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Alors la cohorte, le tribun et les gardes des Juifs se saisirent de Jésus et le lièrent. Ils le menèrent d’abord chez Anne, car c’était le beau-frère de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs cet avis : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. » Cependant Simon-Pierre, avec un autre disciple, suivait Jésus. Ce disciple était connu du grand prêtre. Il entra avec Jésus dans la cour du grand prêtre, tandis que Pierre restait à la porte, dehors. L’autre disciple, celui qui était connu du grand prêtre, sortit donc ; il dit un mot à la portière et fit entrer Pierre. La jeune servante de la porte dit alors à Pierre : « N’es-tu pas, toi aussi, des disciples de cet homme ? » Lui répondit : « Je n’en suis pas. » Les serviteurs et les gardes avaient fait un feu de braise à cause du froid et ils étaient là à se chauffer. Pierre aussi se tenait là avec eux et il se chauffait. Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine. Jésus lui répondit : « C’est au grand jour que j’ai parlé au monde, j’ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple, où tous les Juifs s’assemblent ; je n’ai rien dit en cachette. Pourquoi m’interroges-tu ? Demande à ceux qui m’ont entendu ce que je leur ai enseigné ; eux savent bien ce que j’ai dit. » A ces mots, l’un des gardes, qui se tenait là, gifla Jésus en disant : « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ? » Jésus lui répondit : « Si j’ai mal parlé, montre où est le mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » |
Jean seul nous rend compte de la comparution de Jésus devant Anne. C’était l’ancien grand prêtre, le vétéran, le chef de famille, beau-père de Caïphe, le grand prêtre en fonction. En réalité, le véritable chef moral de la nation juive, le principal responsable du complot contre Jésus.
En effet, la déposition des grands prêtres n’était pas prévue par le droit juif. C’était une espèce de coup de force, perpétré par le pouvoir politique. Mais la victime gardait tout son prestige. Anne était une forte personnalité, qui tenait en main les rouages de l’appareil religieux, tout en faisant entériner ses décisions par les autorités légalement constituées. On s’explique ainsi que Jésus comparaisse en premier devant lui.
Anne avait probablement été nommé grand prêtre, en 6 de notre ère, par Quirinius gouverneur de Syrie, au moment de la destitution d’Archélaüs le tétrarque. Il fut déposé en 15 par le nouveau procurateur Valerius Gratus. Mais le pontificat resta dans sa famille puisque son fils Eléazar, son gendre Caïphe, et quatre autres de ses fils furent successivement pontifes. C’est son fils, Anan, qui, en 62, fera lapider Jacques ‘le frère du Seigneur’.
« C’était le beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. » (Jn 18, 13). Cela ne signifie pas, sous le stylet de Jean, que les grands prêtres changeaient chaque année. Jean savait fort bien que la charge était en principe inamovible. Mais du fait des vicissitudes politiques, les grands prêtres, de fait, pouvaient être destitués. Il se trouvait que, cette année-là (correspondant à 33 de notre ère), c’était bien Caïphe qui était grand prêtre, alors que son beau-père, Anne, toujours présent aux affaires, l’avait été autrefois.
La narration de Jean laisse supposer que les deux grands prêtres, Anne et Caïphe, habitaient dans le même palais, ou dans deux palais proches, puisque on voit Pierre se chauffer tantôt dans la cour du palais d’Anne (cf. Jn 18, 18), puis tantôt dans la cour du palais de Caïphe (cf. Jn 18, 25). C’était évidemment la même cour qu’il suffisait de traverser.
Le chiliarque, la cohorte et les gardes se saisissent de Jésus et le ligotent. Ils l’emmènent d’abord chez Anne. Ce qui montre bien qu’ils étaient délégués par les grands prêtres, et non par l’autorité romaine, ni même par les gardiens du Temple tout proche.
Simon-Pierre suivait avec un autre disciple. Certainement saint Jean lui-même, qui ne se nomme jamais dans l’évangile, mais qu’on voit toujours associé étroitement à l’apôtre Pierre, aussi bien chez les synoptiques que dans les Actes des apôtres. « Ce disciple était connu du grand prêtre. » (Jn 18, 15). Sans doute Jean était-il connu du grand prêtre, en tant qu’ancien disciple de Jean-Baptiste, et avait-il eu contact avec la délégation de prêtres et de lévites qui autrefois (cf. Jn 1, 19) était descendue de Jérusalem pour enquêter sur le Baptiste. Quoi qu’il en soit, il fait entrer Pierre. Et c’est pendant l’interrogatoire d’Anne que Pierre, par faiblesse, commet son premier reniement. Il succombe devant les soupçons de la jeune portière.
Les serviteurs et les gardes avaient fait un feu de braise et se chauffaient. Les nuits étaient encore fraîches en ce début du mois d’avril. (Nous sommes le 1er avril 33). Pierre, pour se donner bonne contenance, se joint à eux.
Jésus refuse assez sèchement de déférer aux questions du grand prêtre. « Demande à ceux qui m’ont entendu. » (Jn 18, 21). C’est que cet ex-grand prêtre, n’étant plus en fonction, n’avait pas directement autorité sur lui. Ses procédés inquisitoriaux étaient assez intempestifs. Il suffisait d’être poli avec lui, sans entrer dans son jeu.
L’un des gardes se permet de gifler l’accusé, avec le consentement tacite du juge improvisé. Ce qui montre bien que dans ce procès on ne respecterait aucune règle du droit.
Jésus garde toute sa dignité. Même dans cette posture, il ne se laissera pas convaincre de péché (cf. Jn 8, 46). « Si j’ai mal parlé, montre où est le mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18, 23). La charge de la preuve appartient au tortionnaire.
« Anne l’envoya alors, toujours lié, au grand prêtre Caïphe. » (Jn 18, 24).