Luc semble avoir demeuré en Macédoine de l’an 50 à l’an 57
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L’évangéliste, et compagnon de Paul, Luc, semble être resté en Macédoine de l’an 50 à Pâque 57, soit près de huit années. Peut-être même résida-t-il plus précisément dans la ville de Philippes.
D’après le Codex Bezae, et les témoins du texte occidental, Luc aurait rencontré Paul à Antioche dès 43-44. Il serait ainsi, comme le veut la tradition (peut-être tirée de cette lecture du T.O.), originaire d’Antioche. (Cf. Ac 11,28 T.O. : premier « nous » des Actes, dans le texte occidental).
Ensuite Luc aurait suivi Paul, au cours du 2e voyage apostolique, en 50, de Troas à Philippe. 1 ère section « nous » des Actes, dans le texte reçu : 16,10-17.
Vers fin 56, Paul, toujours en Macédoine, semblait envoyer Luc, ou peut-être Marc, (cf. 2 Co 8,18), à Corinthe.
A Pâque (la Pâque juive) 57, Paul retrouvait Luc à Philippes, 2 e section « nous » des Actes dans le texte reçu : 20,5 --- 21,18, au retour de son 3 e voyage apostolique. Luc partagerait désormais le destin de Paul, pendant le voyage en Palestine, au cours de la captivité à Césarée (57-59), lors du voyage mouvementé vers Rome (automne 59), lors de la 1 ère captivité romaine (60-62) et au-delà, lors du 4 e voyage apostolique (62-63), lors de la 2 e captivité romaine (63-64) et peut-être au-delà, dans le martyre à Rome en août 64, car on ignore tout du sort final de Luc, honoré cependant comme martyr dans l’Eglise.
Les hypothèses qui placent la rédaction du 3 e évangile, et des Actes, après l’an 70 sont fantaisistes. Luc, pas plus que les deux autres synoptiques, ne distinguait dans son évangile l’investissement de Jérusalem de la parousie (cf. Lc 20-33) : il ne l’avait pas connu. D’autre part le récit des Actes se suspendait à la fin de la première captivité romaine de Paul : c’est qu’ils furent publiés du vivant de Paul.
Donc Luc semblerait bien avoir séjourné en Macédoine de l’an 50 à l’an 57. Il aurait pu facilement rencontrer l’apôtre Jean, accompagné peut-être de Marie, la mère du Christ (cf. Jn 19,27), et certainement venu en Asie Mineure dès cette époque, car Luc voyageant avec Paul ne le trouverait plus en Palestine, à l’été 57, alors que Jean y demeurait encore en 49, lors du concile de Jérusalem (cf. Ga 2,9).
Ce Jean dut s’installer à Ephèse, mais non dans le port lui-même qui pouvait être considéré comme la « propriété » apostolique de Paul. Jean en effet ne fut jamais évêque d’Ephèse, car cette Eglise resta dans la mouvance de Paul. Dans l’Apocalypse nous voyons Jean, en sa qualité de « prophète » (cf. Ap 1,3), et sans se dire apôtre, envoyer sa vision « A l’ange de l’Eglise d’Ephèse » (Ap 2,1), c’est-à-dire à son évêque, ainsi qu’aux autres évêques de la province d’Asie. Le tombeau de Jean se trouve non pas dans le port (aujourd’hui ensablé), mais bien à quelques kilomètres d’Ephèse, dans la Selçuk moderne, près des ruines de l’ancien temple d’Artémis. Jean devait se considérer comme l’hôte de l’Eglise d’Ephèse, mais il ne pouvait pas se prévaloir d’être son fondateur, ni son maître. Sans aucun doute, il dut jouer un rôle éminent en Asie mineure en tant qu’apôtre du Christ, après la disparition de Pierre, et de Paul lui-même. Remarquons cependant que, par discrétion, il n’a jamais revendiqué le titre d’apôtre, au contraire de Paul : ni dans l’Apocalypse, ni dans l’évangile où il ne se nommait pas, ni dans ses épîtres. Il se faisait connaître simplement comme « Prêtre » (2 Jn 1 et 3 Jn 1) et « Témoin » du Christ (innombrables références : cf. Ap 1,2 etc... ; Jn 19,35 etc... ; 1 Jn 1,1 etc ...).
Au cours de l’enquête préliminaire à la confection de son évangile (cf. Lc 1,1-4) Luc aura pu consulter longuement l’apôtre Jean, et l’interroger. Les affinités entre le 3 e évangile et la littérature johannique sont patentes, et reconnues par les exégètes.
C’est par Jean, peut-être même par Marie, que Luc put connaître les événements relatifs à la naissance et à l’enfance du Christ (cf. Lc 1 et 2). C’est de Marie, directement ou indirectement, qu’il tenait la généalogie de Marie, insérée dans son évangile (cf. Lc 3,23-38). De même Matthieu (Philippe) insérait de son côté la généalogie de Joseph (cf. Mt 1,1-17).
Enfin il a pu recueillir de la bouche de Jean maints de ces détails de la vie publique ou de l’enseignement du Christ qui ne seraient mentionnés que dans son évangile : la visite à Nazareth dès le début du ministère public en Galilée (cf. Lc 4,16-30) ; le miracle de la 1 ère pêche miraculeuse (cf. Lc 5,1-11), occasion de l’appel définitif des apôtres Pierre, Jacques et Jean lui-même ; l’épisode de Zachée à Jéricho (cf. : Lc 19,1-10) et peut-être la longue parabole des mines (cf. Lc 19,11-27) qui lui ferait suite ; les détails sur les derniers jours de Jésus à Jérusalem (cf. 21,37-38) : c’est dans ce contexte de Luc que certains exégètes situeraient volontiers la péricope de la femme adultère, insérée plus tard dans l’évangile de Jean (cf. Jn 7,53 --- 8,11) ; la comparution de Jésus devant Hérode (cf. Lc 23,8-12) dans le cours même de la passion ; la mention de la flagellation (cf. Lc 23,22) comme châtiment préventif de la condamnation à mort et comme moyen de l’éviter, à l’instar de Jean (cf. Jn 19,1) et à la différence de Matthieu (cf. Mt 27,26) et de Marc (cf. 15,15) ; le détail de la conversion du Bon Larron au Golgotha (cf. Lc 23,39-43) ; le récit de Pierre au tombeau (cf. Lc 24,12) au matin de la Résurrection, qui aurait son parallèle seulement dans Jean (cf. Jn 20,2-10) ; le récit des pèlerins d’Emmaüs (cf. Lc 24,13-35) qui lui ferait suite ; des précisions sur les apparitions de Jésus après sa résurrection (cf. Lc 24,36-53) ; sans parler des événements qui marquèrent les débuts de l’Eglise et qui seraient racontés dans les premiers chapitres du livre des Actes. On y verrait Jean tenir une place éminente aux côtés de Pierre.
Avec cet apport probable de Jean, joint à l’évangile de Marc et au proto-évangile araméen de Matthieu (sans doute et dans cet ordre : Lc 6,20 --- 8,3 ; 9,51 --- 18,14 ; 22,30 et qui lui serait transmis par Philippe) nous détenons la quasi totalité de la matière du 3 e évangile. Le processus de sa composition apparaît dès lors clairement.
Bien entendu, on ne peut en tout cela dépasser le niveau de la conjecture, même si c’est une conjecture vraisemblable.