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31. Appel des premiers disciples, en Galilée, au bord du lac.

Matthieu 4, 18-22. Marc 1, 16-20.

Comme il cheminait le long de la mer de Galilée, il aperçut deux frères, Simon, -- celui qu’on appelle Pierre -- et André son frère, qui jetaient l’épervier dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs. Et Jésus leur dit : « Venez à ma suite et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Et aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent. Et avançant un peu plus loin, il aperçut deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, eux aussi dans leur barque, avec Zébédée leur père, en train d’arranger leurs filets ; et aussitôt il les appela. Et aussitôt laissant leur barque et leur père Zébédée dans la barque avec ses hommes à gage, ils partirent à sa suite.

Episode 31. Commentaire.

Matthieu grec suit Marc, tandis que Luc omet cet appel. (Dans l’épisode suivant, 32, ce sera juste le phénomène inverse : Matthieu grec omettra la guérison d’un démoniaque, tandis que Luc reproduira la séquence de Marc. On a là une belle illustration de la Théorie des deux sources).

Luc omet cet appel des quatre premiers disciples, car un peu plus loin, épisode 36, il ajoutera, seul, au schéma de Marc le récit d’une pêche miraculeuse, qui pour lui en tient lieu. Elle mettra en scène les mêmes personnages.

Dans le récit de Marc, imité par Matthieu, les disciples Simon, André, Jacques et Jean nous sont décrits comme des inconnus, que Jésus aborde pour la première fois, alors que nous savons très bien, par le IVe évangile, qu’ils furent choisis (au moins les deux frères Pierre et  André, nommément désignés) dès la fin de l’année 29, peu après le baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain.

C’est qu’en effet Marc, pas plus que les deux autres synoptiques, ne nous les avait pas encore présentés. Les synoptiques omettent entièrement le ministère judéen de Jésus, à partir de la Tentation au désert de Judée. (Episode 18). Ils ne mentionnent pas le recrutement des cinq premiers disciples, d’abord disciples du Baptiste. Il paraît fort probable même que le futur apôtre Pierre n’a pas participé à ce ministère judéen, à compter de la première Pâque à Jérusalem, celle de l’an 30, car Marc son interprète fidèle ne nous en a transmis aucun souvenir. Pour lui, tout recommence au bord du lac, quand Jésus vint, début 31, s’installer à Capharnaüm. Pierre et ses compagnons seront définitivement relancés pour suivre le Maître, à l’aube de ce ministère galiléen.

Simon, « celui qu’on appelle Pierre », précise Matthieu grec. Bien sûr, mais il ne nous indique pas l’origine de ce surnom. Nous la connaissons, cette origine, uniquement par le récit de saint Jean.

On remarque que les pécheurs vont par pairs, deux frères dans chaque barque. De plus ils s’associaient volontiers entre eux, à plusieurs barques, pour les nécessités du travail. Simon, comme André, Jacques et Jean n’avaient pas abandonné leur métier. Ils le reprenaient volontiers dès qu’ils se retrouvaient au bord du lac. Il fallait bien vivre, et faire vivre les familles.

Mais Jésus va en décider autrement. Les nécessités de la mission l’imposent impérativement. L’annonce de la Bonne Nouvelle, de l’Evangile, passe avant les besoins professionnels, ou familiaux. Le nouveau roi désigne royalement ses premiers ministres. Toi, toi, toi et toi. Vous serez des pécheurs d’hommes, et non plus seulement des pécheurs de poissons. En même temps qu’il les engage à son service, aussitôt il les élève à de très hautes responsabilités : devenir les premiers cadres de l’Eglise naissante. Par le fait même, il en fait ses disciples à temps plein, et non plus seulement occasionnels. Ils le suivront désormais, et en équipe, partout où il ira.

« Et aussitôt » dit Marc, à propos de Simon et d’André. « Et aussitôt », répète-t-il au sujet de Jacques et de Jean. « Et aussitôt, laissant les filets, ils le suivirent. » (Mc 1, 18). Dans son alerte narration, Marc, surtout au début, reprendra souvent cette expression, qui lui est typique. Elle exprime la spontanéité qui fusait de toute part, dans ce printemps de l’Eglise, comme de la mission. La saison vernale, en vérité, du Royaume de Dieu. 

Puisqu’il est question ici, pour la première dans le récit évangélique, de ce lac de Galilée, ou mer de Tibériade, disons quelques mots de cette entité géographique qui jouera un si grand rôle par la suite.

Ce si beau lac a visiblement été conçu par la Providence pour entrer dans cette histoire. Tous les touristes, ou les pèlerins, qui l’ont visité, vantent son incomparable magnificence. Et nous avons tous visionné ces photos du mont des Béatitudes,  sur fond de l’immense et éclatant, et insoutenable, bleu indigo du lac. 

Il est une preuve, à lui tout seul, de l’Incarnation, une preuve visible depuis le ciel, et sur toutes les mappemondes : la première annonce de l’Evangile, en effet, s’est nouée là. Jésus-Christ a existé puisque ce lac existe. Leurs destins sont liés.

Pourvu que les générations futures le gardent intact, ce lac de Génésareth, et ne le détériorent pas, comme on est en train de détériorer la mer Morte ! Ce serait une perte qu’on ne saurait évaluer.

Il faudrait citer la notice toute entière de Mgr Clemens Kopp (I.E. page 309) : elle est exhaustive.

Situé à 208 mètres au-dessous du niveau des mers, dans la dépression du val du Jourdain, dont la mer dite Morte est le déversoir, il a 21 km de long, et 11 km dans sa grande largeur. Sa profondeur, sondée, atteint jusqu’à 48 m. Un paradis, en hiver, nous dit Clemens Kopp, mais l’été la chaleur y est déprimante. Habituellement calme, comme une mer intérieure, mais sujet à des bourrasques imprévisibles. On s’en apercevra plusieurs fois ! Très poissonneux, avec une population piscicole spécifique.

En particulier ce « poisson de Saint-Pierre » ou corrocinus, qui garde ses petits dans sa gueule, ou éventuellement une pièce de monnaie…

Ici, pour décrire le travail de la pêche, il faudrait citer Daniel-Rops. Sa page, comme souvent, est étincelante et nourrie de notations techniques. Il y avait deux sortes de filets : le filet circulaire ou chabakah, ressemblant à notre épervier et qu’on lançait à la main, et les filets verticaux, ou mehatten, lestés par du plomb, soutenus par des flotteurs. Les bancs de poissons venaient s’y prendre pendant la nuit. On pêchait de nuit, en effet, car dès fin mai, les jours sont trop chauds.

Comme l’explique Rops, les environs de Capharnaüm sont particulièrement favorables : le confluent des sept sources chaudes d’Aïn-Tabgah et du Jourdain avec ses eaux froides amène une abondance de plancton, et par conséquent de poissons.

Un touriste américain, visiblement plein aux as, demandait un jour à un pêcheur du lac :

- « Combien me prendriez-vous pour faire la traversée ? »

- « 200 dollars », répondit sans hésiter le pêcheur.

- « 200 dollars ? répliqua le touriste américain, cela ne m’étonne pas que Jésus-Christ passait à pied ! »

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