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L’ayant su, Jésus quitta ces lieux. Jésus se retira avec ses disciples au bord du lac et beaucoup de monde de la Galilée le suivit ; et de la Judée, de Jérusalem, de l’Idumée, de la Transjordane, du pays de Tyr et de Sidon, beaucoup de monde, apprenant tout ce qu’il faisait, vint à lui et il les guérit tous. Il dit alors à ses disciples qu’une barque fût tenue à sa disposition, à cause de la foule, pour qu’elle ne le pressât pas trop. Car il en avait guéri beaucoup, si bien que tous ceux qui étaient affligés de maladies se précipitaient vers lui pour le toucher. Et les esprits impurs, lorsqu’ils le voyaient, se prosternaient devant lui et criaient : « Tu es le Fils de Dieu ! » Mais il leur enjoignait avec force de ne pas le faire connaître. Ainsi devait s’accomplir l’oracle du prophète Isaïe : « Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon Bien-aimé qui a toute ma faveur. Je répandrai sur lui mon Esprit et il annoncera la vraie foi aux nations. Il ne fera point de querelles ni de cris et nul n’entendra sa voix sur les grands chemins. Le roseau froissé, il ne le brisera pas, et la mèche fumante, il ne l’éteindra pas, jusqu’à ce qu’il ait mené la vraie foi au triomphe : en son Nom les nations mettront leur espérance. » |
Nous rappelons que Matthieu grec a déplacé dans le temps toute la péricope Mt 12, 1-21, correspondant à nos trois épisodes 42, 43 et celui-ci, 44. Mais chez lui, on les lit quand même à la suite, dans leur nouveau contexte. Luc de son côté a rejeté un peu plus bas cet épisode 44, juste après le choix des Douze, quand Jésus redescendra de la montagne (ce sera notre épisode 46). Ce double mouvement de Matthieu grec et de Luc, par rapport à Marc, et indépendamment l’un de l’autre, rend pratiquement certaine, dans ce cas, la Théorie des deux sources. C’est bien Marc le document guide. On le touche ici du doigt, une fois de plus.
Jésus se retire au bord du lac, et d’immenses foules se mettent à le suivre. Ce que Matthieu grec avait déjà annoncé dans l’épisode 35 : Parcours de la Galilée et de la Judée (cf. Mt 4, 25), transposant sans doute en cet endroit-là l’expression de Marc, presque au début du ministère galiléen, Marc le proclame ici avec encore plus de solennité : d’immenses foules se mettent à suivre Jésus. C’est presque un événement, non pas peut-être mondial, mais déjà international. Non seulement sa renommée s’étend au-delà des frontières, mais désormais on accourt vers lui en foules de tous les pays environnants, non seulement donc de la Galilée et de la Judée, mais encore de l’Idumée qui est au sud de la Palestine, de la Transjordanie, comme son nom l’indique au-delà du Jourdain, de Tyr et de Sidon les villes païennes. On est à la veille du choix des Douze et du Sermon sur la montagne qui vont s’inscrire dans cette ambiance extraordinaire. Les bords du lac, où enseigne de préférence Jésus, sont envahis par une population enthousiaste. Mais se sont surtout les malades et les estropiés qui se précipitent vers lui, ou plutôt se font transporter vers lui. De même les aliénés, les possédés de toutes sortes.
Luc nous l’avait déjà montré dans l’épisode 36 (Miracle sur le lac). Jésus est obligé de monter sur une barque pour enseigner les foules, en s’éloignant un peu du rivage. Il prêche, de là, à l’immense auditoire. Les berges du lac font office d’amphithéâtre. Et sa voix porte merveilleusement jusqu’aux oreilles de tous.
L’affaire prend une ampleur inouïe, et il est devenu urgent que Jésus s’entoure d’une équipe officielle de collaborateurs. Les Pharisiens, les scribes, les agents d’Hérode, ont beau comploté sa perte dans l’ombre, il semble que le pouvoir politique soit impressionné par une telle réussite, une telle affluence, une telle popularité, mais de nature purement pacifique, au bénéfice surtout des plus misérables. Le gouvernement ne dispose d’aucun prétexte pour intervenir, et il semble qu’il soit comme intimidé d’agir. D’ailleurs, c’est une immense renommée pour toute la Galilée elle-même. Elle ne peut qu’y gagner un prestige durable, voire même organiser un tourisme religieux. N’est-elle pas devenue en quelques mois la capitale religieuse du monde ? Un Lourdes anticipé, pour les foules de toutes origines.
D’ailleurs, le peuple reconnaît spontanément le pouvoir transcendant de Jésus, son caractère éminemment religieux, ou charismatique, mais non pas politique. Ce sont d’ailleurs les fous qui le proclament les premiers, à grands cris : « Tu es le Fils de Dieu ! » (Mc 3, 11). Ce sont les fous qui sont les moins fous. Mais Jésus leur ordonne de se taire. Lui-même ne désire pas s’imposer comme un Dieu, mais seulement se faire reconnaître par les cœurs, en tant que serviteur souffrant.
C’est bien pourquoi Matthieu grec introduit ici la solennelle prophétie d’Isaïe, sur le serviteur humble, compatissant et lui-même souffrant. Jamais en effet elle ne fut tant appropriée. Jésus est un Dieu qui se met au service de tous.
« Voici mon Serviteur que j’ai choisi,
Mon Bien-aimé qui a toute ma faveur.
Je répandrai sur lui mon Esprit
Et il annoncera la vraie foi aux nations.
Il ne fera point de querelles ni de cris
Et nul n’entendra sa voix sur les grands chemins.
Le roseau froissé, il ne le brisera pas,
Et la mèche fumante, il ne l’éteindra pas,
Jusqu’à ce qu’il ait mené la vraie foi au triomphe :
En son Nom les nations mettront leur espérance. »
(Mt 12, 18-21 d’après Is 42, 1-4).