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239. Apparition au bord du lac de Tibériade.

Jean 21, 1-23.

Après cela, Jésus se montra encore aux disciples sur les bords de la mer de Tibériade. Voici comment. Simon-Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée et deux autres de ses disciples se trouvaient ensemble. Simon-Pierre leur dit : « Je vais pêcher. » Ils lui disent : « Nous venons nous aussi avec toi. » Ils sortirent, montèrent en barque ; cette nuit-là, ils ne prirent rien.

Au lever du jour, Jésus parut sur le rivage ; mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, avez-vous du poisson ? » Ils lui répondirent : « Non ! » -- « Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez », leur dit-il. Ils le jetèrent donc et ils ne parvenaient plus à le relever, tant il était plein de poissons. Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C’est le Seigneur ! » A ces mots : « C’est le Seigneur ! » Simon-Pierre mit son vêtement -- car il était nu, -- et se jeta à l’eau. Les autres disciples vinrent en barque, remorquant le filet et ses poissons : ils n’étaient guère qu’à deux cents coudées du rivage.

Une fois descendus à terre, ils aperçoivent un feu de braise, avec du poisson dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta dans la barque et tira à terre le filet, pleins de gros poissons : cent cinquante-trois ; et quoiqu’il y en eût tant, le filet ne se déchira pas. Jésus leur dit : « Venez déjeuner. » Aucun des disciples n’osaient lui demander : « Qui es-tu ? », car ils savaient bien que c’était le Seigneur. Alors Jésus s’approche, prend le pain et le leur donne ; et de même le poisson. Ce fut la troisième fois que Jésus se montra à ses disciples, une fois ressuscité des morts.

Après le repas, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis. » Il lui dit pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné de ce qu’il lui demandât pour la troisième fois : « M’aimes-tu ? » et il lui dit : « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis.

« En vérité, en vérité, je te le dis,

quand tu étais jeune,

tu mettais toi-même ta ceinture,

et tu allais où tu voulais ;

quand tu seras devenu vieux,

tu étendras les mains,

un autre te nouera ta ceinture

et te mènera où tu ne voudrais pas. »

Il indiquait par là le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant ainsi parlé, il lui dit : « Suis-moi. »

Pierre alors se retourne et aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait, celui qui, durant le repas, s’était penché sur sa poitrine et lui avait dit : « Seigneur, qui est-ce qui va te livrer ? » En le voyant, Pierre dit à Jésus : « Et lui, Seigneur ? » Jésus lui répond : « S’il me plaît qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi. » Le bruit se répandit alors parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas. Pourtant Jésus n’avait pas dit à Pierre : « Il ne mourra pas », mais : « S’il me plaît qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne. »

Episode 239. Commentaire.

Les sept tonnerres de l’Apocalypse (cf. Ap 10, 1-7) avaient déjà fait entendre leur voix. Le petit livre (cf. Ap 10, 8-11) était déjà écrit. Une première conclusion était déjà posée (cf. Jn 20, 30-31 : notre épisode précédent), quand l’auteur a cru devoir ajouter un chapitre supplémentaire à son évangile : ce que nous appelons le chapitre 21 de saint Jean, dans nos Bibles.

Cette huitième partie, en plus des sept précédentes, serait composée exactement selon les mêmes principes littéraires : un thème majeur, ici en l’occurrence le primat de l’apôtre Pierre, illustré par un miracle retentissant de Jésus, ici, une pêche miraculeuse, en rapport étroit avec le thème. En effet, ce miracle mettra en valeur, à la fois Jésus, l’auteur du miracle, Simon-Pierre, le patron de pêche, et ses compagnons, les autres disciples, qui l’aidaient dans sa tâche. Le patron de pêche va devenir le patron de l’Eglise.

Cet appendice a pour nous le mérite supplémentaire de confirmer le séjour assez prolongé de Jésus en Galilée, après sa Résurrection. Ce séjour fut annoncé par l’ange aux saintes femmes (cf. Mt 28, 7 ; Mc 16, 7) et par Jésus lui-même selon saint Matthieu (28, 10.16). Mais seul Matthieu grec (28, 16-20) décrit une apparition en Galilée, sur laquelle, d’ailleurs, il termine son évangile (notre futur épisode 243). Certes l’apôtre Paul dans sa première aux Corinthiens  (15, 6) parle d’une apparition de Jésus à plus de 500 frères à la fois, qui n’a pu avoir pour théâtre que la Galilée. Mais il ne le dit pas expressément. (Notre futur épisode 241).

Seule la mention de Luc dans les Actes des Apôtres (1, 3) nous apprenant que le séjour sur terre de Jésus, après sa Résurrection, a duré quarante jours, permet de concilier facilement les récits des quatre évangiles, et de les accorder avec le bref témoignage de l’apôtre Paul.

Les apôtres sont donc partis en Galilée, selon la consigne de l’ange et de Jésus ressuscité. Le Maître a promis qu’il se montrerait à eux dans cette région dont ils étaient tous originaires, et où il avait accompli la plus grande part de son ministère public.

Sept apôtres sont réunis, très certainement à Capharnaüm, dans la maison de Pierre. Nous connaissons les noms de cinq d’entre eux : Simon lui-même, Thomas l’ex-incrédule, surnommé Didyme, ou jumeau, Nathanaël de Cana en Galilée, celui, très certainement, que les évangiles synoptiques, et les Actes, désignent sous le nom de Barthélemy (cf. Mt 10, 3 ; Mc 3, 18 ; Lc 6, 14 ; Ac 1, 13), les fils bien connus de Zébédée, Jacques et Jean lui-même, le narrateur. Deux autres disciples étaient avec eux.

A la suite de Pierre, ils décident d’aller pêcher pendant la nuit. On sait la suite de l’histoire. Comme d’habitude, lors des apparitions, on ne reconnaît pas Jésus du premier abord. Il est vrai qu’il était dans le lointain, et peut-être dans la brume. Ils ont pêché 153 gros poissons. Le chiffre n’est certainement pas symbolique, mais comme tous les pêcheurs consciencieux, devant un tel coup de filet, ils ont compté soigneusement le nombre de leurs prises. C’est à coup sûr un record qu’ils pourront faire homologuer dans le Guinness.

Ils n’étaient qu’à deux cents coudées du rivage, c’est-à-dire 90 mètres, quand ils ont réalisé ce coup de filet magistral.

Ce fut la troisième seulement des apparitions de Jésus au groupe des disciples. Jean nous l’affirme formellement (cf. Jn 21, 14).  

Jésus demande par trois fois à Pierre, s’il l’aimait. C’est certainement un rappel discret de son triple reniement (en réalité il fut multiple !) que Jésus lui-même lui avait prédit. (Cf. Jn 13, 38 ; Mt 26, 34.75 ; Mc 14, 30.72). Non pas que Jésus veuille remuer le fer dans la plaie, mais il donne ainsi l’occasion à Pierre de purifier sa mémoire, et sa conscience.

De même par trois fois Jésus, qui n’est pas rancunier, confie à Pierre la garde de son troupeau après lui. Il fonde ainsi la charge de la papauté, pour les siècles à venir, jusqu’à la parousie. Certes, on a vu dans l’évangile de saint Matthieu (notre épisode 88) que le Christ promit à Pierre de lui donner les clefs du Royaume de Dieu (cf. Mt 16, 19), mais c’était alors une promesse. Cette promesse, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. Pierre est officiellement institué, aux yeux des six autres disciples présents, comme le chef du collège apostolique et la tête visible de l’Eglise. En un mot, il devient le pasteur suprême, une fois Jésus remonté vers le Père. Jésus fonde ainsi une espèce de monarchie spirituelle qui lui succèdera, et le représentera.

Cet appendice du IVe évangile, confortant la primauté romaine avec tant d’éclat, est d’autant plus remarquable que Pierre lui-même est déjà mort, au moment où il est écrit. Il contient en effet une allusion transparente au martyre de l’apôtre, probablement subi à Rome en 64 de notre ère, peu après l’incendie qui ravagea la capitale de l’empire. « Quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, un autre te nouera ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas.’ Il indiquait par là le genre de mort par lequel Pierre devrait glorifier Dieu. » (Jn 21, 18-19).  C’est par la crucifixion, également, que saint Pierre devait glorifier Dieu.

L’Apocalypse, écrite peu de temps avant la chute de Néron en 68, fait elle aussi très clairement référence à ce martyre. Parlant de Pierre et de Paul, « les deux oliviers et les deux flambeaux qui se tiennent devant le Maître de le terre » (Ap 11, 4), elle ajoute : « Mais quand ils auront fini de rendre témoignage, la Bête qui surgit de l’Abîme viendra guerroyer contre eux, les vaincre et les tuer. » (Ap 11, 7).

Néron, l’empereur maléfique, aura raison de Pierre et de Paul, et les fera périr dans Rome même.

Jean écrivit son évangile peu de temps après ces événements, après la chute de Jérusalem en 70, probablement sous le principat de Vespasien, ou peut-être sous celui de Titus. Il est vrai que son évangile fut lentement élaboré, peut-être plusieurs fois remis sur le métier. Pensé et médité avant d’être écrit. L’apologie du mandat pétrinien qu’il contient, écrite après le martyre de l’apôtre Pierre, est, de la part de Jean, un éloge très net de l’Eglise romaine qui, par la force des choses, hérite de ce mandat, puisque Pierre est mort en son sein. Le martyre de Pierre, comme celui de Paul, à Rome était de notoriété publique. Et c’est de très bonne heure qu’on viendrait sur place vénérer leurs trophées.

Lorsque Jésus eut confié à Pierre la charge de tout son troupeau, il lui dit : « Suis-moi. » (Jn 21, 19). La sequela Christi doit rester l’idéal de tous les chrétiens, à plus forte raison du premier d’entre eux ! Pierre est chargé de conduire les autres fidèles à la suite du Christ. Il ne le fait qu’au nom du Christ.

Quand Jésus a dit « Suis-moi », Pierre se retourne et aperçoit le disciple préféré de Jésus, qui précisément les suivait. C’était Jean, l’apôtre, le compagnon de toujours de Pierre, le futur évangéliste. Il était bien placé pour nous raconter tous ces événements fondateurs, puisqu’il y a assisté de très près.

Il devait survivre longtemps à Pierre, selon la tradition. Lui-même fait clairement allusion à sa longévité dans la finale de son évangile : « Le bruit se répandit alors parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas. Pourtant Jésus n’avait pas dit à Pierre : ‘Il ne mourra pas’, mais : ‘S’il me plaît qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne’. » (Jn 21, 23). D’après saint Irénée, saint Jean aurait encore été aperçu vers la fin du règne de Domitien (cf. Adv. Hae, V ; 30, 3 : selon le texte latin), c’est-à-dire dans une extrême vieillesse. Cela ne veut pas dire qu’il attendit cette époque-là pour écrire son Apocalypse, son évangile et ses trois épîtres ! Tous ces ouvrages étaient alors publiés depuis longtemps.

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