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85. Les Pharisiens demandent un signe. A Magdala.

Matthieu 16, 1-2a. 16, 4. Marc 8, 11-13.

Les Pharisiens et les Sadducéens s’approchèrent alors et se mirent à discuter avec lui ; ils réclamaient de lui, pour le mettre à l’épreuve, de leur faire voir un signe venant du ciel. Gémissant du fond de l’être, il leur répondit : « Qu’a cette génération à demander un signe ? Génération mauvaise et adultère, elle réclame un signe ? En vérité, je vous le dis, il ne sera pas donné de signe à cette génération, il ne lui sera donné que le signe de Jonas ? »

Sur ce, il les planta là et se rembarqua pour l’autre rive.

Episode 85. Commentaire.

Nos deux compères, Matthieu grec et Marc, sont toujours synoptiques. Matthieu grec reprend le récit de Marc. Mais il associe les Sadducéens aux Pharisiens. On s’aperçoit qu’il enrichit considérablement le texte de plusieurs versets tirés essentiellement de la source Q, puisqu’on les retrouve dans la grande insertion de Luc. Nous-mêmes, dans la synopse, nous avons retiré les versets 16, 2b-3 de Matthieu, qui n’ont pas d’équivalent dans Marc, de cet épisode, pour les mettre en parallèle de Luc, ce sera l’épisode 129, selon notre procédé constant : priorité absolue à l’ordre de Luc (quand Marc est absent).  Même des expressions reprises de Marc, et donc que nous avons laissées dans son texte, se retrouvent également dans la source Q. Elles appartiennent à la double tradition : Marc et source Q. Le texte de Matthieu grec est donc un habile patchwork de ces deux traditions mélangées. 

Une phrase comme : « Génération mauvaise et adultère ! Elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas » (Mt 16, 4) qui a son parallèle approximatif dans Marc, est reprise en réalité textuellement de lui-même, Matthieu grec, dans un autre endroit de son évangile (cf. Mt 12, 39).

On saisit sur le vif le procédé de composition de Matthieu grec, qui est ici un adroit pastiche, mais tissé de phases typiquement authentiques, typiquement christiques. On en a une preuve extrêmement puissante quand ces proverbes appartiennent aux deux traditions théoriquement indépendantes, mais fidèlement rapportées, et qui prennent leur source dans la parole même de Jésus. C’est ce que certains exégètes allemands ont cru devoir appeler, en latin, les ipsimma verba

Le séjour de Jésus dans la région, ou dans la ville de Magdala (tout au moins, on l’a vu, selon la supposition la plus vraisemblable) ne sera pas très long. Marc, imité comme on l’a dit par Matthieu grec, ne rapporte qu’un seul incident. Des Pharisiens (accompagnés de Sadducéens selon Matthieu) et qui séjournent dans cette ville viennent discuter avec lui. Mais ils se montrent très sceptiques, au sujet de sa mission comme de son enseignement. Les signes de guérison, les œuvres de miséricorde de toutes sortes, les miracles de nature qu’il a réalisés jusqu’ici, et dont ils ont forcément entendu parler, ne leur suffisent pas. Ils voudraient qu’en sa faveur la Providence divine accomplisse dans le ciel un immense prodige pour valider son message. Une aurore boréale, un arc-en-ciel exceptionnel, une comète brillante, une éclipse sortant de l’ordinaire, que sait-on… A lui de choisir. Quelque chose qui soit vraiment irrécusable. Tous ces boiteux qui marchent, tous ces aveugles qui voient, n’est-ce pas du subjectivisme ? Tous ces pains qui se multiplient, n’est-ce pas plutôt de la prestidigitation ? Enfin, Voltaire ou Renan n’auraient pas mieux dit que ces bien-pensants. On veut bien croire, mais que ce soit du solide.

Jésus ne peut que gémir, et gémir du fond de l’âme, devant cette incrédulité foncière.

D’ailleurs, entre nous, même un signe cosmique ne les eût pas convaincus. Ils lui auraient trouvé, en toute hypothèse, une explication rationnelle. Ils auraient invoqué, que sais-je ? un cataclysme déclenché par le hasard.

A cause de ce manque de foi, Jésus se trouve comme devant une porte fermée, dans cette ville. Avec ses disciples, il se rembarque sans s’attarder pour l’autre rive, exactement pour la pointe nord du lac : Bethsaïde. Pierre, André et Philippe en étaient originaires. Au passage, ils vont sans doute retrouver de la famille. Matthieu l’ex-douanier compte peut-être y revoir ses anciens collègues de travail. Mais ils sont en tournée d’évangélisation. Ils se dirigent vers la capitale de la Trachonitide.

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