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Il revient à la maison et de nouveau la foule s’y presse, au point qu’il ne leur était même pas loisible de prendre de la nourriture. Et les siens, l’ayant appris, partirent pour se saisir de lui, car ils disaient : « Il a perdu le sens. » |
Nous retrouvons ici Marc, abandonné depuis l’épisode 45. Matthieu grec aussi bien que Luc l’avaient interrompu de concert pour une longue plage d’insertion : Luc 6, 17 – 8, 3 et Mt 5, 2 – 8, 1.
Et nous retrouvons Marc seul ! Le fait mérite d’être noté, car cela se produit très rarement : quatre fois, en tout, dans toute la synopse. Car la substance de Marc, Théorie des deux sources oblige, est presque entièrement reproduite dans Matthieu grec ou Luc, quand ce n’est pas dans Jean. Et ce n’est pas seulement en vertu de la Théorie. Il y a là un constat littéraire irréfutable.
Ici, l’absence concomitante de l’épisode, dans Matthieu grec comme dans Luc, loin d’être une objection factuelle contre la Théorie des deux sources (apparemment Matthieu et Luc ont raison de concert contre Marc) s’explique littérairement parlant. En effet Matthieu grec et Luc, ensemble mais de manière différente, ont regroupé cet épisode, d’ailleurs très court, avec ce qui sera notre n° 56 : La vraie parenté de Jésus. Luc lui-même le reculera un peu : juste après le discours parabolique et juste avant la tempête apaisée, qui approche (cf. Lc 8, 19- 21), tandis que Matthieu grec le refoulera après cette même tempête apaisée, après encore la guérison d’une hémorroïsse : cf. Mt 12, 46-50.
Donc Jésus, d’après la synopse, est revenu à Capharnaüm, son centre de mission, retour de ses tournées dans le haut pays. C’est désormais le lac qui verra l’essentiel de son activité. Nous approchons de la fin de l’année 31. Les journées sont moins chaudes, et les foules s’y amassent.
« Il revient à la maison », dit Marc (3, 20). Mais à travers Marc, c’est Simon-Pierre qui parle. Pas besoin de préciser de quelle maison il s’agit : c’est la sienne. Il a depuis réparé la terrasse de chaume et de branchages, perforée par les brancardiers indélicats. Elle est devenue comme un quartier général : le quartier général du Royaume de Dieu. Lui-même n’en est-il pas le premier ministre, ou le majordome, c’est tout comme ?
La foule est si dense, du matin au soir, dans Capharnaüm et autour de ladite maison qu’on n’a même pas le temps de manger. Il faut canaliser tout ce monde. Organiser les audiences du Maître. Juste un petit sandwich sur le pouce, de temps en temps. Et encore Jésus lui-même ne pense même pas à déjeuner de tout le jour vaillant, entre sa messe du matin, et son bréviaire du soir. Il faut presque le sermonner. Prends un instant de repos, Seigneur. Tu vas défaillir. Sa gorge doit être sèche à force de parler.
Et pour compléter le tableau, voilà-t-il pas que la famille, la vraie : la famille congénitale, est descendue toute ahurie de Nazareth. Elle est venue en délégation, presque en commando. Elle aussi s’inquiète de la santé de Jésus. Non seulement de sa santé physique, mais encore de sa santé mentale. On a consulté un psychiatre, qui a rendu son verdict : c’est un début de mégalomanie. Il faut arrêter les frais, au moins pour un temps.
Mais arrivés sur place, ils sont submergés. Ils ne peuvent même pas s’approcher de la maison. On le verra un peu plus tard (épisode 56 : La vraie parenté de Jésus). Ne risqueraient-ils, eux-mêmes, s’ils s’avisaient de s’emparer de Jésus, de se faire empoigner, ou malmener, par la ferveur populaire ?