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De là il se rendit dans leur synagogue. Or, un autre sabbat, il entra de nouveau dans leur synagogue et se mit à enseigner. Justement un homme s’y trouvait, dont la main droite était desséchée. Et ils posèrent cette question : « Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? » Les scribes et les Pharisiens l’épiaient pour voir s’il allait guérir le jour du sabbat afin de trouver de quoi l’accuser. Mais il leur dit : « Qui d’entre vous, s’il n’a qu’une brebis et qu’elle tombe dans un trou le jour du sabbat, n’ira la prendre et l’en retirer ? Or, combien l’homme l’emporte sur la brebis ! Par conséquent il est permis de faire une bonne action le jour du sabbat. » Mais lui connaissait leurs pensées. Il dit donc à l’homme qui avait la main desséchée : « Lève-toi et tiens-toi là debout devant tout le monde. » Il se leva et se tint debout. Puis Jésus leur dit : « Je vous le demande, est-il permis le jour du sabbat, de faire du bien plutôt que du mal, de sauver une vie plutôt que de la tuer, de la perdre ? » Mais eux se taisaient. Alors, promenant sur eux tous un regard de colère, navré de l’endurcissement de leur cœur, il dit à cet homme : « Etends ta main. » Il l’étendit et sa main fut remise en état, aussi saine que l’autre. Mais eux furent remplis de fureur et ils se concertaient sur ce qu’ils pourraient bien faire à Jésus. Alors les Pharisiens sortirent et aussitôt ils tenaient conseil avec les Hérodiens contre lui, en vue de le perdre. |
C’est un autre sabbat, n’importe quand. Mais toujours en Galilée, puisque à la fin de l’épisode les Pharisiens voudront se concerter avec les hérodiens, les partisans d’Hérode, peut-être sa police. Or le territoire d’Hérode, c’est la Galilée (à moins que ce ne fût la Pérée, de l’autre côté du Jourdain, mais là, on s’y rendra plus tard).
On l’a déjà dit, mais il n’est pas inutile de le rappeler. Les incidents dans les synagogues se produisent en général le jour du sabbat, et mettent en évidence l’interprétation du repos sabbatique, qui oppose Jésus aux Docteurs de la Loi. C’est parce que tout naturellement Jésus, en bon juif traditionnel, mais pas forcément traditionaliste, fréquentait comme son peuple la synagogue préférentiellement le jour du sabbat, le jour du Seigneur. Pour lui, c’était l’équivalent de l’assemblée religieuse (nos églises de village) dans la bourgade qu’il visitait. On n’avait pas de raison de s’y rendre en semaine, car il n’y avait pas, bien sûr, l’équivalent de notre Saint-Sacrement. En semaine, les synagogues devenaient pratiquement des écoles talmudiques pour les enfants.
Donc, Jésus se rend à la synagogue de l’endroit. Il semblerait qu’il y trouve une véritable réunion de Pharisiens, qui lui sont hostiles par principe, car le dialogue s’engage directement avec eux. Sont-ce les mêmes rencontrés par hasard, l’autre sabbat, au milieu des blés, et qui se seraient donné le mot ? Ils auraient amené avec eux un homme à la main impotente, pour voir si Jésus oserait le guérir un jour de sabbat. Un véritable piège. Mais Jésus relève le défi.
D’après Marc et Luc, l’assistance l’épiait pour voir s’il allait guérir le jour du sabbat. Leur interrogation était tacite. Matthieu grec va même plus loin. Il fait poser d’avance la question par les Pharisiens : « Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? » (Mt 12, 10). Jésus ne pouvant que répondre « oui », et le malheureux étant là tout près, avec son membre mort, le piège fonctionnait à coup sûr. Mais n’était-ce pas tenter Dieu lui-même ? Jésus n’a pas de mot pour stigmatiser leur attitude, mais seulement un regard. « Promenant sur eux – dit Marc – un regard de colère, navré de l’endurcissement de leur cœur ... » (Mc 3, 5).
C’est lui-même qui leur retourne la question, qu’elle fût latente ou explicite : « Est-il permis, le jour du sabbat, de faire du bien plutôt que du mal, de sauver une vie plutôt que de tuer ? » (Mc 3, 4). Mais ils restent muets, ne répondant pas à leur propre question, avouant ainsi leur mauvaise foi.
Il dit à l’homme : « Etends la main » (Mc 3, 5). Et la main est guérie, devant l’assistance médusée.
Mais les Pharisiens furieux, dès la sortie, se concertent avec les agents d’Hérode, en vue de le perdre. Ils n’envisagent rien moins que sa mort.
On observe encore, dans cet épisode, que, d’après Matthieu grec, Jésus utilise un argument qu’on ne trouve pas dans le récit correspondant de Marc, ni dans celui de Luc, qui une fois de plus copie Marc. « Qui d’entre vous, s’il n’a qu’une brebis et qu’elle tombe dans un trou le jour du sabbat, n’ira la prendre et l’en retirer ? » (Mt 12, 11).
Il s’agit là d’une sentence authentique de Jésus, qu’il a dû prononcer bien des fois. Matthieu grec, en effet, l’emprunte à la source Q, l’évangile araméen de Matthieu, puisqu’on la retrouve sous une forme équivalente dans la grande insertion de Luc (cf. Lc 14, 5). Dans cette grande insertion, qui va du verset Lc 9, 51 au verset Lc 18, 14 (plus de huit chapitres !), Luc puise abondamment, à son tour, dans l’évangile araméen pour compléter Marc. On s’en apercevra plus tard.