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REPONSE A CESAREE DE PHILIPPE, ET A L’HERMON :

8,27 --- 9,13

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Partie centrale de l’argumentation. (Voir le plan de Marc, en introduction). Il serait répondu à la question primordiale qui se posait au début de celle-ci, dans l’entourage d’Hérode (cf. 6,14-15) : qui donc est Jésus ?

Mais aussi, par le fait, partie centrale et même sommet de tout l’évangile. Sommet au sens propre puisque aussi bien on y gravirait une très haute montagne : probablement l’Hermon ou l’un de ses contreforts, où se ferait la révélation définitive, aux disciples les plus proches, de l’identité véritable de leur compagnon.  

8,27-30. Profession de foi de Pierre.

L’un des nœuds dramatiques du récit. Il en serait de même, d’ailleurs, dans l’évangile de Jean (cf. Jn 6,67-71).

De Bethsaïde on parvenait dans la région de Césarée de Philippe au nord et en dehors de la Galilée, en Trachonitide. Marc (Pierre) avait soin de mentionner qu’on n’entrait pas dans la ville elle-même, mais seulement dans les villages environnants. Sans doute était-elle païenne comme son nom semblait l’indiquer : la ville dédiée à César par Philippe. De même Jésus ne pénétrerait jamais à Tibériade, la capitale d’Hérode en Galilée, sous influence païenne.

On constatait le rôle décisif attribué à Pierre, qui s’exprimait au nom de tout le groupe en prononçant la profession de foi fatidique : « Tu es le Christ » (8,29) qui mettait fin au questionnement. Mais Jésus conseillait encore le silence (cf. 8,30).

La narration de Marc, reproduite par Luc (cf. Lc 9,18-21), se faisait remarquer par sa sobriété. Matthieu (pour moi le diacre Philippe) complétait par d’autres souvenirs de Pierre, recueillis après la Pentecôte (cf. Mt 16,16 b-19), qui intéressaient les fonctions de Pierre comme chef et fondement de l’Eglise. Pierre ne les avait pas usurpées, mais Christ les lui avait confiées.

8,31-33. Première annonce de la Passion.

Elle suivait immédiatement la profession de foi. Jésus était certes le Messie, ou le Christ (cf. 8,29), mais c’était un messie souffrant, autrement dit le Serviteur souffrant d’Isaïe (cf. Is 53), qui serait humilié, rejeté, persécuté. Mais non pas un messie tout de suite triomphant.

Pierre avait bien du mal à accepter cet enseignement, et se faisait vertement rabrouer : « Passe derrière moi, Satan ! Car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (8,33). On appréciait l’humilité de Pierre, et de Marc son interprète, à rapporter cette dure parole.  

L’annonce de la Passion venait donc compléter utilement la profession de foi de Pierre, pour permettre de cerner la véritable personnalité de Jésus.

8,34 --- 9,1. Conditions pour suivre Jésus.

L’analyse littéraire a prouvé que ces quelques versets se situaient (voir le plan en introduction) :

- au centre logique de tout l’évangile : dans la quatrième partie sur sept (authentiques, ou de la main de Marc),

- au centre de l’argumentation, soit : 6,14 à 10,52,

- au centre enfin de la reconnaissance, soit : 8,27 à 9,13. Elle se plaçait en effet entre la profession de foi de Pierre et la Transfiguration du Christ, qui sont les deux révélations majeures de l’évangile de Marc. Elle formait la transition entre les deux.

Cette exhortation du Christ  s’adressait à la foule, et non pas seulement aux disciples ; en effet les conditions pour suivre Jésus se voulaient universelles.

D’autre part, le commentaire suivant placé par Marc dans la bouche de Jésus : « Il en est d’ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance » (9,1) paraissait destiné aux lecteurs ou auditeurs futurs de l’évangile.  Il démontrait nettement que le second évangile fut rédigé bien avant la chute de Jérusalem et du Temple, en 70, car la ruine future de la Cité sainte n’était pas distinguée de la parousie : « Le Royaume de Dieu venu avec puissance. » (9,1).   

Pour suivre effectivement Jésus (la fameuse sequela Christi des mystiques du moyen âge) il ne suffirait pas d’accueillir le Messie glorieux et triomphant. Encore faudrait-il imiter le « Serviteur souffrant », porter sa croix à la suite du Maître.

9,2-8. La Transfiguration du Seigneur.

Six jours après la profession de Pierre, Jésus emmenait Pierre, Jacques et Jean, ses disciples les plus intimes, en même temps sans doute que les plus jeunes et les mieux aguerris, seuls à l’écart sur une haute montagne. Comme nous nous trouvions dans la Trachonitide, au nord d’Israël, il s’agissait sans doute d’un des sommets de l’Hermon.

Cette expédition ressemblait fort à une escalade en règle. Parvenu au sommet, dans ses divagations, Simon-Pierre parlerait même de trois tentes (cf. 9,5). Peut-être avait-on réellement emporté trois tentes pour le bivouac.

Frappé par le mystère, comme par la foudre, Pierre manifestait qu’il n’était pas à la hauteur mystique de l’événement. Mais il gardait son bon sens pratique.

Cette conversation au sommet de Jésus, avec son Père, avec Moïse, avec Elie représentait l’un des sommets de l’évangile. On avait ici la révélation sans équivoque de la filiation divine de Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le ! » (9,7), en même temps que la réalisation plénière de toutes les prophéties, celles de la Torah, avec Moïse, celles des prophètes subséquents, avec Elie. 

Dans sa seconde épître, saint Pierre ne manquerait pas de nous rappeler qu’il fut l’un des témoins privilégiés de cette scène essentielle : « Nous étions avec lui sur la montagne sainte. » (2 P 1,18). Il ferait dire alors à la voix céleste : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur. » (2 P 1,17). Ces mots : « qui a toute ma faveur » nous étaient également transmis par l’évangile de Matthieu (cf. Mt 17,5). Le diacre Philippe avait pu les recueillir de la bouche de Pierre, au temps de la primitive Eglise de Palestine.

9,9-13. Question au sujet d’Elie.

Longues conversations en redescendant de la montagne. On méditait sur l’expérience qu’on venait de vivre. Mais Jésus maintenait la consigne du silence. Les plus importantes révélations faites du vivant de Jésus étaient destinées à n’être manifestées aux hommes qu’après la Résurrection. Mais justement, les trois disciples ne comprenaient pas le mot de résurrection : « se demandant entre eux ce que pouvait signifier ‘ressusciter d’entre les morts’.» (9,10).  C’était bien la preuve que cette anecdote de la Transfiguration ne fut pas récrite dans une perspective postpascale, mais qu’elle conservait toute sa fraîcheur d’origine.  

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