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FINALE : 16,9-20

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16,9-20. Apparitions de Jésus ressuscité.

Même non écrite de la main de Marc, la finale actuelle de l’évangile était ancienne. On en a des attestations dès le second siècle (Tatien, Irénée). Peut-être fut-elle rédigée de la main de Luc, rééditant l’évangile de Marc qui était l’une de ses sources, en même temps qu’il publiait le sien propre, soit à Rome, soit encore en Achaïe, où l’on sait que Luc a fini ses jours. Cette finale serait bien dans sa manière. Elle était pleine de réminiscences lucaniennes, en même temps que de réminiscences johanniques. Luc, en effet, avait pu connaître la tradition représentée par Jean avant même que le quatrième évangile ne fût écrit.

Comme l’évangile de Luc, elle ne mentionnait pas d’apparitions de Jésus en Galilée. Comme la fin de Luc, et le début des Actes, elle évoquait brièvement l’Ascension du Sauveur.

Il semblait infiniment probable, en effet, qu’on devait à Luc une importante activité, non seulement d’écrivain mais encore d’éditeur, au sein de l’Eglise du premier siècle. Peut-être était-ce à lui que nous devions la transmission jusqu’à nous de la majorité des textes de notre Nouveau Testament. Non seulement il était l’auteur reconnu du troisième évangile et des Actes, mais encore c’était probablement lui qui avait conservé, rassemblé puis publié le corpus paulinien, étant le secrétaire fidèle et le compagnon de Paul.  Les dernières épîtres de Paul, les épîtres dites pastorales, porteraient d’ailleurs la trace manifeste, et admise par la critique, de son style. Pourquoi n’aurait-il pas réédité, ou tout simplement édité, en le faisant passer du privé au public, l’évangile de Marc qui était sa source principale sur la vie de Jésus, et qui se prévalait de l’autorité de Pierre ? Les relations de Marc et de Luc, vers la fin de la vie de Paul et dans son entourage, paraissaient certaines (cf. Col 4,10.14 ; 2 Tm 4,11 ; Phm 24).

« Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine… » (16,9). Ces premiers mots parallèles à 16,2 ; Lc 24,1 ; Jn 20,1.

« Il apparut d’abord à Marie de Magdala…» 16,9). Ces seconds mots semblaient résumer la tradition johannique (cf. Jn 20,11-18).

« …dont il avait il avait chassé sept démons  » (16,9) était un rappel de Lc 8,2.

Le matin de Pâques serait à jamais consacré comme l’aube d’une ère nouvelle. Quant à elle, Marie de Magdala, la pécheresse convertie, elle serait à jamais reconnue comme la première bénéficiaire de la Résurrection, et l’évangélisatrice des apôtres.

« Celle-ci alla le rapporter à ceux qui avaient été ses compagnons et qui étaient dans le deuil et les larmes. » (16,10). Parallèle aux récits de Luc (cf. Lc 24,9-10) et de Jean (cf. Jn 20,18).

« Et ceux-là, l’entendant dire qu’il vivait et qu’elle l’avait vu, ne la crurent pas. » (16,11). Parallèle à Lc 24,11 sauf la mention : « et qu’elle l’avait vu ». En effet chez Luc la démarche et les propos étaient rapportés à un premier déplacement de Marie-Madeleine, annonçant seulement la découverte du tombeau vide et le message de l’ange (cf. Lc 24,9-11).

« Après cela, il se manifesta sous d’autres traits à deux d’entre eux qui étaient en chemin et s’en allaient à la campagne. Et ceux-là revinrent l’annoncer aux autres, mais on ne les crut pas non plus. » (16,12-13). Bref résumé, en deux versets, du très long épisode des pèlerins d’Emmaüs (cf. Lc 24,13-35). Toutefois la mention : « on ne les crut pas non plus » (16,13), qui revenait comme un refrain, était originale. D’après Luc, en effet (cf. Lc 24,34), on les aurait crus sur parole, en rapprochant leurs dires d’une apparition toute fraîche du Christ à Simon-Pierre. 

« Enfin il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu’ils étaient à table. » (16,14). C’était l’apparition du soir de Pâques, au cénacle, à Jérusalem, racontée par Luc (cf. Lc 24,36-49) et par Jean (cf. Jn 20,19-23), mais omise par Matthieu, et sans doute aussi absente de la finale perdue de Marc puisque l’ange de Mc 16,7 donnait rendez-vous aux disciples en Galilée.

« Et il leur reprocha leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l’avaient vu ressuscité. » (16,14). Résumé des reproches du Christ à ses apôtres, qu’on trouvait dans Luc (cf. Lc 24,25-26.38-39) et dans Jean (cf. Jn 20,27). Ces reproches étaient préparés, dans la finale actuelle de Marc, par les deux membres de phrase : « ne la crurent pas » (16,11) et « on ne les crut pas » (16,13).

« Et il leur dit : ‘Allez dans le monde entier, proclamez l’évangile à toute la création.’ » (16,15). Sonnait un peu comme la finale de Matthieu (cf. Mt 28,18-20).  Mais rappelons-nous que Luc (auteur probable de cette finale rapportée de Marc) avait bien connu et visité, et sans aucun doute longuement interrogé à Césarée maritime, le diacre Philippe, auteur probable, lui aussi, de notre premier évangile (cf. Ac 21,8 --- 27,2).

« Et voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom ils chasseront les démons, ils parleront en langues nouvelles, ils saisiront des serpents, et s’ils boivent quelque poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux infirmes et ceux-ci seront guéris. » (16,17-18). Excellent abrégé des Actes des Apôtres, par l’auteur même de ces Actes ! Derrière chaque membre de phrase, on pourrait trouver des références, des allusions. On songeait surtout à l’évangélisation de la Samarie par le diacre Philippe (cf. Ac 8,4-8) et aux signes qui l’accompagnaient. On songeait à saint Paul débarquant sur l’île de Malte (cf. Ac 28,3-6.8-9), mordu par le serpent, saisissant le serpent sans dommage, imposant les mains au père du premier de l’île et guérissant de nombreux malades.

« Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s’assit à la droite de Dieu. » (16,19). Aucune distance ne paraissait marquée dans ce texte entre la première apparition du Christ aux disciples, et son Ascension. Le récit semblait donc comme télescopé. Mais il en était ainsi dans l’évangile de Luc (cf. Lc 24,36-53). Ce serait seulement par les Actes, qui avaient pourtant le même auteur que le troisième évangile, que nous apprendrions l’intervalle de 40 jours qui avait séparé la Résurrection du Christ de son Ascension dans le ciel (cf. Ac 1,3).

Le Christ s’était donc assis « à la droite de Dieu » (16,19) selon qu’il l’avait lui-même prophétisé devant le Sanhédrin qui le condamnait (cf. Mt 26,64 ; Mc 14,62 ; Lc 22,69). C’était aussi  la réalisation de la prophétie contenue dans le psaume 110 : « Oracle de Yahvé à mon Seigneur : Siège à ma droite. » (Ps 110,1). Ce même psaume 110 que Pierre, d’après les Actes, citerait le jour de la Pentecôte lors de son premier discours à la foule (cf. Ac 2,34-35). Etienne, au moment de son martyre, toujours d’après les Actes, contemplerait aussi le Fils de l’homme « à la droite de Dieu », mais il le verrait « debout » (cf. Ac 7,56).

« Pour eux, ils s’en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l’accompagnaient. » (16,20). Cette évangélisation universelle, accompagnée de signes, nous serait surtout racontée dans les Actes des Apôtres, mais elle se poursuivrait dans toutes les générations...

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