Retour au plan : PLAN
A leur retour du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze, ainsi qu’à tous les autres. C’étaient Marie de Magdala ---- elle courut alors trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis », ---- Jeanne et Marie, mère de Jacques. Les autres femmes qui étaient avec elles le dirent aux apôtres ; mais ces propos leur semblèrent pur radotage, et ils ne les crurent pas. Pierre cependant partit avec l’autre disciple et courut au tombeau. Ils se rendirent au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble. L’autre disciple, plus rapide que Pierre, le distança et arriva le premier au tombeau. Se penchant alors il voit les bandelettes à terre ; cependant il n’entra pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Mais, se penchant, il ne vit que des bandelettes. Il entre dans le tombeau et voit les bandelettes à terre, ainsi que le suaire qui recouvrait sa tête ; ce dernier n’était pas avec les bandelettes, mais roulé dans un endroit à part. Alors entra à son tour l’autre disciple, arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. En effet, ils n’avaient pas encore compris que, d’après l’Ecriture, il devait ressusciter des morts. Les disciples s’en retournèrent alors chez eux. Et il s’en retourna chez lui, tout surpris de ce qui était arrivé. |
Marc désormais nous manque. La finale de Marc (16, 9-20), qu’on lit dans nos bibles, a été reconnue canonique par le concile de Trente. Elle n’est pas de la main de saint Marc. C’est une compilation qui a été rajoutée au texte de Marc dans certains manuscrits, et qui résume, pour la suite des apparitions, les évangiles de Luc et de Jean.
Mon avis personnel, c’est qu’elle est de la main de Luc (le style est conforme). Il aurait réédité l’évangile de Marc, après la parution du sien propre, en tenant compte de la tradition johannique qu’il connaissait de première main, avant même la publication du quatrième évangile. Il aurait voulu combler la lacune de l’évangile de Marc avec sa fin trop abrupte.
L’épisode présent nous offre donc ce cas de figure original : on y voit Jean suivre et compléter non pas Marc mais Luc. Il le fait non seulement en tant que témoin oculaire, mais aussi en tant qu’acteur. Il sait de quoi il parle.
Autre originalité du récit de Jean : alors que les synoptiques mentionnent les saintes femmes, le matin de la Résurrection du Christ, Jean, lui, ne parle que de Marie de Magdala. Il concentre sur elle toute l’attention du lecteur.
En sens inverse, dans l’épisode en cours, Luc ne voit que Pierre partir précipitamment et découvrir le tombeau vide. Jean l’évangéliste lui associe le disciple que Jésus aimait, c’est-à-dire lui-même, le narrateur.
A leur retour du tombeau, donc, les saintes femmes, selon Luc (24, 9-11) : Marie de Magdala, Jeanne, Marie mère de Jacques, alertent aussitôt les disciples. Mais leurs propos leur semblent pur radotage. Selon Jean (Jn 20, 2), c’est la seule Marie de Magdala qu’on voit avertir Simon-Pierre et le disciple que Jésus aimait.
Selon Luc (24, 12) Pierre court au tombeau. Mais selon Jean (20, 3-5), il n’est pas seul. Le disciple anonyme l’accompagne, et même le devance auprès du sépulcre : il se penche, et ne voit que les tissus, à terre.
Pierre arrive à son tour : « Mais, se penchant, il ne vit que des bandelettes » selon Luc (24, 12). Selon Jean (20, 6-10), il fait beaucoup plus. Il entre dans le tombeau, entendons l’antichambre. Il voit les bandelettes à terre et le Suaire qui recouvrait sa tête, roulé à part dans un coin. Jean (celui qui parle) entre à la suite de Pierre. « Il vit et il crut. » (Jn 20, 8). Il comprend, ou plutôt ils comprennent, que le Christ est vraiment sorti vivant du tombeau. Ils songent à la réalisation des Ecritures, qui annonçaient sa Résurrection d’entre les morts.
« Les disciples s’en retournèrent alors chez eux » selon Jean (20, 10). « Et il [Pierre] s’en retourna chez lui tout surpris de ce qui était arrivé » selon Luc (24, 12).
Il ne fait aucun doute que l’auteur du quatrième évangile, Jean, appelle suaire (soudarion) ce que les synoptiques désignent comme le linceul (sindon). Le suaire était un drap de double longueur, rabattu sur la tête du mort. Déjà, nous avions vu Lazare sortir du tombeau, enveloppé d’un suaire qui lui couvrait le visage, attaché par des liens qui l’empaquetaient (cf. Jn 11, 44 : notre épisode 175). C’est la configuration du Saint-Suaire de Turin qui nous donne la clef de cette énigme : puisque on y voit la double silhouette, tête-bêche, d’un homme de face et de dos.
Les disciples, ou plutôt Joseph d’Arimathie lui-même, puisque il était propriétaire du tombeau, ont dû se saisir du Suaire-linceul du Christ, et le conserver pour la postérité. Joseph d’Arimathie, dans le même temps, négociait auprès des quatre soldats qui avaient crucifié Jésus le rachat de ses vêtements.