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Après que Jean eut été livré, ayant appris l’arrestation de Jean, Jésus revint alors en Galilée avec la puissance de l’Esprit et sa renommée se répandit à travers toute la région. Il y proclamait en ces termes la Bonne Nouvelle venue de Dieu : « Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » Il enseignait dans leurs synagogues et tous célébraient ses louanges. |
Nous entrons dans le vif du sujet, si l’on peut dire, de la synopse et de la synthèse. En effet, jusque là, la plupart des épisodes étaient empruntés, alternativement, à un seul évangile. A partir d’ici, désormais, nos évangiles vont, sauf exception, se regrouper, fusionner, se fondre en un seul récit. Le plus souvent nous retrouverons ensemble les trois évangiles synoptiques, qui sont parallèles, comme d’ailleurs le nom dont on les affuble l’indique. Mais à partir de la première multiplication des pains (épisode 76, c’est encore loin !), Jean lui-même viendra souvent les rejoindre.
Jusqu’à cette multiplication des pains, donc, on peut déceler dans l’évangile de Jean un grand vide que les synoptiques viennent opportunément combler. Mais il serait plus exact de dire que Jean, documents en mains, n’a cherché qu’à compléter ses devanciers.
Matthieu et Marc soulignent que ce ministère de Jésus en Galilée commença après l’arrestation de Jean. Nous avons vu déjà, dans la fête anonyme à Jérusalem (épisode précédent), que Jésus semblait parler au passé de l’enseignement du Baptiste : « Vous avez bien voulu jouir un instant de sa lumière. » (Jn 5, 35). C’est que Jean venait d’être arrêté. Sans doute peu avant la Pâque de l’an 31. Les évangiles ne décrivent pas, pour le moment, cette arrestation. Nous ne le ferons pas non plus. On peut simplement dire que Jean-Baptiste était sans doute redescendu en Pérée, après avoir longtemps exercé en Décapole, dans la région de Scythopolis.
Sans doute pour sa campagne d’hiver, l’hiver 30/31, dans la basse vallée du Jourdain, car le climat, en été, y était torride et les foules n’auraient pas s’y rassembler dans la saison chaude.
Mais, ce faisant, il se jetait en quelque sorte dans la gueule du loup, revenant sur un territoire administré par Hérode Antipas. Sans doute l’a-t-il rencontré. Sans doute lui a-t-il encore reproché véhémentement son adultère, sans parler de ses autres exactions. Et sans doute Hérode, prétextant un risque de trouble, l’a-t-il emprisonné dans la forteresse proche, celle de Machéronte, qui dominait la mer Morte, et qui était l’une de ses résidences d’hiver. Mais nous y reviendrons…
Il est vrai que les auteurs divergent sur l’époque exacte de l’arrestation du Baptiste.
Petitfils croit que c’est au printemps de l’an 30. Car pour lui le ministère judéen de Jésus n’aurait duré que quelques semaines après la Pâque de cette année-là. Et c’est Jean-Baptiste qui se serait déplacé en Galilée, pour y rencontrer le tétrarque. Mais alors il faudrait faire durer le ministère galiléen de Jésus, proprement dit, pendant près de trois ans. Il y a peu de matière pour cela. Les synoptiques ne donnent pas l’impression d’une durée si longue. Ils ne signalent qu’une seule Pâque intermédiaire, celle proche de la première multiplication des pains, et que nous fixons très naturellement, avec la majorité des auteurs, en l’an 32. Jean-Baptiste, exécuté peu avant cette Pâque intermédiaire, au printemps de l’an 32, arrêté peu avant la Pâque de l’an 31, sera demeuré environ un an en prison. Ce qui paraît très vraisemblable.
Daniel-Rops ne voit le Baptiste emprisonné que pendant une dizaine de mois, à partir de juin 28, conformément à sa chronologie générale de la vie du Christ, qu’on tend aujourd’hui à abandonner.
Arthur Loth, lui, se rapproche de notre position (si l’on peut dire !). Il fixe l’arrestation du Baptiste dans la seconde moitié de l’an 30, après un assez longtemps de ministère commun avec Jésus, dans la vallée du Jourdain. Il fixe à un an, environ la durée de sa captivité. Il serait donc mort dans la deuxième moitié de l’an 31.
Mais c’est un fait que les évangélistes Matthieu et Marc relatent l’exécution du Baptiste (ce sera notre épisode 75, encore longtemps à attendre !) juste avant la première multiplication des pains, et donc juste avant la Pâque de l’an 32. Un an avant cette exécution nous ramène donc au printemps de l’année 31. Nous nous en tenons là.
Gérard Gertoux, quant à lui, voit Jésus emprisonné dès mai 30, et il fait commencer le ministère galiléen de Jésus, à ce moment-là. Jean n’aurait été décapité, selon lui, qu’en février 32. Mais alors le Baptiste serait resté en prison près de deux ans, ce qui paraît long. Et d’autre part on n’a pas tellement de matière, comme nous l’avons déjà dit, pour prolonger le ministère galiléen de Jésus au-delà de deux ans, étant donné qu’il n’y a qu’une seule Pâque intermédiaire qui est signalée.
Je maintiens donc à ma position. Et la synopse, comme la synthèse, cette hypothèse admise, se poursuivent très naturellement.
« Ayant appris l’arrestation de Jean, il regagna la Galilée. » (Mt 4, 12). C’est juste après avoir appris l’emprisonnement de Jean, sans délai donc, que Jésus se retira en Galilée. Il se rendait néanmoins sur le territoire d’Hérode Antipas, persécuteur de Jean. Mais il ne s’est pas arrêté à cette considération. Il voulait prendre aussitôt la suite du ministère du Baptiste, qui venait de s’achever.
« Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » (Mc 1, 15). Effectivement, Jésus reprend dans les mêmes termes la prédication de son Précurseur, tels que les rapportait Matthieu grec (cf. Mt 3, 2).
« Il enseignait dans leurs synagogues. » (Selon Luc 4, 15). Il n’est pas dit que Jésus enseignait en plein air, comme un vagabond, ou un prêcheur de trottoir. Cela ne viendra que plus tard, quand les foules afflueront, et ne pourront plus se tenir dans un local fermé. Alors la nature, et les bords du lac, deviendront sa cathédrale. Jésus enseigne, au début, dans les synagogues, et surtout, naturellement, le jour du sabbat. Il s’insère dans le culte de son peuple, dans les traditions locales. La semaine, il laisse les gens vaquer à leur labeur. C’est pour cela qu’on entendra souvent parler de miracles, réalisés un jour de sabbat. C’était pour les israélites le jour du Seigneur, comme l’est pour nous le dimanche.
« Et tous célébraient ses louanges » (continue Luc id.). En ce printemps de l’an 31, c’était comme un nouveau printemps qui se levait sur le monde. La Galilée avait récupéré son prophète, et lui faisait fête.