que c’est le peuple qui prononce le nom, et que ce sont les évêques (des environs) qui agréent.

On rencontre la même ambiguïté dans les Constitutions apostoliques, texte d’allure canonique publié à Antioche vers 380. « Si la paroisse est petite et qu’on n’y trouve pas d’homme sage et de bonne réputation pour l’instituer évêque, mais qu’il ait là un homme jeune, dont l’entourage témoigne qu’il est digne de l’épiscopat et qui montre en son jeune âge la mansuétude et la modération d’un vieillard, qu’on vérifie si tous lui rendent ce témoignage et qu’on l’institue en paix. » (II, 1,3). Ici encore, il semble bien que le processus efficace était le consensus. Mais on ne nous dit pas qui menait l’enquête, sans doute les évêques de la province qui allaient être chargés d’ordonner le nouveau promu.

« Si la paroisse est petite » disent les Constitutions apostoliques : on sait qu’à l’origine la paroisse (paroikia) désignait la circonscription, ou le district de l’évêque. On ne trouvait donc qu’une seule « paroisse », administrée directement par l’évêque, dans ce que nous appelons aujourd’hui un diocèse, ou une éparchie.

Dès 325, le concile de Nicée avait prescrit (canon 4) qu’à l’avenir aucun évêque ne devrait être élu sans l’accord du métropolitain et des évêques comprovinciaux.

Jusqu’au Moyen Age les élections épiscopales restèrent théoriquement soumises à la procédure canonique prévue par le Ier concile œcuménique. Le droit n’envisageait jamais le choix des évêques que par l’ « electio cleri et populi », l’élection du clergé et du peuple. La doctrine officielle de l’Eglise romaine, exprimée par plusieurs papes, préconisait même une prépondérance du clergé sur le peuple. Ainsi le pape Etienne V écrivait vers 888 : « L’élection appartient aux prêtres ; le consentement du peuple doit s’y ajouter, parce que le peuple doit être enseigné, mais non pas obéi. » (Lettre à l’archevêque de Ravenne, Jaffé-Wattenbach, 3450).

Mais de plus en plus, et cela de très bonne heure, les pouvoirs politiques s’immiscèrent dans le processus électoral. A ce point qu’à la fin du premier millénaire, les élections épiscopales étaient passées pratiquement à la discrétion de l’autorité civile, y compris dans la ville de Rome où l’empereur du Saint Empire romain germanique et les principicules locaux se disputaient la nomination du pape.

Il fallut attendre l’an 1059 pour que l’Eglise romaine reconquît son indépendance. En cette année mémorable le pape Nicolas II réserva définitivement aux seuls cardinaux l’élection du pontife romain. Le 3e concile œcuménique du Latran, en 1179, précisa que l’élection se ferait désormais à la majorité des deux tiers. Ces dispositions sont toujours en vigueur.

Peu à peu le Saint-Siège, surtout à partir des papes d’Avignon, et les différents patriarcats orientaux, se sont réservé dans leurs obédiences respectives la collation de la plupart des bénéfices ecclésiastiques, dont les évêchés. Mais le plus souvent ils le faisaient en instituant les évêques, en accord avec les gouvernements, ou sur la proposition des gouvernements, des Etats dans lesquels étaient implantées les Eglises. Ce n’est guère que depuis la séparation récente des Eglises et des Etats que les Eglises sont devenues presque entièrement maîtresses des nominations épiscopales.

Aujourd’hui, dans l’Eglise romaine, le pape nomme librement les évêques. Il les déplace ; éventuellement il peut les déposer ; il reçoit leur démission quand ils ont atteint l’âge de 75 ans.

Dans l’Eglise orthodoxe, les synodes patriarcaux élisent leur patriarche et, sous la présidence de ce dernier, ils nomment aussi les évêques de leur ressort.

Dans certaines Eglises orientales, comme l’Eglise arménienne, le catholicos est élu par un synode élargi, pouvant comprendre une majorité de laïcs.

Dans les Eglises encore établies, comme les Eglises luthériennes de Scandinavie, ou l’Eglise anglicane d’Angleterre, les évêques sont encore nommés par les gouvernements. Mais ces Eglises tendent de plus en plus à s’affranchir de la tutelle de l’Etat.

Dans les Eglises épiscopaliennes, les évêques sont élus par des synodes représentatifs des fidèles. On sait que depuis peu, dans ces Eglises, des femmes mêmes peuvent accéder à l’épiscopat.

On le voit, le choix des évêques a souffert de régimes tout à fait divers, selon les temps et les lieux. Le mode d’élection a subi au cours des âges des évolutions très considérables, et souvent divergentes. Cela tient sans aucun doute possible à la nature profonde de l’institution épiscopale, telle que voulue par le Christ et par le Saint-Esprit. Cela intéresse donc, au premier chef, la « théologie de l’épiscopat » ! 

C’est pourquoi il est nécessaire de distinguer dans l’épiscopat, comme dans tous les autres sacrements, comme dans toutes les autres institutions ecclésiales, un élément stable et permanent, un élément universel, soustrait à l’arbitraire humain, arrêté par le Christ lui-même, ou plus tard par les apôtres, et qui donc est de droit divin. Et un élément évolutif, susceptible de varier selon les lieux et les époques, et qui se trouve soumis seulement au droit ecclésiastique. Ainsi, on l’a vu, le principe de la titulature épiscopale est-il d’origine apostolique ; de même, pour ce qui intéresse ce chapitre, le principe de l’élection épiscopale est de droit divin et d’origine apostolique. Car enfin il faut bien pourvoir au renouvellement des générations, du début à la fin de l’histoire chrétienne. Les chefs ne sont pas éternels ; il faut penser à leur succession.

Saint Clément de Rome mentionnait explicitement cette prévision, on pourrait dire encore cette provision, de la part des apôtres concernant le renouvellement futur de la hiérarchie. « Nos apôtres aussi ont connu par Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il y aurait querelle au sujet de la fonction épiscopale. C’est bien pour cette raison qu’ayant reçu une connaissance parfaite de l’avenir, ils établirent ceux dont il a été question plus haut, et posèrent ensuite comme règle qu’après la mort de ces derniers, d’autres hommes éprouvés leur succéderait dans leur office. » (Ep. aux Cor., 44,1-2). Il suffit d’ailleurs de lire les épîtres pastorales de Saint Paul pour se rendre compte combien était grand le souci des apôtres de pourvoir à leur propre succession et de préparer l’avenir.

Mais de même que les développements ultérieurs de la titulature relèvent du droit humain, de même ici les modalités pratiques des élections épiscopales sont-elles laissées à la prévoyance et à la sagacité des responsables successifs de l’Eglise, pour qu’ils les modulent selon les circonstances et les nécessités. Les chefs d’ailleurs n’ont pas manqué de légiférer souvent en ce domaine. Ils le doivent même, pour prévenir le déroulement harmonieux de leur succession.

De la sorte, le droit ecclésiastique précise et actualise le droit divin, tout en ne pouvant jamais aller contre. Ce droit ecclésiastique a pour propriétés d’être révocable et modifiable par l’autorité qui l’a porté, autorité supposée légitime, ou encore par une autre autorité qui lui serait supérieure, mais en aucun cas par une autorité subordonnée qui n’a qu’un seul devoir : celui de le mettre en œuvre.

C’est en matière d’élection épiscopale, surtout, que le droit en place exige d’être scrupuleusement observé : il y va de la légitimité même de la succession.

L’évêque étant mort, l’Eglise tombe naturellement aux mains des prêtres dont la ligne de conduite est toute tracée : appliquer les dispositions testamentaires de leur père défunt, observer les canons ecclésiastiques dans leur état présent, et procéder au plutôt au remplacement de leur pasteur, avec l’aide des évêques circumprovinciaux, tout en assurant, bien sûr, l’administration courante de leur Eglise, le culte divin et la dispensation des sacrements. 

Les diacres, qui sont les serviteurs de l’Eglise, se trouvent du fait même au service du presbyterium quand celui-ci est amené à assumer l’intérim de l’évêque. Je mentionne ici les diacres, car dans les élections épiscopales de l’Eglise antique, surtout peut-être à Rome ! ils furent amenés à jouer un rôle souvent fort important, assurant la gestion temporelle de l’Eglise pendant la vacance, héritant plus d’une fois de la succession proprement dite. Il n’empêche qu’en toute hypothèse le diacre doit rester soumis aux prêtres. Ainsi, dans son épître aux Magnésiens (II), Saint Ignace donne-t-il cet éloge d’un diacre nommé Zotion : « Il est soumis à l’évêque comme à la grâce de Dieu, et au presbyterium comme à la loi de Jésus-Christ. » Quoi qu’il en soit les diacres adoptent-ils dans le processus de désignation du nouvel évêque le rôle qui leur est imparti par la législation ecclésiastique en cours de validité.

En cas de vacance, les Eglises du monde entier, et singulièrement l’Eglise romaine, exercent un droit (un devoir) de vigilance sur l’Eglise veuve, ou momentanément privée de son pasteur. C’est ce qu’on relève déjà dans les lettres de Saint Ignace. Sur le point de rejoindre Rome pour y être livré aux bêtes, voici ce qu’il écrit aux Romains : « Souvenez-vous dans votre prière de l’Eglise de Syrie, qui, en ma place, a Dieu pour pasteur. Seul Jésus-Christ sera son évêque, et votre charité. » (Ep. aux Rom., IX, 1). De plus, il incite les Eglises qu’il traverse à envoyer à Antioche, soit leur évêque lui-même, soit des prêtres, soit des diacres pour réconforter cette Eglise (cf. Ep. aux Philadelphiens, X, 1-2). C’est donc l’épiscopat du monde entier qui assume la charge morale de pourvoir à la succession d’un évêque. Mais cela s’opère toujours selon le droit canonique en vigueur. 

L’Eglise romaine détient en outre un privilège pour l’élection de son propre évêque, car les évêques circumprovinciaux, qui s’appellent ici les évêques suburbicaires de Rome, n’ont personnellement que le droit, et le devoir, de consacrer l’élu de l’Eglise romaine conformément à ses statuts. L’Eglise romaine, en effet, conserve la primauté même quand elle est privée de son chef. Elle élit souverainement son évêque, en respectant toutefois la législation en place, fixée par les pontifes défunts, ou par les conciles homologués par les papes.

Le peuple chrétien intervient traditionnellement dans une élection par son « votum », son vœu. On n’ignore pas que dans l’histoire mouvementée de l’Eglise la puissance de ce vœu a pu être fort grande, jusqu’à représenter l’élément prépondérant de l’élection. On se souvient que Saint Hippolyte de Rome avait dit : « Qu’on ordonne comme évêque celui qui a été choisi par tout le peuple. » (Trad. apost. 2). Ce fut par ce biais-là que plus tard les pouvoirs temporels, en tant que représentants réels ou supposés des peuples, purent s’insinuer dans les élections épiscopales. Mais pour que l’intervention du peuple ou de ses mandatés ne soit pas réputée tumultueuse ou irrégulière, faut-il aussi qu’elle s’exerce selon les modalités prévues par le droit. Aujourd’hui encore, dans les Eglises d’Orient, on consulte le peuple au sujet de la dignité de l’élu. Tandis que dans l’Eglise catholique romaine, depuis le dernier concile, on incite souvent le peuple chrétien à dresser en quelque sorte le portrait-robot de son futur évêque, à formuler ses souhaits.

On s’en rend compte, le mode d’élection des évêques revêt, d’institution divine, une souplesse fort grande, voire extraordinaire, qui lui permet de s’adapter aux époques et aux circonstances. Le seul principe à respecter universellement reste un principe d’ordre. « Car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix. » (1 Co 14,33). Tout, dans la société chrétienne, doit s’organiser dans l’ordre car ce qui est en jeu, c’est la transmission régulière d’un pouvoir légitime qui vient des apôtres, et à travers eux du Christ. Non seulement l’ordination, comme on le verra plus loin, doit s’accomplir selon les rites prévus (question de validité), mais déjà le choix du sujet doit répondre à des critères de canonicité, dans la société civile on dirait de légalité, afin que la succession apostolique soit réputée régulière, et non pas usurpée (intruse dans le langage ecclésiastique).

Le principe de l’élection épiscopale est de droit divin. Mais le mode de désignation des évêques est laissé à l’initiative du droit canonique.

Dans les tout premiers temps de l’Eglise, il semble bien que rien n’était prévu, justement d’un point de vue canonique, pour procéder à ces élections : on s’en remettait à l’inspiration du moment, voire à l’improvisation. La seule règle était la charité fraternelle, et l’union des cœurs ; et l’on n’envisageait qu’une seule forme de scrutin : l’unanimité de tous, en y incluant les païens. « Il faut en outre [écrivait saint Paul] que ceux du dehors rendent de lui un bon témoignage, de peur qu’il ne tombe dans l’opprobre et dans les filets du diable. »  (1 Tm 3,7).

L’élection du titulaire, de même que plus tard son ordination (le plus souvent le dimanche qui suivait, cf. Trad. apost. 2), revêtait un caractère nettement charismatique. On ne se préoccupait guère de règlements. On n’avait qu’un seul souci : que le nouvel élu fût digne et capable, qu’il fût le meilleur de tous. D’où ce qu’on a appelé ces « miroirs épiscopaux «, si nombreux et si insistants dans la littérature paléochrétienne (canonique : le Nouveau Testament ; et postcanoniques : les écrits des anciens Pères). Dans Saint Paul : « Elle est sûre cette parole : celui qui aspire à la charge d’évêque désire une noble fonction. Aussi faut-il que l’évêque soit irréprochable, qu’il n’ait été marié qu’une fois, qu’il soit sobre, pondéré, courtois, hospitalier, apte à l’enseignement, ni buveur ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l’argent, sachant bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission d’une manière parfaitement digne. Car celui qui ne sait pas gouverner sa propre maison, comment pourrait-il prendre soin de l’Eglise de Dieu ? » (1 Tm 3,1-5). « L’évêque, en effet, en sa qualité d’intendant de Dieu, doit être irréprochable : ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni batailleur, ni avide de gains déshonnêtes, mais au contraire hospitalier, ami du bien, pondéré, juste, pieux, maître de soi, attaché à l’enseignement sûr, conforme à la doctrine ; ne doit-il pas être capable, à la fois, d’exhorter dans la saine doctrine et de confondre les contradicteurs ? » (Tt 1,7-9).

On lit chez saint Irénée : « Car ils [les apôtres] voulaient que fussent absolument parfaits et en tout point irréprochables ceux qu’ils laissaient pour successeurs et à qui ils transmettaient leur propre mission d’enseignement : si ces hommes s’acquittaient correctement de leur charge, se serait un grand profit, tandis que, s’ils venaient à faillir, ce serait le pire malheur. « (Adversus Haereses, III, 3,1,).

Les Constitutions apostoliques (vers 380, avons-nous vu) plaçaient fictivement dans la bouche des apôtres un long descriptif du futur évêque : « A propos des évêques voici ce que nous avons reçu de Notre Seigneur : en toute paroisse (paroikia) le pasteur qu’on institue évêque pour les Eglises doit être irrépréhensible, irréprochable, étranger à toute injustice humaine, âgé d’au moins cinquante ans etc.… etc.… » (II, 1,1). Le portrait, ou « miroir », se développait ainsi sur de multiples pages.

De nos jours encore c’est une préoccupation majeure des Eglises de faire accéder à l’épiscopat les éléments les plus dignes et les plus capables, ceux qui seront aptes à l’enseignement et au gouvernement et, de plus, susceptibles de donner l’exemple d’une conduite parfaite. Car la consigne laissée par saint Pierre n’est pas prescrite : il faut que les pasteurs deviennent « les modèles du troupeau. »  (1 P 5,3).

Mais l’élection légitime de l’évêque supposée acquise, et bien accueillie, quels en sont les effets canoniques ? Par l’élection épiscopale au sein d’une Eglise locale déterminée, l’élu accède immédiatement à un titre épiscopal précis. Il devient titulaire (évêque élu ou nommé) de tel siège et par là il accède au droit, lui aussi très précis, d’être ordonné évêque d’une part, et d’autre part d’acquérir la juridiction effective sur l’Eglise en question (dans la mesure où cette Eglise existe réellement, car il y a des titres d’évêque purement honorifiques).

S’il s’agit de l’évêque de Rome, pontife suprême, ce droit est absolu, inconditionnel, immédiat. Car le pontife romain acquiert dès son élection, supposée canonique, la plénitude du pouvoir ecclésiastique. Il détient le droit d’être ordonné évêque au plus tôt, et sa juridiction s’étend sur l’Eglise universelle avant même son intronisation, avant même sa consécration épiscopale. (On a vu des papes régulièrement élus, déjà installés au commandes de l’Eglise, attendre des jours voire des mois avant d’être sacrés évêques : par exemple saint Grégoire le Grand). 

Pour les autres évêques, ou autres patriarches, ce droit à l’ordination et à la juridiction sur leur Eglise n’est que relatif, conditionnel, non toujours immédiat. Il reste soumis aux dispositions de la législation canonique en cours de validité. Il dépend aussi du bon vouloir du pontife romain, maître universel de l’Eglise, et qui pourrait suspendre, ou restreindre, les effets de l’élection.

Mais ce dernier point, universel en principe, ne s’applique en fait qu’à l’intérieur de l’Eglise catholique romaine, soumise au pape.

Dans le respect du droit divin (bien sûr !) et dans le respect du droit canonique en usage – car l’Eglise de Dieu est une Eglise d’ordre – s’accomplit néanmoins une élection qu’on pourrait qualifier de charismatique ; l’évêque promu peut être appelé en toute vérité l’élu de Dieu et son vicaire : le vicaire de Jésus-Christ.

Quant au pouvoir d’ordre (le sacerdoce) l’essentiel de la succession apostolique se réalise au moment de l’ordination (l’imposition des mains). Mais quant au pouvoir de juridiction (le gouvernement effectif de l’Eglise), la succession apostolique authentique suppose au préalable une élection légitime. C’est par cette porte – de l’élection légitime – que le vrai pasteur entre, au nom du Christ, dans la bergerie.

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