Note 70

La Diaconie dans l’Eglise antique.

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Sommaire :

1. Le Nouveau Testament et les origines de la diaconie.

2. La diaconie dans l’Eglise post-apostolique.

 

1. Le Nouveau Testament et les origines de la diaconie.

 

Jésus-Christ fut le premier des diacres. Quantité de paroles, ou de scènes, évangéliques nous reviennent en mémoire.  « Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (Mc 10,45). « Et moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Lc 22,27). « Puis il [Jésus] met de l’eau dans un bassin et il commença à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. » (Jn 13,5). Etc.…

Mais Jésus a donné à ses disciples la consigne de prendre sa suite. Selon moi, théologien privé (et peut-être abusif), c’est au moment du lavement des pieds, justement, au cours de son dernier repas, que Jésus a ordonné diacres ses apôtres, avant même de les ordonner prêtres par la parole bien connue, au moment de l’Institution de l’Eucharistie : « Faites cela en mémoire de moi. » (Lc 22,19 ; 1 Co 11,24).

Il fallait qu’ils fussent d’abord diacres, ou serviteurs, avant d’accéder aux saints mystères. C’est pourquoi le Seigneur dit à Pierre, qui hésitait à se laisser laver les pieds : « Si je te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. » (Jn 13,8). C’est-à-dire tu n’auras point part à mon banquet eucharistique, tu ne participeras pas aux saints mystères que je vais célébrer, et même que je vais vivre dans ma passion.

C’est pourquoi le Christ, au début de son dernier repas, ayant repris ses vêtements, déclarait à ses apôtres : «Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous. » (Jn 13,12-15).

C’était un exemple, mais c’était aussi un ordre. Ses paroles étaient efficaces. A travers elles, il les instituait officiellement serviteurs, à sa suite et à son exemple. Serviteurs, autrement dits diacres.

Le diaconat, c’est la charité fraternelle en action, à la suite du Maître et dans le prolongement de son ministère. C’est la communauté du Christ toute entière qui se fait Bon Samaritain, à l’égard des plus proches d’abord, puis à l’égard de tous les hommes. Ce sont les bras du Christ qui, à travers nous, se penchent vers l’humanité en détresse.

Les apôtres, même s’ils furent diacres et prêtres dès la Sainte Cène, je ne dis pas le Jeudi Saint car, pour moi, Jésus a célébré sa dernière Pâque dès le Mardi Saint au soir, ne recevront la plénitude du sacerdoce qu’au moment de la Pentecôte. C’est seulement à partir de cet événement-là, qu’ayant reçu le Saint-Esprit, ils pourront eux-mêmes le communiquer aux autres au moyen de l’imposition des mains. C’est seulement au jour de la Pentecôte que l’Eglise du Christ sera pleinement constituée et instituée. C’est d’ailleurs en ce jour-là que l’on fête traditionnellement la naissance de l’Eglise. 

Les apôtres ont reçu en trois étapes, inscrites dans les Ecritures, ce que nous appelons aujourd’hui le sacrement de l’Ordre. Ils vont eux-mêmes transmettre à leurs successeurs, en trois étapes distinctes, en trois gestes séparés, dans le même ordre qu’ils les ont reçus, les trois degrés du sacrement de l’ordre : la diaconie d’abord, puis le presbytérat, puis l’épiscopat.

Relisons pour cela les Actes des Apôtres. Chapitre 6. « En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, il y eut des murmures chez les Hellénistes contre les Hébreux. Dans le service quotidien, disaient-ils, on négligeait leurs veuves. Les Douze convoquèrent alors l’assemblée des disciples et leur dirent : ‘Il ne sied pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les préposerons à cet office ; quant à nous, nous resterons assidus à la prière et au service de la parole.’ La proposition plut à toute l’assemblée, et l’on choisit Etienne, homme rempli de foi et de l’Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d’Antioche. On les présenta aux apôtres et, après avoir prié, ils leur imposèrent les mains. » (Ac 6,1 – 6).  

Remarquons que dès le verset 6,1 les frères sont désormais appelés disciples. Nouvelle manière de s’exprimer qui est l’indice d’une nouvelle source utilisée par Luc, l’auteur des Actes. Ici, cette nouvelle source n’est pas difficile à identifier, puisqu’il s’agit manifestement du témoignage oral – ou peut-être même écrit, dans certaines sections,  - du diacre Philippe, l’un des Sept qui est nommé dans cette péricope, et qui rencontrera Luc bien plus tard. (Cf. Ac 21,8).

Dans la toute première Eglise de Jérusalem, manifestement, les apôtres exerçaient par eux-mêmes la diaconie. Qu’est-ce à dire ? C’était d’abord, nous le voyons, le service interne de la communauté, spécialement des membres les plus vulnérables, les veuves, les indigents, les orphelins. Ils le faisaient à la suite et à l’exemple du Christ, qui lui-même s’était comporté comme celui qui sert.

Mais un jour, la communauté s’agrandissant, ils n’ont plus suffi à la tâche. Des murmures se sont élevés. C’est là qu’on décide, sur la proposition du ‘leader’, saint Pierre, de choisir sept hommes pour le service des tables. Ce seront les premiers ‘diacres’, même si les Actes des Apôtres ne les désignent jamais de ce nom-là.

Après des prières, les Douze ordonnent les Sept en leur imposant les mains. On a là le premier récit d’ordination qui nous soit parvenu. Le nombre Douze faisait sans doute allusion aux douze tribus d’Israël, car l’Eglise est le nouvel et définitif Israël, destiné à se substituer à l’ancien. Les Sept, eux, font allusion aux sept peuplades païennes qui peuplaient autrefois Canaan. (Cf. Dt 7,1 ; Ac 13,19). Car les Sept, outre leur vocation de service, héritent aussi très tôt d’une mission d’évangélisation. Ils seront les évangélistes, les lecteurs et les propagateurs de l’évangile, par état et par fonction.

Je soupçonne même, pour ma part, le diacre Philippe d’avoir réécrit et publié l’évangile selon saint Matthieu, notre premier évangile donc, après sa rencontre avec Luc, compagnon de Paul, qui lui aussi, de son côté, écrivait le sien. En tous les cas Philippe est nommé en Ac 21,8 « Philippe l’évangéliste », comme qui dirait l’évangéliste par excellence, le spécialiste de l’évangile.

Le concept de diaconie, donc, pris à sa source, se révèle très vaste puisqu’il contient même l’envoi en mission, la prédication et la propagation de l’évangile.

De fait dès l’ordination des premiers diacres, dans les Actes des Apôtres, nous voyons ceux-là entreprendre une vaste mission d’évangélisation à travers la Palestine, et non pas seulement servir aux tables.

C’est Etienne, le protodiacre, qui faisait le premier parler de lui. « Rempli de grâce et de puissance, il opérait de grands prodiges et signes parmi le peuple. » (Ac 6,8).  Les gens de la synagogue ne pouvaient le supporter. Et c’était l’occasion de la première persécution qui sévissait contre l’Eglise de Jérusalem. Etienne devenait le premier martyr. Un nommé Saul ravageait l’Eglise. Philippe, devenu le premier des diacres après la mort d’Etienne, évangélisait la Samarie. Paul, le persécuteur, se convertissait à son tour, et évangélisait Damas.

En poursuivant notre lecture des Actes des Apôtres, nous voyons apparaître autour des apôtres des Anciens, ou presbytres, ou prêtres (cf. Ac 11,30). Sur ce modèle, Barnabé et Paul au cours de leurs missions instituaient des presbytres, au sein des communautés nouvelles qu’ils fondaient dans la diaspora (cf. Ac 14,23). Les Anciens participèrent au concile de Jérusalem (cf. Ac 15,4), et prirent part aux décisions (cf. Ac 15,23). Nous apprendrons dans les épîtres pastorales de saint Paul que lesdits Anciens étaient ordonnés par l’imposition des mains des apôtres, ou de leurs délégués (cf. 1 Tm 5,22).

Enfin dans son discours d’adieu aux Anciens d’Ephèse Paul, toujours dans les Actes, leur recommandait : « Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis évêques pour paître l’Eglise de Dieu. » (Ac 20,28). Ces Anciens étaient donc les évêques de la région d’Ephèse   C’est la seule fois, je pense, que le mot d’ ‘évêque’ apparaît dans les Actes des Apôtres. Mais dans la première à Timothée, nous voyons nettement distinguées les fonctions de l’‘évêque’, au singulier (cf. 1 Tm 3, 1-7), des prêtres, au pluriel (cf. 1 Tm 5,17-22), et des ‘diacres’, au pluriel (cf. 1 Tm 3,8-13).

Ces trois fonctions ecclésiales sont mentionnées, en réalité, par Paul dans l’ordre suivant : ‘évêque’, ‘diacres’ et ‘prêtres’. Car les diacres, adjoints directs de l’évêque, se voyaient préposés au ‘service’, au sens large, de toute la communauté. L’évêque exerçait la direction et la présidence, tandis que les prêtres assumaient surtout une fonction d’enseignement, ou de conseil. Mais ledit évêque faisait lui-même parti du collège des Anciens, ou prêtres.  Quand on parle du collège des Anciens, ou tout simplement des Anciens d’une Eglise, il faut bien avoir à l’esprit que l’évêque est compris dedans.

Les diaconesses, que mentionne incidemment le Nouveau Testament (cf. Rm 16,1 ; 1 Tm 3,11), étaient l’équivalent féminin des diacres. Mais il ne semble pas qu’elles remplissaient des fonctions proprement liturgiques. Elles n’en disposeront pas, en tout cas, dans l’avenir.

La diaconie (la fonction de diacre) était donc fortement hiérarchisée et organisée dans l’Eglise apostolique. Elle faisait partie intégrante de la constitution divinement instituée de l’Eglise. On n’envisageait pas l’Eglise sans sa diaconie. C’eût été comme un corps sans bras, ou sans jambes, ou sans yeux. Depuis l’antiquité on a plutôt régressé sur ce modèle organisationnel (si je puis dire). Même les réformes, pourtant bienvenues, du Concile Vatican II n’ont pas encore rétabli dans l’Eglise le modèle originel de la diaconie dans toute sa plénitude.

Aujourd’hui encore on parle beaucoup de diaconie, ou de diakonia (en grec). On entend par là, généralement, l’ensemble des services caritatifs, ou sociaux, d’une Eglise, ou d’un diocèse. Mais cette diaconie-là n’est pas encore structurellement, hiérarchiquement, imbriquée dans l’organigramme de l’Eglise. Ou bien elle ne l’est que de façon adventice, si je puis dire. Il faudrait que les diacres, limités à sept autant que possible et bien sûr astreints au célibat comme les prêtres, assument directement, au nom de l’évêque, la responsabilité de toutes les fonctions caritatives, ou administratives, dans l’Eglise ou le diocèse en question. Dans le même temps ces diacres devraient être en charge des fonctions proprement missionnaires de ladite Eglise, devenir des préposés à l’évangélisation.

L’apôtre Paul, par lui-même ou par d’autres, n’a pas cessé d’exercer la diaconie ou service de toutes les Eglises. Nous l’observons surtout à propos de la grande collecte qu’il a organisée à plusieurs reprises au profit de l’Eglise-mère de Jérusalem, qui était en difficulté. Il est question de cette collecte tout au long des Actes et dans plusieurs épîtres. (Cf. Ac 11,29-30 ; 24,17 ; Rm 15,25-28 ; Ga 2,10 ; 1 Co 16,14 ; 2 Co 8-9). On pourrait dire que saint Paul a inventé, avant l’heure, le Secours Catholique. Il a transporté lui-même à Jérusalem des fonds considérables. Ce n’est là qu’un exemple, mais il est énorme, de cette diaconie en actes qui est présente dans tout le Nouveau Testament.

Récapitulons notre propos : toute l’Eglise apostolique se voulait diaconale, c’est-à-dire service du prochain. Mais il existait un ordre dans sa hiérarchie, spécialement instauré pour l’exercer en son nom, c’était l’ordre des diacres.

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2. La diaconie dans l’Eglise post-apostolique.

Les Pères de l’Eglise, ou les documents, de l’âge post-apostolique nous présentent la fonction diaconale surtout sous son aspect liturgique.

Saint Clément de Rome dès la fin du premier siècle, puis saint Ignace d’Antioche, dès le début du second, insistent lourdement sur l’aspect hiérarchique de l’Eglise, son organisation quasi militaire. Saint Clément compare ouvertement l’Eglise de Dieu à l’armée romaine, modèle hiérarchique s’il en fut. Puis ensuite il compare sa constitution à la constitution tripartite du sacerdoce lévitique : grand prêtre, prêtres et lévites. Il insinue que le sacerdoce chrétien, avec ses trois composantes, est bâti sur le même modèle : évêque, presbytres et diacres. Saint Ignace d’Antioche, quant à lui, nous parle expressément de cette hiérarchie à trois niveaux. Sur tous les tons, il exhorte les fidèles à lui être soumis.

« Je vous en conjure, ayez à cœur de faire toute chose dans une divine concorde, sous la présidence de l’évêque qui tient la place de Dieu, des presbytres, qui tiennent la place du sénat des apôtres, et des diacres qui me sont si chers, à qui a été confié le service (diakonia) de Jésus-Christ, qui avant les siècles était auprès de Dieu et s’est manifesté à la fin. » (Ignace d’Antioche, Lettre aux Magnésiens, VI, 1) .

Polycarpe de Smyrne, dans sa lettre aux Philippiens insiste sur cette idée de service sacré, et non pas simplement matériel, des diacres : « Que les diacres soient sans reproche devant sa justice [celle de Dieu] : ils sont les serviteurs de Dieu et du Christ, et non des hommes : ni calomnie, ni duplicité, ni amour de l’argent ; qu’ils soient chastes en toutes choses, compatissants, zélés, marchant selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur (diakonos) de tous. » (Saint Polycarpe, seconde lettre aux Philippiens, V, 2).

Les Constitutions Apostoliques, que l’on date de l’an 380 environ, nous décrivent longuement la synaxe eucharistique telle qu’on la célébrait de leur temps en Syrie. Si l’évêque présidait, comme il se doit, le diacre ou, en second, la diaconesse prenaient une grande part dans le déroulement de l’action liturgique.

« Quant à toi, l’évêque… lorsque tu rassembles l’Eglise de Dieu, exige, comme le pilote d’un grand navire, que les assemblées se tiennent avec grande discipline, et commande aux diacres, comme à des matelots, d’assigner leurs places aux frères, comme à des passagers, avec grand soin ou dignité. Et d’abord, la maison sera oblongue, tournée vers l’Orient, avec les sacristies de chaque côté, vers l’Orient ; elle ressemblera à un navire. Au milieu sera placé le trône de l’évêque ; de part et d’autre s’assiéra le presbyterium ; les diacres les assisteront, alertes et en habit ample, car ils correspondent aux matelots et aux maîtres d’équipage. Ils veilleront à ce que les laïcs s’asseyent dans l’autre partie, avec grande discipline et dans le calme, les femmes à part ; qu’elles aussi s’asseyent en gardant le silence. » (C.A. II, 57,1-4).

« Les portiers se tiendront près des entrées des hommes pour les surveiller et les diaconesses près des entrées des femmes, comme des matelots chargés des voyageurs, car on suivait le même modèle dans la Tente du témoignage. » (C.A. II, 57, 10).

Les hommes et les femmes étaient séparés, on le voit, dans l’assemblée. Les diacres veillaient sur les hommes tandis que les diaconesses, comme il était naturel, veillaient sur les femmes et les jeunes enfants.

Le diacre assistait le pontife à l’autel, assurait les lectures, exhortait le peuple, présentait les offrandes puis distribuait l’eucharistie aux fidèles. Les diaconesses n’exerçaient pas de fonction proprement liturgique, n’ayant pas accès à l’autel.

Dans l’administration du baptême, également, il était nécessaire qu’il y eût des diacres pour dévêtir les hommes puis les revêtir de la tunique blanche, et des diaconesses qui remplissaient le même office à l’égard des femmes.  

En dehors de la liturgie, les diacres comme les diaconesses avaient le soin quotidien des pauvres, des veuves et des orphelins, qui étaient confiés à l’Eglise. Ils le faisaient bien entendu sous la surveillance constante de l’évêque. Ils assuraient le lien entre le peuple et lui. Ils étaient les mains, les yeux et les oreilles de l’évêque. Toute requête à lui adressée devait passer par eux.

Dans les grandes villes comme Rome on fut amené très tôt, pour rendre plus efficace cette diaconie, cette véritable administration caritative, à diviser la ville en secteurs confiés chacun à un diacre. On attribue l’honneur au pape Fabien (pontife du 10 janvier 236 au 20 janvier 250 ; martyr) d’avoir créé le premier les sept diaconies, comme il y avait sept diacres, sans doute en regroupant deux à deux les quatorze régions administratives civiles de la Ville éternelle. D’après le Liber pontificalis, Fabien aurait encore institué sept sous-diacres, pour seconder les diacres.

On sait pertinemment que dès l’époque de son successeur, le pape Corneille (évêque d’avril 251 à juin 253, également martyr), l’Eglise romaine ne comptait pas moins de 46 prêtres, 7 diacres, 7 sous-diacres, 42 acolytes, 56 exorcistes, lecteurs et portiers. Toute une administration, il faut le dire, liturgique aussi bien que caritative, s’était mise en place.

Terminons cette étude sur la place de la diaconie dans l’Eglise primitive, en citant cette évocation de la passion de saint Laurent diacre :

« Saint Laurent fut l'un des plus illustres martyrs de l'Église. Ses vertus, son mérite, lui gagnèrent l'affection du Pape Sixte II, qui le choisit comme son premier diacre.

« L'an 258, le Pape fut arrêté et condamné à mort. Comme on le conduisait au supplice, Laurent, son diacre, le suivait en pleurant : « Où allez-vous, mon père, disait-il, sans votre fils ? Où allez-vous, saint Pontife, sans votre diacre ? Jamais vous n'offriez le sacrifice sans que je vous servisse à l'autel. En quoi ai-je eu le malheur de vous déplaire ? » Le saint Pape, ému, lui dit : « Je ne vous abandonne point, mon fils ; une épreuve plus pénible et une victoire plus glorieuse vous sont réservées ; vous me suivrez dans trois jours. » Puis il lui ordonna de distribuer aux pauvres tous les trésors de l'Église, pour les soustraire aux persécuteurs : mission que Laurent accomplit avec joie.

« Le préfet de Rome, à cette nouvelle, fit venir Laurent et lui demanda où étaient tous les trésors dont il avait la garde, car l'empereur en avait besoin pour l'entretien de ses troupes : « J'avoue, lui répondit le diacre, que notre Église est riche et que l'empereur n'a point de trésors aussi précieux qu'elle ; je vous en ferai voir une bonne partie, donnez-moi seulement un peu de temps pour tout disposer. » Le préfet accorda trois jours de délai.

« Pendant ce temps, Laurent parcourut toute la ville pour chercher les pauvres nourris aux dépens de l'Église ; le troisième jour, il les réunit et les montra au préfet, en lui disant : « Voilà les trésors que je vous ai promis. J'y ajoute les perles et les pierres précieuses, ces vierges et ces veuves consacrées à Dieu ; l'Église n'a point d'autres richesses. - Comment oses-tu me jouer, malheureux ? dit le préfet ; est-ce ainsi que tu outrages en moi le pouvoir impérial ? » Puis il le fit déchirer à coups de fouets. 

« Laurent, après ce supplice, fut conduit en prison, où il guérit un aveugle et convertit l'officier de ses gardes, nommé Hippolyte. Rappelé au tribunal, il fut étendu sur un chevalet et torturé cruellement ; c'est alors qu'un soldat de la garde, nommé Romain, vit un Ange essuyer le sang et la sueur du martyr : « Vos tourments, dit Laurent au juge, sont pour moi une source de délices. » Laurent fut ensuite rôti à petit feu sur un gril de fer, et quand il eut un côté tout brûlé : « Je suis assez rôti de ce côté, dit-il au juge en souriant ; faites-moi rôtir de l'autre. » Bientôt, les yeux au Ciel, il rendit l'âme. » (Citation de : Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.)

On a là une belle illustration de ce que représentait la diaconie dans l’Eglise des premiers siècles : service de Dieu d’abord, service de l’Eglise en la personne du pontife, service des pauvres, des vierges, des veuves, des orphelins etc.… tous ces faibles dont la communauté chrétienne prenait en priorité la charge.

J’ai trouvé sur un blog, je ne sais plus lequel, cette formule qui résume bien ce que j’ai voulu dire : la diaconie, dans l’Eglise primitive, n’était autre que le ministère de la charité.

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