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9. Visite des mages venus d’Orient.

Matthieu 2, 1-12.

Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient se présentèrent à Jérusalem et demandèrent : «  Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre se lever et sommes venus lui rendre hommage. » Informé, le roi Hérode s’émut, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres avec les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où devait naître le Christ. « A Bethléem de Judée, lui répondirent-ils ; car c’est ce qui est écrit par le prophète :

Et toi Bethléem, terre de Juda,

tu n’es nullement le moindre des clans de Juda ;

car de toi sortira un chef

qui sera pasteur de mon peuple Israël. »

Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par eux la date de l’apparition de l’astre, et les dirigea sur Bethléem en disant : « Allez vous renseigner exactement sur l’enfant ; et quand vous l’aurez trouvé, avisez-moi, afin que j’aille, moi aussi, lui rendre hommage. » Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à son lever, les devançait jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant. La vue de l’astre les remplit d’une très grande joie. Entrant alors dans le logis, ils virent l’enfant avec Marie sa mère, et, tombant à genoux, se prosternèrent devant lui ; puis, ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Après quoi, un songe les ayant avertis de ne point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays. 

Episode 9. Commentaire.

Nous revenons à Matthieu grec, qui s’intercale dans le texte de Luc. Nous suivons toujours la chronologie relative (d’après la synopse) et même absolue (d’après la chronologie synchronisée de Gérard Gertoux) de la vie de Jésus.

Gertoux estime que si les mages sont partis de Babylone le jour de la naissance, le 29 septembre, ils ont dû mettre deux mois environ pour parvenir à Jérusalem à dos de chameaux, soit fin novembre – 2. Huit jours plus tard, ils sont à Bethléem. Ils remettent leurs présents puis repartent vers Babylone sans repasser par Jérusalem.

Qui étaient les mages ? Quelle était cette étoile mystérieuse qui les a guidés ? Ces questions ont fait couler des flots d’encre.

Les mages sont les prêtres de la religion perse, le mazdéisme. Ils adoraient le feu primordial qui symbolisait leur dieu suprême Ahura Mazda. Ils étaient en même temps astrologues, interprètes des songes, devins. Matthieu nous dit qu’ils venaient du Levant. Ils ne venaient donc pas de la péninsule arabique, dans sa grande masse située plus au sud, même si les présents qu’ils apportent peuvent faire penser aux produits de cette région : l’or, l’encens et la myrrhe. Ils ont pu se les procurer par le commerce, car les échanges étaient très développés dans l’Orient d’alors. Vu  de la Palestine, le Levant ne pouvait signifier que la Perse ou la Mésopotamie. Leur religion avait survécu dans l’empire d’Alexandre. Elle florissait de nouveau dans l’empire parthe.

Comme nous le verrons plus loin, le Josèphe slave semble confirmer en tout point cette version des faits. En effet, il indique positivement que des sages persans, conduits par une étoile, vinrent trouver le roi Hérode vers la fin de sa vie.

Une célèbre peinture des catacombes de Rome, datée du IIe siècle, montre les mages de l’évangile vêtus du costume et du bonnet persans.

En 614 de notre ère, quand le roi de Perse Chosroês II s’empara de Jérusalem, il fit détruire toutes les églises, sauf une, la basilique de Bethléem parce qu’elle arborait sur son frontispice une mosaïque représentant les mages avec les mêmes habits persans.

(Cahier de l’Association Jean Carmignac. N° 41).

Petitfils cite une opinion qui ferait des mages des juifs de la diaspora, des astrologues juifs, établis sur les bords de l’Euphrate, depuis l’époque de la déportation. Mais rien ne vient appuyer cette hypothèse. S’ils étaient juifs, ils se seraient empressés de se présenter comme tels à Hérode, et non comme mages. Ils n’auraient pas demandé où devait naître le roi des juifs. Ils l’auraient su. Il est certain que les prophéties des juifs gardaient leur prestige dans le monde païen, même en Occident. Tout le monde savait qu’un roi devait naître en Israël, et qu’il dominerait le monde entier. Tacite et Suétone, dans leurs livres d’histoire, s’en feront l’écho. Par les prophéties du prophète Daniel on savait que l’échéance était proche. Beaucoup, de tous les pays connus, se sont rendus en Palestine rien que pour observer l’étoile prédite par le prophète Balaam : 

« Un astre issu de Jacob devient chef,

« Un sceptre se lève, issu d’Israël. » (Nb 24, 17).

Cette étoile qu’on désignait sous le nom d’étoile de Jacob, tout le monde l’attendait. On savait même que le Messie devait naître d’une vierge. (Cf. Loth, page 353). Les Testaments des douze patriarches le prédisaient comme tel. Et c’était bien l’interprétation que donnait la Septante du prophète Isaïe (7,14).

Quelle était la nature de l’étoile des mages ? Gertoux et Arthur Loth penchent pour un phénomène miraculeux. Petitfils propose de revenir à la vieille hypothèse de Kepler. L’étoile ne serait pas une étoile, mais seulement un astérisme, en l’occurrence une conjonction remarquable des planètes Jupiter et Saturne, par trois fois en – 7, et rejointes par la planète Mars en – 6, pour former un brillant trio. Mais Arthur Loth objecte que ces trois astres ne se sont jamais approchés à moins d’un degré (le diamètre apparent du soleil, comme de la lune, n’excède guère un demi degré). Ils ne prenaient pas l’aspect d’un unique objet céleste. La formation obtenue n’était pas d’une exceptionnelle luminosité. D’autre part, les astronomes, ou astrologues, antiques savaient fort bien identifier chacune des planètes et les phénomènes de conjonction, ou d’occultation, des astres, s’ils étaient relativement rares, n’étaient pas inconnus, et ils étaient facilement identifiés comme tels, même si souvent on leur accordait une signification religieuse. 

D’ailleurs, le 17 juin de l’an – 2, se produisit une conjonction de Jupiter et de Vénus dans la constellation du Lion, symbole de la tribu de Juda. Le phénomène dut être autrement brillant. Et – 2 serait pour nous la date réelle de la naissance de Jésus…

Petitfils croit trouver une confirmation de sa conjecture dans les récits remarquables du Josèphe slave, que le père Etienne Nodet, de l’Ecole biblique de Jérusalem, tend à démontrer comme authentiques : ils seraient la traduction authentique du Josèphe araméen que l’on croyait perdu. Ils nous fournissent des renseignements fort originaux sur Jésus-Christ, et très voisins de la tradition évangélique. Le lecteur du Forum pourra consulter des extraits sur Internet, dans les cahiers de l’Association Jean Carmignac (cahier n° 41). Des sages persans vinrent trouver le roi Hérode. « L’image de l’étoile nous est apparue pour signifier la naissance d’un roi par lequel le monde entier serait maintenu. Et regardant cette étoile nous avons fait route pendant un an et demi vers cette ville, et nous n’avons pas trouvé de fils de roi. Et maintenant l’étoile nous est cachée. » Puis l’astre réapparaît : « Une étoile ineffable nous est apparue, distincte de toutes les autres. Ce n’était pas l’une des sept planètes, ni l’un des lanciers, ni l’un des écuyers, ni l’un des archers, ni l’une des comètes, mais elle était excessivement brillante, comme le soleil et elle était joyeuse. Et c’est en l’observant que nous sommes arrivés à toi. Mais lorsque nous fûmes arrivés l’étoile disparut jusqu’à maintenant : alors que nous venions vers toi, elle a réapparu. » Finalement Hérode lui-même voit l’étoile. « Et il leur donna une escorte incluant son frère et des notables pour aller voir celui qui était né. Mais comme ils étaient en route, l’étoile disparut une fois de plus et ils revinrent de nouveau. Et les Perses lui demandèrent de les laisser aller seuls, promettant qu’ayant trouvé l’enfant, ils reviendraient le lui dire. Ils lui firent un serment, convaincus que l’étoile les ferait revenir par le même chemin. Et ils suivirent l’étoile. Et il les attendit un an, mais ils ne vinrent pas à lui. Et il était furieux, et il convoqua les prêtres qui étaient ses conseillers, et il leur demanda si l’un d’eux comprenait la signification de cette étoile. Et ils lui répondirent : ‘Il est écrit : Une étoile brillera de Jacob et un homme se lèvera de Juda. Et Daniel écrit qu’un prêtre doit venir, mais nous ne savons pas qui il est. Nous comprenons qu’il naîtra sans père’. » (Pages 9-10).

Hérode alors décide de tuer tous les enfants mâles de moins de trois ans dans tout le pays de Judée. Mais les prêtres supplient Hérode. « Ecoute tes serviteurs, pour que le Très-Haut te soit favorable. Il est écrit que le Messie naîtra à Bethléem. Même si tu es sans pitié pour tes serviteurs, tue les enfants de Bethléem et laisse les autres partir.’ Et il donna l’ordre et ils tuèrent tous les enfants de Bethléem. » (Page 10).

On aperçoit les différences, mais aussi les recoupements, avec le texte évangélique. On constate que dans le Josèphe slave pas une fois il n’est question de Marie, de Joseph, ou de Jésus. Il n’est pas fait allusion à une quelconque fuite en Egypte, qu’Hérode semble avoir ignorée. La narration est faite, en effet, du point de vue d’Hérode, ou des gens de sa cour.

Cette version slave semble prouver l’historicité de la visite des Mages, si étourdiment, de nos jours, tenue pour légendaire (ou mythique !) par la critique. Cette attente du Messie dans l’Orient ancien était si répandue qu’Hérode lui-même avait envisagé de se l’approprier. Lui, qui n’était même pas juif, aurait voulu se faire passer pour le roi des juifs, annoncé par les prophètes ! Et les mages eux-mêmes, dans le Josèphe slave, déçus de ne plus apercevoir l’étoile, se déclaraient prêts à céder leurs présents au roi iduméen. Ils se ravisèrent en voyant de nouveau briller l’astre.

Rien n’indique que la visite de ces mages persans eut lieu en – 7 ou – 6. L’astre resplendissant comme le soleil fait penser à tout, sauf à une pâle conjonction de planètes. D’ailleurs les planètes, dans le ciel, accompagnent le mouvement diurne et ne sauraient pointer vers une direction précise. Les mages disent bien qu’il ne s’agit pas d’une des sept planètes, ni même d’une constellation connue de la sphère des fixes. Certes, une réunion de planètes est-elle une configuration insolite dans le ciel, mais non pas inconnue, ou aberrante.

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