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200. Complot contre Jésus. Le dimanche. Deux jours avant les Azymes selon Matthieu, Marc et Luc.

Matthieu 26, 1-5. Marc 14, 1-2. Luc 22, 1-2.

Et il arriva, quand Jésus eut achevé tous ces discours qu’il dit à ses disciples : « La Pâque, vous le savez, tombe dans deux jours et le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié. »

Cependant la fête des Azymes, appelée la Pâque, approchait. La Pâque et les Azymes allaient avoir lieu dans deux jours. Alors les grands prêtres et les scribes et les anciens du peuple cherchaient le moyen de le faire disparaître. Ils s’assemblèrent dans le palais du grand prêtre, qui s’appelait Caïphe, et se concertèrent en vue d’arrêter Jésus par ruse pour le mettre à mort. Ils disaient toutefois : « Pas en pleine fête de peur qu’il n’y ait du tumulte, il faut éviter un tumulte parmi le peuple. » Car ils craignaient le peuple.

Episode 200. Commentaire.

Nous sommes le dimanche 29 mars 33, le 9 de Nisan pour les juifs de Jérusalem. On peut dire que c’est le début de la Semaine Sainte, la dernière semaine de Jésus, car pour les juifs, la semaine commençait le dimanche, le premier jour après le sabbat. Les païens appelaient ce jour le jour du soleil, et dans beaucoup de langues modernes, on lui donne encore ce nom (cf. sunday, Sonntag…). Dans huit jours, ce sera la Résurrection du Christ, un autre premier jour de la semaine (cf. Mt 28, 1 ; Mc 16, 2.9 ; Lc 24, 1 ; Jn 20, 1).

Comment savons-nous, précisément, que nous sommes le dimanche 29 mars ? Sur les indications de Jean (12, 1), qui nous assure que Jésus vint à Béthanie six jours avant la Pâque. Dans son calendrier à lui qui est celui des juifs, la Pâque de cette année-là, le 15 Nisan, tombe le samedi 4 avril 33. Six jours avant, c’est le dimanche 29 mars. Pas plus compliqué que ça.

Comment savons-nous maintenant que le 14 Nisan de l’an 33 tomba le vendredi 3 avril, et par conséquent le 15 Nisan le samedi 4 avril ? Par l’astronomie, et par la consultation rétroactive du calendrier juif. La pleine lune de Nisan se produisit cette année-là, astronomiquement parlant, le vendredi 3 avril 33 à 14 h 33, soit à Jérusalem à 16 h 53.  Cf.http://www.imcce.fr/fr/grandpublic/phenomenes/phases_lune/index.php.

Il y eut même, ce jour-là, une éclipse partielle de lune visible à Jérusalem.

Mais dans ces occasions, le Sanhédrin reportait la solennité au lendemain pour éviter que le jour de Pâque coïncidât avec la Parascève (ou préparation) du sabbat. (Règle du Badu : cf. Arthur Loth, page 526).

Cette année-là donc, pour les juifs de Jérusalem, le sabbat de Pâque (15 Nisan) correspondit au sabbat hebdomadaire, et la Parascève de Pâque tomba le même jour que la Parascève du sabbat (vendredi 14 Nisan).

Les juifs de Galilée, et Jésus lui-même, n’obéissaient pas forcément au calendrier un peu artificiel du Sanhédrin, qui n’était publié nulle part, mais qui était seulement décrété quinze jours avant la Pâque au moment de la néoménie, qu’on appréciait d’ailleurs par des moyens artisanaux : on observait à vue le premier croissant de lune. Les galiléens ignoraient superbement cette règle du Badu, imitée du calendrier syro-macédonien, et ils pouvaient apprécier différemment l’âge de la lune, en comptant à partir de la conjonction astronomique réelle, et non pas à partir du premier croissant visible.

En l’an 33, la différence de célébration de la Pâque, entre les galiléens fidèles à l’ancienne observance mosaïque et le Sanhédrin de Jérusalem, fut de trois jours pleins. On s’explique.

Ce même jour du dimanche à Béthanie, 29 mars, nous dit Marc : « La Pâque et les Azymes allaient avoir lieu dans deux jours. » (Mc 14, 1). Dans Matthieu grec, c’est Jésus lui-même qui annonce péremptoirement à ses disciples : « La Pâque, vous le savez, tombe dans deux jours. » (Mt 26, 2). Et Luc, lui, nous dit seulement que « la fête des Azymes, appelée la Pâque, approchait. » (Lc 22, 1). Le langage des synoptiques, et de Jésus lui-même, est très net. Il ne s’agit en aucune manière d’une anticipation volontaire de la fête, mais bien d’une échéance du calendrier, connue de tous et qui s’impose à tous. Une anticipation volontaire de la fête, d’ailleurs, aurait eu quelque chose de contraire à la Torah, qui est formelle sur les dates : l’agneau pascal doit être immolé le quatorzième jour de la lune du premier mois, entre les deux soirs. Point final.

La différence de pratique entre Jésus et ses disciples, d’une part, et les juifs de Jérusalem, d’autre part, ne peut s’expliquer que par une différence de calendrier. Ce qui n’a d’ailleurs rien d’étonnant, vues la confusion, ou les incertitudes, qui pouvaient régner en ce domaine. Redisons-le : il n’existait pas en ce temps-là de calendrier formellement promulgué, ni d’almanach. C’était une appréciation qu’on faisait au dernier moment.

Nous avons donc discerné une différence de quatre jours entre le comput de Jean et celui des synoptiques, pour la fixation de l’échéance pascale. (6 – 2 = 4). Mais cette différence de quatre jours peut, et doit, se ramener à trois. En effet Jean parlait du 15 Nisan, jour de Pâque proprement dit, tandis que les synoptiques parlaient de la veille, où l’on immolait la Pâque, et où l’on commençait à débarrasser les maisons de tous les levains, pour ne consommer que des Azymes. C’est ce que dit formellement Marc : « Le premier jour des Azymes, où l’on immolait la Pâque. » (Mc 14, 12). Il parle évidemment du 14 Nisan. Matthieu grec (26, 17) et Luc (22, 7) s’expriment de même.

Mais cette différence de trois jours, qui subsiste, est incompressible. Il ne sert donc à rien d’avancer que Jésus aurait pu anticiper sa Pâque d’un jour. Un jour ce n’est pas trois. D’une part, on l’a vu, ce serait contraire aux propos mêmes de Jésus : « La Pâque, vous le savez, tombe dans deux jours. » (Mt 26, 2). D’autre part, ç’eût été violer la lettre de la Torah.

Arthur Loth avait déjà réfuté cette hypothèse d’une anticipation volontaire de la Pâque, qui était proposée depuis longtemps par maints  critiques : « On ne doit donc pas dire avec certains exégètes, pour expliquer le désaccord apparent des évangélistes entre eux, que Jésus-Christ anticipa la Pâque ; ce sont, au contraire, les sanhédrites qui selon leur calendrier la retardèrent. » (Page 528).

Il faut admettre une différence de calendrier entre Jésus et les galiléens, d’une part, les sanhédrites et les juifs de Jérusalem, d’autre part. Les synoptique, à la suite de Pierre, et Marc, ont suivi fidèlement celui de Jésus. Jean, par souci d’historicité, ou de légalité, a préféré celui du Temple et du Sanhédrin.

Ayant achevé tous ses discours Jésus, d’après Matthieu grec seul, prophétise ouvertement la trahison dont il va être l’objet, sa propre mort, et même son genre de mort. « Le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié. » (Mt 26, 2).

« Les grands prêtres et les scribes cherchaient le moyen d’arrêter Jésus par ruse pour le mettre à mort » nous dit Marc (14, 1). Matthieu grec, lui, sans doute mieux renseigné, parle d’un véritable complot. « Les grands prêtres et les anciens du peuple s’assemblèrent dans le palais du grand prêtre, qui s’appelait Caïphe, et se concertèrent en vue d’arrêter Jésus par ruse et de le mettre à mort. » (Mt 26, 3). Saint Luc, imitant Marc, est plus vague. Selon lui « les grands prêtres et les scribes cherchaient le moyen de le faire disparaître, car ils craignaient le peuple. » (Lc 22, 2).

Il s’agit d’une réunion politique du Sanhédrin, lequel n’est pas encore érigé en tribunal, comme il le sera au matin du Mercredi Saint. Cette réunion dans le palais de Caïphe, à l’endroit même où Jésus sera traduit dans quelques jours, doit absolument être distinguée, par la date, et même par le lieu, du conseil qui suivit la résurrection de Lazare et qui nous est rapporté par le seul Jean (cf. notre épisode 176 : Conseil des chefs juifs. Jn 11, 45-53). Selon une très ancienne tradition, ce conseil des chefs juifs, officieux et non officiel, s’était tenu dans la maison de campagne de Caïphe, sur le mont dit depuis « du Mauvais Conseil », au sud de Jérusalem, dans la campagne d’alors, au-delà de la vallée de la Géhenne. Nous avions fixé sa date aux environs du 1er mars 33, un mois et quelque avant la Pâque juive. A cette date, Jésus s’était déjà replié sur Ephraïm (cf. notre épisode 177. Jn 11, 54) ; de là, il redescendra dans la vallée du Jourdain, en direction de Jéricho. La décision de principe d’arrêter Jésus y fut arrêtée.

Ici, nous sommes en présence d’une réunion officielle, exécutoire, consécutive à l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, à l’expulsion des vendeurs du Temple, et à son enseignement provocateur dans les parvis du Temple pendant la semaine qui vient de s’écouler.

S’il avait nettoyé l’esplanade du Temple et s’il en assurait quotidiennement la police, c’était justement pour y prêcher librement. Mais cette audace tranquille, bien que légale et animée du plus pur zèle, ne plaisait pas, on s’en doute, aux prêtres et aux docteurs.

On voulait l’arrêter par ruse et le mettre à mort, nous disent Marc (14, 1) et Matthieu (26, 4). On ne pouvait en effet l’appréhender publiquement sur les parvis du Temple, car la foule eût pris son parti : l’idéal eût été de recourir à un traître et de se saisir de Jésus en cachette, en pleine nuit, en dehors du Temple.

Seulement, on ne voyait pas encore comment passer à l’acte. Car on craignait le peuple qui venait l’écouter avec enthousiasme. Et puis, l’on ne détenait aucun prétexte légal pour engager une procédure. On se voyait même contraint de surseoir les délais : « Pas en pleine fête, il faut éviter un tumulte parmi le peuple » nous disent de concert Matthieu grec (26, 5) et Marc (cf. Mc 14, 2). Luc affirme seulement qu’ « ils craignaient le peuple. » (Lc 22, 2). L’arrestation de Jésus est donc reportée après la Pâque. La démarche de Judas, qui est informé de ce qui se trame, viendra les tirer d’embarras. Ça sentait le roussi pour Jésus : c’est pourquoi Judas trahit. En un sens, il va précipiter les événements.

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