Retour au plan : THEOLOGIE DE L'EPISCOPAT
I. L’épiscopat et le septénaire des sacrements.
II. La grâce spéciale du ministère épiscopal.
III. Sacramentalité de l’épiscopat.
IV. Malgré tout : ce qu’il reste à définir.
Les évêques succèdent aux apôtres, à titre principal, en vertu de leur titre, mais aussi en vertu de leur ordre, le sacrement de l’ordre. Plus loin nous verrons qu’ils succèdent aussi aux apôtres en vertu de leur mission canonique, leur mandat.
Souvenons-nous des termes employés par le concile de Trente : « … les évêques, qui succédèrent aux apôtres, appartiennent à titre principal à cet ordre hiérarchique… » (DZ 960). Et Vatican II de surenchérir : « … le saint Concile enseigne que les évêques, en vertu de l’institution divine, succèdent aux apôtres, comme pasteurs de l’Eglise, en sorte que, qui les écoute, écoute le Christ … » (Lumen Gentium, 20).
Par la consécration épiscopale, autrement dit par l’imposition des mains du collège des évêques, les évêques reçoivent la plénitude du sacrement de l’ordre et avec lui la plénitude du sacerdoce du Christ, autant du moins que ce sacerdoce peut être communiqué à de simples mortels.
« Accorde, Père qui connais les cœurs, à ton serviteur que tu as choisi pour l’épiscopat, qu’il fasse paître ton saint troupeau et qu’il exerce à ton égard le souverain sacerdoce sans reproche,… » . C’est en ces termes que Saint Hippolyte de Rome rapportait dans sa « Tradition apostolique » (3), la formule de la consécration des évêques qui était en usage dans la Ville éternelle au IIIe siècle.
Reprenons la lecture de Lumen Gentium : « Le saint Concile enseigne que, par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’ordre, que la coutume liturgique de l’Eglise et la voix des saints Pères désignent en effet sous le nom de sacerdoce suprême, de réalité totale du ministère sacré. » (Vatican II, L. G., 21).
En quoi consiste exactement ce sacerdoce des évêques ? En quoi diffère-t-il par exemple de celui des simples prêtres ?
Ecoutons encore le concile de Trente qui nous atteste des évêques « qu’ils sont supérieurs aux prêtres ; qu’ils confèrent le sacrement de confirmation ; qu’ils ordonnent les ministres de l’Eglise et qu’ils peuvent accomplir plusieurs autres actes et fonctions pour lesquels les autres d’un ordre inférieur n’ont aucun pouvoir. » (XXIII e session. Ch.4. DZ 960).
Il est donc de foi de croire, pour le fidèle catholique, que le sacerdoce des évêques est supérieur à celui des simples prêtres ; mais il est plus difficile de définir avec exactitude en quoi réside cette supériorité.
Pour étudier avec l’acribie souhaitable ce pouvoir d’ordre ou pouvoir sacerdotal des évêques, qui leur est imparti dans l’Esprit Saint en vertu de l’imposition des mains, je pense qu’il faut distinguer très nettement deux aspects dudit pouvoir d’ordre :
- d’abord le rapport précis qui existe entre la fonction épiscopale et le septénaire des sacrements, l’office propre que l’évêque assume à l’occasion de la collation de chacun des sacrements,
- et d’autre part la grâce spéciale qui est accordée à l’évêque en vue de l’accomplissement du ministère épiscopal dans son entier, c’est-à-dire en somme en vue du pastorat.
Si l’évêque est fait successeur des apôtres et si, par le moyen de l’imposition des mains, il obtient la plénitude du sacerdoce, il est évident qu’un lien étroit s’instaure entre la personne de l’évêque et la célébration des divers sacrements de l’Eglise, à commencer par le baptême, et ce lien différencie notablement l’épiscopat de tous les autres ministères dans l’Eglise. Car si les autres ministres participent eux aussi à des degrés divers à ce même sacerdoce du Christ, ils n’en détiennent pas cependant la totalité.
1°) Le baptême
A l’évêque incombe la tâche primordiale de baptiser. En tant que successeur des apôtres et détenteur du pouvoir ordinaire d’évangéliser et de paître, à lui s’adresse en priorité la monition laissée par le Christ à tous ses disciples le jour de son départ définitif de cette terre : « Allez donc, de toute les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. » (Mt 28,19). C’est la raison pour laquelle on réserve souvent à l’évêque les baptêmes les plus solennels, par exemple dans l’Eglise latine les baptêmes d’adultes. Dans l’histoire on observe souvent que c’étaient des évêques qui baptisaient les souverains, ou les fils et les filles de souverains. C’est à l’évêque qu’il appartient dans toute l’étendue de son domaine ecclésiastique de gérer la discipline de ce sacrement, d’organiser les catéchuménats, de fixer les étapes de l’admission à ce bain d’eau conféré au nom des Trois Personnes divines, et qui ouvre les portes de l’Eglise aux croyants et aux tout jeunes enfants.
Le pontife a cette priorité, mais non pas l’exclusivité. Car chacun sait que les prêtres sont les ministres ordinaires du baptême. Les diacres aussi sont les ministres ordinaires (au moins dans l’Eglise latine) ou en tout cas extraordinaires de ce sacrement : en souvenir du diacre Philippe qui le premier évangélisa et baptisa la Samarie (cf. Ac 8,5-16), et qui baptisa l’eunuque, haut fonctionnaire de la reine d’Ethiopie, sur la route de Gaza (cf. Ac 8,26-40). Et aussi tout homme et toute femme, même infidèle (c. a. d. non baptisé), peut en cas de nécessité administrer ce sacrement en lieu et place des ministres de l’Eglise, à condition de respecter la matière et la forme prescrites, à condition d’avoir l’intention requise.
Saint Paul se flattait d’être venu évangéliser, bien plutôt que baptiser. Mais à la réflexion il se souvenait d’avoir baptisé plus d’un disciple dans la jeune Eglise de Corinthe (cf. 1 Co 1,14-17). Le Christ lui-même, s’il a réglé la discipline du baptême quand il était sur les bords du Jourdain, a confié à ses disciples immédiats le soin de l’administrer (cf. Jn 3,22 ; 4,1-2). Etant le Fils, en effet, c’est-à-dire l’une des Personnes de la Sainte Trinité, il lui était difficile de baptiser au nom du Fils.
2°) La confirmation ou chrismation
Ce sont les apôtres qui, les premiers dans l’Eglise, ont reçu le Saint-Esprit, au jour de la Pentecôte (cf. Ac 2,1-4). Et c’est aux successeurs des apôtres qu’il appartient en priorité de communiquer le Saint-Esprit par le moyen de l’imposition des mains, ou par le moyen de la signation à l’aide du saint chrême, signation qui d’ailleurs inclut en elle-même une imposition des mains : c’est le sacrement que nous appelons la confirmation, et les orientaux la chrismation.
Ce sacrement ne peut être conféré, en lieu et place de l’évêque, que par le seul prêtre. Le diacre Philippe ne le pouvait pas en Samarie ; c’est pourquoi les apôtres députèrent sur place Pierre et Jean (cf. Ac 8,14-17). Le concile Vatican II a enseigné que l’évêque est le ministre « originaire » de la confirmation (cf. Lumen Gentium, 26). Si le prêtre confirme, il le fait toujours avec le saint chrême confectionné par l’évêque. Et il faut qu’il y soit autorisé par son évêque, ou par le droit coutumier de son Eglise. La tradition unanime de l’Eglise en témoigne donc : la confirmation est un sacrement d’exclusivité presbytérale, avec une prédominance très nette de l’évêque.
3°) L’eucharistie
L’eucharistie représente le sommet de la vie chrétienne. C’est pour l’eucharistie principalement que l’Eglise s’assemble, et c’est autour de l’eucharistie que sa vie sacramentelle s’organise. « L’eucharistie fait l’Eglise », comme l’Eglise à son tour célèbre l’eucharistie. Et l’évêque, président de l’assemblée chrétienne, est par nature le président de la synaxe eucharistique. Il la domine du regard, entouré de son presbyterium assis sur des sièges moins élevés, assisté de ses diacres qui parcourent et disciplinent l’assemblée. La responsabilité du service de la parole lui incombe, aussi bien que le service de l’offrande eucharistique proprement dite ; il veille ensuite à la distribution au peuple des dons sacrés. L’évêque offre le sacrifice de la messe, qui est la répétition de la sainte Cène (« Faites ceci en mémoire… », Lc 22,19 ; 1 Co 11,24.25) ; sacrifice qui, selon la doctrine catholique, renouvelle d’une façon non sanglante l’unique sacrifice du Christ, offert une fois pour toutes sur le Calvaire ; il le rend non seulement présent mais efficace, ici et maintenant.
Et saint Ignace d’Antioche : « Que cette eucharistie seule soit regardée comme légitime, qui se fait sous la présidence de l’évêque ou de celui qu’il en aura chargé. » (Lettre aux Smyrniotes, VIII, 1).
Car enfin l’évêque peut mourir, il peut tomber malade, il peut momentanément être absent, par exemple pour participer à un concile…La synaxe, surtout celle du dimanche, doit-elle cesser pour autant ? Evidemment non. L’Eglise continue même si l’évêque est empêché. Le service des fidèles réclame une eucharistie fréquente et à dates fixes. Cette nécessité explique que les prêtres ont tout naturellement, et très tôt, suppléé les évêques dans la présidence de l’eucharistie.
A partir du IVe siècle, les lieux de culte se sont multipliés en dehors des églises cathédrales, surtout dans les grandes villes, exigeant la présence de simples prêtres soit comme visiteurs (periodeutes), soit comme attachés à demeure. Les eucharisties sans la présence de l’évêque se sont ainsi multipliées ; les paroisses (au sens moderne du mot) ont été fondées.
Mais la tradition constante de l’Eglise, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, atteste que la présidence de l’assemblée eucharistique n’a jamais été confiée à personne d’autre qu’à un prêtre. Cependant toute eucharistie est célébrée sous la responsabilité morale d’un évêque. S’il est absent, son nom doit être cité. Résumons notre propos en disant que pour la tradition catholique, aussi bien que pour la tradition orthodoxe, l’eucharistie ne peut jamais être offerte que par l’évêque, ou par le prêtre agissant en son nom.
4°) La pénitence
Au soir de Pâques, dès la première apparition communautaire du Christ, c’est-à-dire dès sa première apparition au collège des Douze en tant que tel, (bien que réduit pour la circonstance à dix…), les apôtres ont reçu du Seigneur le pouvoir exorbitant, et en un sens divin, de remettre tous les pêchés (cf. Jn 20,23). Les successeurs des apôtres assurent encore parmi nous ce service, les évêques à titre principal, les prêtres à titre subordonné. Le prêtre n’est habilité à confesser et à absoudre que s’il y est autorisé par l’évêque, ou par le droit commun de son Eglise. Comme l’a déclaré Vatican II, les évêques sont les modérateurs de la discipline pénitentielle (Cf. Lumen Gentium, 26) dans leur diocèse, ou éparchie. Certaines fautes graves peuvent se trouver réservées au jugement de l’évêque, ou encore frappées d’excommunication ou d’interdit, dont l’évêque seul, ou son représentant, peuvent relever. Rappelons cependant qu’en cas de danger de mort tout prêtre (validement ordonné), même non catholique, peut absoudre de tout pêché et relever de toute excommunication, même par une absolution générale.
5°) L’onction des malades
Les prêtres seuls sont les ministres de l’onction des malades. Le concile de Trente considère (cf. DZ 908) que ce sacrement fondé par le Christ (comme tous les autres) a été promulgué par l’apôtre Saint Jacques dans son épître quand il dit : « Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il appelle les presbytres de l’Eglise et qu’ils prient sur lui après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. » (Jc 5,14). Bien entendu les évêques eux-mêmes peuvent administrer l’onction des malades, mais ils le font en qualité de prêtres.
6°) l’ordre
L’évêque seul, l’évêque validement ordonné, est le ministre du sacrement de l’ordre, dans ses trois degrés majeurs (qui sont d’origine apostolique et donc d’institution divine) : l’épiscopat, le presbytérat et le diaconat. On touche, là, à l’essence même du ministère épiscopal, je veux dire au ministère épiscopal en tant qu’il est un ministère « ordonné », assigné par ordination.
Tous les sacrements, en effet, autres que le sacrement de l’ordre, peuvent être administrés, soit par des laïcs comme le baptême et le mariage, soit – avec les nuances que nous avons notées – par de simples prêtres comme la confirmation, l’eucharistie, la pénitence et l’onction des malades. L’ordre seul, et encore uniquement dans ses trois degrés suprêmes, est strictement réservé, de droit divin implicite, à l’évêque (lui-même validement ordonné). C’est ce que démontre la pratique constante de l’Eglise depuis ses origines, dans toutes les traditions chrétiennes, tant orientales qu’occidentales, au moins dans les communautés dont la tradition remonte aux apôtres. Cette unanimité impose de conclure à l’institution divine de la chose.
Curieusement cependant, ce point capital de la théologie de l’épiscopat, disons même en un certain sens du dogme catholique en son entier, n’a pas fait l’objet jusqu’ici d’une définition explicite du magistère. Certaines obscurités de la tradition, ou de l’histoire ancienne de l’Eglise, s’y opposent sans doute. Quoiqu’il en soit, ou peut-être même grâce à cela, des progrès peuvent encore être espérés dans le domaine de l’ecclésiologie. Peut-être ces progrès seront-ils accomplis à la faveur de l’œcuménisme ?
Le concile de Trente condamne seulement l’opinion de ceux qui prétendent : « Que les évêques ne sont pas supérieurs aux prêtres ; ou qu’ils n’ont pas le pouvoir de confirmer et d’ordonner ; ou que celui qu’ils ont leur est commun avec les prêtres. » (Canon 7, XXIIIe session, DZ 967).
Vatican II affirme pour sa part, incidemment : « Aux évêques, il revient d’introduire, par le sacrement de l’ordre, de nouveaux élus dans le corps épiscopal. » (Lumen Gentium, 21). Et plus loin : « Ce sont eux [les évêques] qui donnent les saints ordres. » (Id, 26).
Le nouveau Catéchisme de l’Eglise catholique porte certes que les évêques « confèrent validement les trois degrés du sacrement de l’ordre. » (N° 1576). Mais l’article cité est rédigé de telle sorte qu’il ne dirime pas le débat de savoir s’ils sont bien les seuls à pouvoir le faire, même par exemple en cas d’extrême nécessité, ou par exception.
Pourtant la tradition de l’Eglise, comme nous l’avons vu, a toujours été unanime à réserver l’ordination aux seuls évêques, et c’est même cela qui les distingue d’une manière décisive des simples prêtres. C’était déjà l’opinion des Pères de l’Eglise des IVe, Ve, siècles, quand on a commencé à méditer systématiquement sur ces questions un peu délicates d’ecclésiologie. « Quid enim facit excepta ordinatione episcopus, quod presbyter non facit ? » « Que fait l’évêque, en effet, exceptée l’ordination, que ne fasse le prêtre ? » Ainsi s’exprimait saint Jérôme dans sa lettre CXLVI. Et saint Jean Chrysostome : « C’est seulement par la chirotonie [l’imposition des mains] que [les évêques] montrent qu’ils ont surpassé et c’est seulement par elle qu’ils l’emportent sur les prêtres. » (Sur 1 Tm, 11). (Ces deux dernières citations sont extraites de l’ouvrage récent du métropolite Jean de Pergame : « L’Eucharistie, l’Evêque et l’Eglise durant les trois premiers siècles. » Pages 203-204).
Bien avant Jérôme et Jean Chrysostome, c’était déjà l’avis de saint Hippolyte de Rome, clairement exposé dans cette fameuse Tradition apostolique (8), que nous avons déjà invoquée : « Super praesbyterum autem etiam praesbyteri superimponant manus propter communem et similem cleri spiritum. Praesbyter enim huius solius habet potestatem ut accipiat, dare autem non habet potestatem. » « Mais sur le prêtre que les prêtres, également, imposent les mains, à cause de l’Esprit commun et semblable de la charge. Le prêtre en effet, de lui seul, a le pouvoir de le recevoir mais il n’a pas le pouvoir de le donner. » Le prêtre participe à l’ordination presbytérale avec l’évêque, mais il ne possède pas le charisme de la conférer lui-même. C’est cet usage qu’on a toujours observé spontanément dans l’Eglise depuis la plus haute antiquité.
Cette conviction de saint Hippolyte de Rome, qui se vérifie dans toutes les traditions liturgiques, touche, à mon sens, à l’essence même de l’épiscopat, à sa définition théologique. On ne voit pas en effet à quoi servirait l’évêque si les prêtres pouvaient le remplacer dans cette fonction, même à titre exceptionnel. L’ordre épiscopal en lui-même serait nié dans sa spécificité propre.
Quelques tentatives dans ce sens se sont produites, au cours de la longue histoire de l’Eglise, notamment en Egypte, au IVe siècle, au moment de l’émancipation des chrétiens. De simples prêtres ont voulu usurper le pouvoir d’ordonner les clercs supérieurs. Mais ces prétentions ont été sévèrement réprimées par la hiérarchie. Les conciles n’ont même pas eu à légiférer en cette matière tant la chose paraissait acquise.
On peut conclure de ce débat que seul l’évêque, l’évêque validement ordonné, détient de droit divin le pouvoir d’ordonner les évêques, les prêtres et les diacres. Et que c’est en cela que réside l’essence même de l’épiscopat, ou tout au moins que telle est sa fonction propre et irremplaçable dans l’Eglise. Ce qui fonde sa spécificité.
7°) Le mariage
Quant au mariage chrétien, ce sacrement étant de par sa nature même un contrat entre baptisés, il ne requiert pas de soi la présence de l’évêque, ni même celle du prêtre, pour être validement conclu. Il reste cependant soumis, comme tous les actes importants de la vie chrétienne, à la législation de l’Eglise et comme tel il relève, d’une façon indirecte, de la juridiction épiscopale. Saint Ignace d’Antioche recommandait ceci aux chrétiens de son temps : « Il convient aussi aux hommes et aux femmes qui se marient, de contracter leur union avec l’avis de l’évêque, afin que leur mariage se fasse selon le Seigneur et non selon la passion. Que tout se fasse pour l’honneur de Dieu. » (Lettre à Polycarpe, V, 2). On sait que dans l’Eglise catholique, depuis le concile de Trente, il est obligatoire pour la validité de se marier devant l’ordinaire (l’évêque) ou le curé de la paroisse, ou leur représentant, et devant au moins deux témoins, sauf les cas d’impossibilités. Aujourd’hui, la faculté de présider les mariages est étendue à tous les prêtres qui sont responsables du secteur concerné. Leur délégué peut d’ailleurs être un prêtre ou un diacre. Dans l’Eglise d’Orient on considère que l’évêque, ou le prêtre célébrant, est le ministre du sacrement de mariage.
Tous les sacrements dépendent donc d’une manière médiate ou immédiate du ministère de l’évêque. Mais au sens strict la présence de l’évêque ordonné est requise seulement pour l’ordination de l’évêque, du prêtre et du diacre. C’est par le truchement du sacrement de l’ordre, et donc par la succession épiscopale, que se transmettent depuis les apôtres jusqu’à nous tous les sacrements qui relèvent de la sphère presbytérale proprement dite : la confirmation, l’eucharistie, la pénitence, l’onction des malades et l’ordre lui-même.
Pour autant la consécration des évêques n’a pas seulement pour finalité l’administration des sacrements. Elle intéresse le ministère épiscopal dans toute son étendue, et par son intermédiaire toute la vie de l’Eglise.
C’est une nouvelle Pentecôte.
La consécration épiscopale revêt l’aspect d’une nouvelle Pentecôte dans laquelle l’évêque, qui est ordonné, reçoit une nouvelle effusion de l’Esprit afin de paître et d’enseigner son peuple.
Certes le nouvel élu avait, comme tous les autres chrétiens, accueilli la grâce sanctifiante et l’inhabitation en lui des Trois Personnes divines le jour de son baptême.
Certes l’impétrant avait reçu les sept dons de l’Esprit Saint le jour de sa confirmation.
Certes, il avait au préalable revêtu les ordres sacrés du diaconat et du presbytérat. Et il avait été habilité par eux à un ministère particulier et subordonné dans l’Eglise.
Mais le jour de son ordination épiscopale il bénéficie d’une effusion plénière de l’Esprit Saint pour devenir parmi nous à la place du Christ le grand-prêtre de la nouvelle Alliance, offrant le sacrifice nouveau et définitif.
Il est constitué Chef, Pasteur et Docteur pour enseigner, sanctifier et diriger son peuple à la place des apôtres.
Il devient successeur des apôtres.
Il succède aux apôtres dans leur charge. Appelé à cette haute fonction dans l’Eglise de Dieu en vertu de son titre, le jour de son élection ou de sa nomination, il reçoit en vertu de son ordination la capacité ou le charisme de l’accomplir. Il en recevra bientôt, et peut-être à l’instant même, la mission effective sur une portion déterminée du peuple de Dieu, au moment de son intronisation ou de sa prise de fonctions.
Agrégation au collège épiscopal
Il est agrégé au collège épiscopal. Sans doute, d’un point de vue strictement catholique ou canonique, il n’est vraiment agrégé au collège épiscopal que s’il se trouve en communion hiérarchique avec le pape, successeur de saint Pierre. En tous les cas, il l’est de droit, sinon entièrement de fait. Il en acquiert, de par son ordre même, la capacité. De cette agrégation, il avait reçu la vocation officielle au moment de sa nomination, avec le titre d’évêque élu (ou nommé). Il obtient ce jour ce privilège par l’imposition des mains. Le concile Vatican II a souligné ce point avec tant de force qu’il y a peu à y ajouter. (Cf. Lumen Gentium, 21--22).
Le nouveau pasteur portera désormais le souci de toutes les Eglises en union avec les autres pasteurs ses collègues, et en union avec le pape de Rome, tête du collège et chef (visible) des pasteurs.
Sa visée missionnaire s’étendra à l’ensemble de l’humanité et il aura à cœur de collaborer à l’évangélisation du monde.
Il acquiert ce jour-là un charisme certain d’enseignement et de gouvernement au profit de l’Eglise toute entière. Il aura dorénavant vocation de participer aux assemblées épiscopales, aux synodes, aux conciles soit de son Eglise régionale, soit de l’Eglise universelle.
Avec le collège entier, il hérite du dépôt de la foi et de la morale, conservé dans les traditions tant orientales qu’occidentales. Il prend en charge comme d’un bien propre et il assume la constitution divine de l’Eglise et ses sacrements, la Bible, la Tradition apostolique et tout l’enseignement du magistère porté avant lui.
Il lui appartiendra de développer authentiquement cet héritage, non pas par l’adjonction d’une nouvelle révélation, car la révélation est close depuis la mort du dernier apôtre, (probablement saint Siméon, frère du Seigneur,deuxième évêque de Jérusalem, vers l’an 107 ; cf. Eusèbe de Césarée : Histoire ecclésiastique, III, 32), mais par l’adaptation dudit héritage aux temps et aux lieux, et par l’exploitation de toute les richesses qui y sont contenues.
Le nouvel évêque pourra lui-même agréger de nouveaux membres.
Le nouvel évêque aura désormais la charge d’agréger de nouveaux membres au collège épiscopal. Et ceci, quand on y songe, représente une responsabilité redoutable. Car, à supposer qu’il devienne lui-même schismatique, les évêques qu’il créerait à sa suite, pour perpétuer sa doctrine, seraient de véritables évêques, membres de droit (sinon de fait) de par leur sacerdoce même, du collège épiscopal successeur du collège apostolique. Ce qui reviendrait à fonder une nouvelle Eglise.
Sainteté personnelle de l’évêque.
Par le fait de la consécration épiscopale, l’impétrant acquiert, s’il collabore à la grâce, une sainteté personnelle qui le configure au Christ prêtre et chef. Les auteurs spirituels anciens enseignaient volontiers que le sacrement de l’ordre, reçu dans son degré suprême, revêt le bénéficiaire d’un état de perfection. C’est là l’origine, ou la justification, de tous ces titres d’honneur dont on affuble volontiers les hiérarques : Sa Sainteté, Sa Béatitude, Son Excellence, Sa Grandeur, … En tous les cas l’office dont il est investi est saint. Nonobstant ce fait, le nouveau Catéchisme de l’Eglise catholique observe avec réalisme : « Cette présence du Christ [que l’on doit reconnaître] dans le ministre ne doit pas être comprise comme si celui-ci était prémuni contre toutes les faiblesses humaines, l’esprit de domination, les erreurs, voire le péché. » (N° 1550).
L’ordination exige une préparation adéquate.
La consécration épiscopale réclame de l’ordinand (celui qui reçoit l’ordre), aussi bien que des ordinants (ceux qui le confèrent), une préparation adéquate. « Ils leur désignèrent des prêtres dans chaque Eglise, et, après avoir fait des prières accompagnées de jeûnes, ils les confièrent au Seigneur en qui ils avaient mis leur foi. » (Ac 14,23). Ce qui paraissait utile du temps des apôtres et de l’ordination des premiers prêtres, en Asie mineure, l’est tout autant aujourd’hui pour la consécration des évêques. C’est pourquoi il est recommandé aux clercs, et même aux laïcs, qui vont participer à la cérémonie d’ordination de s’y préparer par des jeûnes, par des prières, par des temps de retraite.
Grâces qui leur sont imparties en vue de la juridiction proprement dite, en vue du pastorat.
A parler clair, la consécration n’attribue pas par elle-même la juridiction. Car aussi bien un évêque ordonné peut se trouver momentanément, ou définitivement, privé de toute juridiction effective : prenons seulement le cas d’un évêque parti en retraite, ou encore d’un évêque déposé par l’autorité supérieure. Nonobstant, de soi, l’ordination concède à celui qui en bénéficie les pouvoirs surnaturels et la grâce nécessaires pour l’exercice effectif d’un ministère pastoral déterminé. Tel évêque, même si plus tard il devait être transféré ailleurs, ou privé de juridiction, s’entend nommément ordonné pour tel siège, pour tel diocèse, pour tel dicastère, pour telle autre mission dans l’Eglise… Songeons par exemple au cas d’un nonce apostolique ordonné évêque afin de représenter le Saint Siège dans tel pays déterminé. Certes il se voit nommé évêque titulaire d’un siège fictif, mais sa mission concerne bien le pays en question.
L’ordination s’effectue très normalement après l’élection légitime à tel siège épiscopal. Elle est due à l’évêque élu. Elle lui confère d’en haut la grâce et les pouvoirs spirituels, inhérents à l’exercice de sa charge.
Bref résumé des paragraphes précédents.
L’ordination peut s’entendre comme un véritable adoubement donné de la part de l’Esprit Saint.
Le concile Vatican II, mettant fin à une controverse stérile, qui sévissait depuis le moyen âge parmi les théologiens catholiques, a très heureusement professé la sacramentalité de l’épiscopat. (Cf. Lumen Gentium, 21). Le même concile a quasiment défini que l’épiscopat est l’ordre suprême, qu’il imprime dans l’âme du récipiendaire un caractère propre et ineffaçable, inaliénable, et qui n’est autre que la plénitude du sacrement de l’ordre. Citons ses paroles mémorables : « La Tradition qui s’exprime surtout par les rites liturgiques et par l’usage de l’Eglise, tant orientale qu’occidentale, montre à l’évidence que par l’imposition des mains et les paroles de la consécration, la grâce de l’Esprit Saint est donnée et le caractère sacré imprimé, de telle sorte que les évêques, d’une façon éminente et visible, tiennent la place du Christ lui-même, maître, pasteur et pontife, et jouent son rôle. » (L. G., 21).
Peut-être n’est-ce pas là une définition dogmatique proprement dite, car une note jointe à la Constitution dont nous parlons (Lumen Gentium) précise : « Compte tenu de l’usage des conciles et du but pastoral du Concile actuel, celui-ci ne définit comme devant être tenus par l’Eglise que les seuls points concernant la foi ou les mœurs qu’il aura clairement déclarés tels. »
Nonobstant, si ce n’est pas une définition de foi, ç’en est très proche, et l’on ne voit pas comment les théologiens pourraient revenir sur ce litige. Le débat semble clos.
On devine comment les théologiens médiévaux, à commencer par les plus grands, comme Saint Thomas d’Aquin, s’étaient laissés obnubiler par le chiffre sept ; dès l’instant qu’ils comptaient 4 ordres mineurs, à savoir : portiers, lecteurs, exorcistes, acolytes, et 3 ordres majeurs, à savoir : sous-diacres, diacres et prêtres, la liste leur semblait complète et le nombre parfait. D’autre part ils considéraient surtout dans le sacerdoce le pouvoir d’offrir le saint sacrifice de la messe, déjà détenu par le simple prêtre, et l’on ne voyait pas ce que l’épiscopat pouvait lui ajouter d’essentiel, sinon une simple sanctification personnelle destinée à l’accomplissement de tâches plus administratives. Dès lors on avait tendance à ravaler l’épiscopat au rang d’un simple sacramental (au lieu d’un sacrement). Un sacramental comme pouvait l’être la consécration d’un roi de France par exemple.
Vatican II a donc réagi avec bonheur et sagesse contre ces déviations qu’il était difficile, au demeurant, de combattre, pour le théologien en l’absence de déclarations explicites du magistère.
Ce que le concile n’a pas défini, c’est la nature exacte de ce pontificat, cet ordre suprême, et ce qui le distingue réellement du presbytérat.
Néanmoins nous avons pu le déduire de l’usage constant de l’Eglise et de ce qui fut son enseignement ordinaire, depuis sa fondation...