Retour au plan : PLAN
Comme certains disaient du Temple qu’il était orné de belles pierres et d’offrandes votives ; Comme Jésus sortait du Temple et comme il s’en éloignait, ses disciples le rejoignirent pour lui faire remarquer les constructions du Temple. Un de ses disciples lui dit : « Maître, regarde, quelles pierres ! quelles constructions ! » Et Jésus lui dit : « Tu vois ces grandes constructions ? » Il leur répondit : « Vous voyez tout cela, n’est-ce pas ? En vérité je vous le dis, il n’en restera pas ici pierre sur pierre. De tout ce que vous contemplez, des jours viendront où il ne restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Et comme il s’était assis sur le mont des Oliviers en face du Temple, les disciples : Pierre, Jacques, Jean et André vinrent lui demander, l’interrogèrent en particulier : « Maître, dis-nous : quand donc cela aura-t-il lieu, et quel sera le signe que tout cela va arriver, s’accomplir ? Quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ? » Alors Jésus se mit à leur dire, leur répondit : « Prenez garde qu’on ne vous abuse. Prenez garde de ne pas vous laisser abuser car il en viendra beaucoup sous mon nom qui diront : ‘C’est moi le Christ !’ et encore : ‘Le temps est tout proche’, et ils abuseront bien des gens. Ne vous mettez pas à leur suite. Vous aurez aussi à entendre parler, quand vous entendrez parler, de guerres et de rumeurs de guerres, de bouleversements, n’allez pas vous effrayer, ne vous laisser pas alarmer ; car il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas de sitôt la fin. » Puis il leur dit : « On se dressera, en effet, nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre, et il y aura çà et là des pestes et des famines. Il y aura aussi des phénomènes effrayants et dans le ciel de grands signes. Tout cela ne fera que commencer les douleurs de l’enfantement. « Mais avant tout cela, on portera la main sur vous, on vous persécutera. Soyez sur vos gardes. Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux sanhédrins et vous flagelleront. Vous serez battus de verges dans leurs synagogues. On vous livrera aux synagogues et aux prisons. On vous traduira, vous serez traînés, vous comparaîtrez, devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi, à cause de mon Nom, et cela vous permettra de témoigner en face d’eux et des païens. Car il faut d’abord que la Bonne Nouvelle soit proclamée à toutes les nations. « Mais quand on vous emmènera pour vous livrer, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler et que dire, ne vous préoccupez pas de ce que vous aurez à dire, mais dites ce qui vous sera donné sur le moment. Mettez-vous bien dans l’esprit que vous n’avez pas à préparer votre défense car je vous donnerai moi-même un langage et une sagesse, à quoi nul de vos adversaires ne pourra résister ni contredire. Car ce n’est pas vous qui parlerez mais l’Esprit Saint ; c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. « Alors on vous livrera aux souffrances et à la mort. Le frère livrera son frère à la mort et le père son enfant, et les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mourir. Vous serez livrés même par vos père et mère, par vos frères, vos proches, vos amis. On fera mourir plusieurs d’entre vous, et vous serez haïs de tous les peuples à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne périra. « Et alors beaucoup succomberont ; ce seront des trahisons et des haines intestines. De faux prophètes surgiront en grand nombre et abuseront bien des gens. Par suite de l’iniquité croissante l’amour se refroidira dans le grand nombre. « Mais celui qui aura tenu bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé. Vous sauverez vos vies par votre constance. « Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage à la face de tous les peuples. Et alors viendra la fin. « Mais quand vous verrez Jérusalem investie par les armées, rendez-vous compte alors que sa dévastation est toute proche. Lors donc que vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, installée dans le saint lieu, là où elle ne doit pas être (que le lecteur comprenne !), alors, que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes, que celui qui sera sur la terrasse ne descende pas rentrer dans sa maison et prendre ses affaires ; et que celui qui sera aux champs ne retourne pas en arrière pour prendre son manteau ! « Que ceux qui seront à l’intérieur de la ville s’en éloignent et que ceux qui seront dans les campagnes n’y rentrent pas ; car ce seront des jours de châtiment, où tout ce qui a été écrit devra s’accomplir. « Malheur à celles qui seront enceintes ou allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que votre fuite ne tombe pas en hiver ni un sabbat ! « Car il y aura alors, en ces jours-là, une grande détresse, telle qu’il n’y en a pas eu de pareille depuis le commencement où Dieu a créé le monde jusqu’à ce jour, et qu’il n’y en aura jamais plus. Et si le Seigneur n’avait abrégé ces jours, si ces jours-là n’avaient été abrégés, nul n’aurait eu la vie sauve ; mais à cause des élus qu’il a choisis, ils seront abrégés ces jours-là ; il a abrégé ces jours. « Il y aura en effet grande détresse dans le pays et colère contre ce peuple. Ils seront passés au fil de l’épée, emmenés captifs dans toutes les nations, et Jérusalem demeurera foulée aux pieds par des païens jusqu’à ce que soient révolus les temps des païens. « Alors si l’on vous dit : ‘Tenez, voici le Christ !’, ou ‘Tenez, le voilà !’, n’en croyez rien. Il surgira, en effet, de faux Christs et de faux prophètes qui opèreront, qui produiront des signes et des prodiges considérables capables d’abuser, si possible, même les élus. Pour vous soyez sur vos gardes ; ainsi vous voilà prévenus de tout. « Mais en ces jours-là, aussitôt après la détresse de ces jours-là, il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Le soleil s’obscurcira, la lune perdra son éclat, les étoiles se mettront à tomber du ciel. Sur la terre les nations seront dans l’angoisse, inquiètes du fracas de la mer et des flots ; les hommes mourront de frayeur, dans l’attente de ce qui menacera le monde. Car les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. « Et alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme ; et alors toutes les races de la terre se frapperont la poitrine. Et l’on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire. « Lorsque cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête car votre délivrance est proche. « Et alors il enverra ses anges avec une trompette sonore pour rassembler ses élus des quatre vents, des quatre coins de l’horizon, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel, d’un bout des cieux à l’autre. » Et il leur dit une parabole : « Du figuier apprenez cette parabole. Dès que sa ramure devient flexible et que ses feuilles poussent, vous vous rendez compte que l’été est proche. Voyez le figuier et les autres arbres : dès qu’ils bourgeonnent vous vous rendez compte en les regardant que désormais l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez tout cela arriver, rendez-vous compte qu’Il est proche, aux portes ; rendez-vous compte que le Royaume de Dieu est proche. « En vérité je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. « Quant à la date de ce jour, ou à l’heure, personne ne les connaît, ni les anges dans les cieux, ni le Fils, personne que le Père seul. « Tenez-vous sur vos gardes, de peur que vos cœurs ne s’appesantissent dans la débauche, l’ivrognerie, les soucis de la vie, et que ce Jour-là ne fonde soudain sur vous comme un filet ; car il s’abattra sur tous ceux qui habitent la surface de la terre entière. « Soyez sur vos gardes, veillez, car vous ne savez pas quand ce sera le moment. Il en sera comme d’un homme parti en voyage : il a quitté sa maison, tout remis aux soins de ses serviteurs, assigné à chacun sa tâche, et au portier il a recommandé de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître, quand le maître de la maison viendra, le soir, à minuit, au chant du coq ou le matin, de peur que venant à l’improviste, il ne vous trouve endormis. Et ce que je vous dis à vous, je le dis à tous : Veillez ! « Veillez donc et priez en tout temps, afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître avec assurance devant le Fils de l’homme. « Alors il en sera du Royaume des Cieux comme de dix vierges qui s’en allèrent, munies de leurs lampes, à la rencontre de l’époux. Or cinq d’entre elles étaient sottes et cinq étaient sensées. Les sottes, en effet, prirent leurs lampes, mais sans se munir d’huile ; tandis que les sensées, en même temps que leurs lampes, prirent de l’huile dans des fioles. Comme l’époux se faisait attendre, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Mais à minuit un cri retentit : ‘Voici l’époux ! sortez à sa rencontre !’ Alors toutes ces vierges se réveillèrent et apprêtèrent leurs lampes. Et les sottes de dire aux sensées : ‘Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.’ Mais celles-ci leur répondirent : ‘Il n’y en aurait sans doute pas assez pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands et achetez-en pour vous.’ Elles étaient parties en acheter quand arriva l’époux ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte se referma. Finalement les autres vierges arrivèrent aussi et dirent : ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’ Mais il répondit : ‘En vérité je vous le dis, je ne vous connais pas.’ Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. « C’est comme un homme qui, partant pour l’étranger, appela ses serviteurs et leur confia sa fortune. A l’un il remit cinq talents, deux à un autre, un seul à un troisième, à chacun selon ses capacités, et puis il partit. Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents alla les faire produire et en gagna cinq autres. Pareillement celui qui en avait reçu deux en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un s’en alla faire un trou en terre et enfouit l’argent de son maître. Après un long délai, le maître de ces serviteurs arrive et il règle ses comptes avec eux. Celui qui avait reçu les cinq talents s’avança et présenta cinq autres talents : ‘Seigneur, dit-il, tu m’as confié cinq talents : voici cinq autres que j’ai gagnés.’ -- ‘C’est bien, serviteur bon et fidèle, lui dit son maître, en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai ; entre dans la joie de ton seigneur.’ Vint ensuite celui qui avait reçu deux talents : ‘Seigneur, dit-il, tu m’as confié deux talents : voici deux autres talents que j’ai gagnés.’ -- ‘C’est bien, serviteur bon et fidèle, lui dit son maître, en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai ; entre dans la joie de ton seigneur.’ Vint enfin celui qui détenait un seul talent : ‘Seigneur, dit-il, j’ai appris à te connaître pour un homme âpre au gain : tu moissonnes où tu n’as pas semé, et tu ramasses où tu n’as pas répandu. Aussi, pris de peur, je suis allé enfouir ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien.’ Mais son maître lui répondit : ‘Serviteur mauvais et paresseux ! tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé, et que je ramasse où je n’ai rien répandu ? Eh bien ! tu aurais dû placer mon argent chez les banquiers, et à mon retour j’aurais recouvré mon bien avec un intérêt. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents. Car à tout homme qui a, l’on donnera et il aura du surplus, mais à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Et ce propre à rien de serviteur, jetez-le dehors, dans les ténèbres : là seront les pleurs et les grincements de dents. « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire. Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs. Il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux de droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir.’ Alors les justes lui répondront : ‘Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ?’ Et le Roi leur fera cette réponse : ‘En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’ Alors il dira encore à ceux de gauche : ‘Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le Diable et ses anges. Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger, j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire, j’étais un étranger et vous ne m’avez pas accueilli, nu et vous ne m’avez pas vêtu, malade et prisonnier et vous ne m’avez pas visité.’ Alors ceux-ci lui demanderont à leur tour : ‘Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou prisonnier, et de ne te point secourir ?’ Alors il leur répondra : ‘En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait.’ Et ils s’en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à la vie éternelle. » |
Sa journée accomplie, Jésus rentre sur Béthanie avec ses disciples. La distance est autorisée un jour de sabbat. Parvenus sur la plate-forme du mont des Oliviers, qui domine le Temple, Jésus et ses disciples se retournent pour contempler le paysage. A la tombée du jour le spectacle est magnifique. On s’assoit pour deviser. Décidemment c’est un jour de repos. On a tout le temps pour s’attarder. Quand la nuit sera venue, on ne sera plus le jour du sabbat, et l’on pourra marcher tranquillement jusqu’au logis,
Seuls quatre disciples nommément désignés : Pierre, Jacques, Jean et André, les deux paires de frères, sont en ce moment avec lui. Les autres ont dû prendre les devants, ou au contraire se sont attardés en ville. Jésus en profite pour donner à ces disciples choisis, les mêmes que ceux du mont Hermon, avec André en plus, ses ultimes instructions, ses ultimes pressentiments de l’avenir.
Le soleil tombe sur les remparts de l’ouest, du côté des tours de Phazaël, Mariamme et Hippicus, dont les noms rappellent les êtres qu’aima Hérode. Jérusalem s’étale à leurs yeux comme sur un gradin, avec le Temple et la vallée du Cédron en premier plan. Dans un grand ciel rouge, l’astre darde ses derniers feux sur les dorures et sur les marbrures du Temple, sur les toits et les murs de la ville avec ses nombreux palais : d’Hérode, des Asmonéens, des grands prêtres… C’est à vous couper le souffle.
Mais Jésus, en esprit, ne contemple pas seulement la Ville qu’il a sous les yeux. Il contemple aussi l’avenir. Qu’en sera-t-il demain de toute cette splendeur ? C’est ce voile de l’avenir qu’il va tenter de lever pour ses amis.
Un de ses quatre disciples ne peut manquer de lui dire : « Maître, regarde, quelles pierres ! Quelles constructions ! » (Mc 13, 1). Les constructions d’Hérode, en effet, étaient encore flambant neuf, et brillaient de toutes leurs blancheurs.
D’emblée, Jésus enlève à ses disciples toute illusion. Il leur livre sa prophétie la plus pessimiste : « Il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » (Mc 13, 2). Il met en garde contre les nombreux faux messies qui viendront en son nom. Il prévoit de nombreux cataclysmes, et pour ses disciples de nombreuses tribulations. Mais ce ne sera que le commencement des douleurs. « Vous comparaîtrez devant des gouverneurs et des rois. » (Mc 13, 9). Mais ils ne doivent pas se préoccuper de ce qu’ils diront. « Car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit Saint. » (Mc 13, 11).
Alors surviendra la dévastation de Jérusalem. L’abomination de la désolation, prévue par le prophète Daniel (cf. Dn 9, 27), s’installera dans le Temple. C’est-à-dire que la prophétie des soixante-dix semaines d’années (cf. Dn 9) trouvera son accomplissement.
« Que le lecteur comprenne ! » ajoute Marc (13, 14). Que le lecteur avisé comprenne l’allusion au prophète Daniel, à la prophétie des soixante-dix semaines, à une profanation du Temple bien pire que celle qu’avait perpétrée en son temps le persécuteur Antiochus Epiphane. Car lorsque le Prince-Messie aura été supprimé (cf. Dn 9, 25-26) les temps seront désormais révolus.
Une détresse inouïe s’emparera du pays et de la Ville. Les faux Christs et les faux prophètes pulluleront plus que jamais.
Alors surviendra la parousie, sans que soit prévu un délai. Les puissances des cieux seront ébranlées. Le Fils de l’homme surgira sur les nuées du ciel avec puissance et gloire. Les élus seront rassemblés d’une extrémité du monde à l’autre.
Marc introduit ici la courte parabole du figuier : « Du figuier apprenez cette parabole. Dès que sa ramure devient flexible et que ses feuilles poussent, vous vous rendez compte que l’été est proche. » (Mc 13, 28). Les autres arbres de Palestine, comme l’amandier, fleurissent souvent d’une manière trop précoce. Et les gelées tardives peuvent les surprendre. Le figuier, lui, ne commence à bourgeonner qu’en mars, et à donner ses premières feuilles. Désormais, rien ne peut interrompre sa germination. Le figuier est le précurseur certain de la belle saison.
« En vérité je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. » (Mc 13, 30). Chez Marc, aucune distinction n’est établie entre la tribulation de Jérusalem et la fin du monde. Tout semble se dérouler à la suite. C’est bien la preuve que ce discours dans Marc, et il sera de même pour les autres synoptiques, est écrit bien avant la ruine effective de Jérusalem, qui surviendra en 70 de notre ère.
« Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas. » (Mc 13, 31). La parole de Dieu, qui a créé le monde, est inébranlable et survivra au monde.
« Quant à la date de ce jour, ou à l’heure, personne ne les connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, personne que le Père. » (Mc 13, 32). La création du monde comme sa destruction relèvent de la puissance divine. Elles ressortissent des mêmes décrets éternels. Le Fils de l’homme, en tant qu’homme, n’a donc pas à connaître de la date de la fin du monde, ni à la révéler.
Certes, étant le Fils de Dieu, il l’a connaît dans sa nature divine, qui est la même que celle du Père. Et son intelligence humaine unie à celle du Verbe par l’union hypostatique la connaît par intuition. Mais c’est un secret qu’il n’a pas mission de révéler.
D’ailleurs l’humanité en général, pas plus que chaque homme en particulier, n’a à connaître la date de sa fin. Ce serait invivable.
Jésus, dans Marc, termine par un appel solennel à veiller. Il introduit ici une autre parabole : celle de l’homme parti en voyage. Il demande à ses serviteurs de veiller, car il peut revenir aussi bien le soir, qu’à minuit, au chant du coq, ou le matin.
Jésus sait pertinemment que ses paroles, délivrées sur le ton de la confidence à quelques amis, seront répercutées dans le monde entier : « Ce que je vous dis à vous, je le dis à tous : veillez ! » (Mc 13, 37).
Luc, dans son évangile, paraphrase librement la prose de Marc. Il y ajoute quelques notations originales.
Les disciples ne doivent pas se préoccuper de préparer leur défense : « car je vous donnerai moi-même un langage et une sagesse, à quoi nul de vos adversaires ne pourra résister ni contredire. » (Lc 20, 15). Luc attribue à Jésus l’initiative que Marc (13, 11) réservait à l’Esprit Saint.
« Mais quand vous verrez Jérusalem investie par les armées, rendez-vous compte alors que sa dévastation est toute proche. » (Lc 21, 20). Luc traduit en clair cette ‘abomination de la désolation’, notation que Marc empruntait à Daniel (9, 27), et annonce le siège de Jérusalem. Comme en Lc 19, 43-44, au moment des lamentations de Jésus sur Jérusalem (notre épisode 184), ses expressions sont bibliques et n’ont rien d’une description post eventum.
« Et Jérusalem demeurera foulée aux pieds par des païens, jusque soient révolus les temps des païens. » (Lc 21, 24). Ainsi se trouve introduit, entre la ruine de Jérusalem et la fin des temps, une période indéterminée où domineront les païens. Mais saint Paul dans son épître aux Romains (cf. Rm 11, 11-32) prévoit formellement qu’elle se terminera par une réconciliation en masse d’Israël avec la foi chrétienne. Il rejoindra la Jérusalem mystique à défaut de retrouver sa patrie charnelle.
« Lorsque cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est proche. » (Lc 21, 28). Les catastrophes qui s’abattent sur le monde ne doivent pas effrayer le chrétien. Au contraire, qu’il y voit un signe de sa libération prochaine car sa véritable demeure est dans les cieux.
Luc reprend intégralement la formule de Marc : « En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout ne soit arrivé. » (Lc 21, 32. Cf. Mc 13, 30). C’est bien la preuve que, comme Marc, il écrit avant la destruction de Jérusalem, qui aura lieu en 70 de notre ère.
Comme Marc, Luc termine par un appel solennel à la vigilance et à la prière. Mais il le fait avec des formules qui lui sont propres. Il remplace la parabole du serviteur qui doit veiller, par celle du filet qui s’abattra certainement, mais à l’improviste, sur toute la surface de la terre. « Veillez donc et priez en tout temps, afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de paraître avec assurance devant le Fils de l’homme. » (Lc 21, 36).
Matthieu grec commence par paraphraser Marc, comme l’a fait Luc de son côté. Mais il va considérablement enrichir le propos de Marc, par des emprunts à la source Q, l’évangile araméen de Matthieu, par l’adjonction de trois paraboles inédites (celle du majordome, celle des dix vierges, et celle des talents), et par la prophétie célèbre du jugement dernier, qui revêt elle aussi la forme littéraire d’une parabole : celle du berger qui, le soir venu, divise son troupeau entre brebis et boucs.
Ce discours eschatologique devient chez lui une pièce maîtresse de son évangile. Il ne sera autre que le cinquième et dernier des cinq grands discours autour desquels s’organise son plan septénaire : cinq grandes divisions d’enseignement (chacune terminée par l’un de ces discours), précédées des enfances du Christ, et suivies du récit de la Passion-Résurrection.
Ce discours (chapitres 24 et 25) se distribue lui-même selon un plan septénaire, dont nous donnons ci-dessous les grandes lignes.
Préambule : Mt 24, 1-3. Prétexte du discours : Jésus est assis sur le mont des Oliviers. Il répond à une question de ses disciples.
1. Commencement des douleurs : Mt 24, 4-14.
2. Tribulations de Jérusalem : Mt 24, 15-25.
3. Avènement du Fils de l’homme : Mt 24, 26-44.
4. Parabole du majordome : Mt 24, 45-51.
5. Parabole des dix vierges : Mt 25, 1-13.
6. Parabole des talents : Mt 25, 14-30.
7. Le jugement dernier : Mt 25, 31-46.
Les trois premières sections sont parallèles de l’évangile de Marc, avec des annotations propres. Les autres sections sont des ajouts.
1. Commencement des douleurs : Mt 24, 4-14.
« Par suite de l’iniquité croissante, l’amour se refroidira chez le grand nombre. » (Mt 24, 12). Cette perspective pessimiste est propre à Matthieu grec. Elle fait penser à la phrase qui conclut la parabole du juge inique et de la veuve importune, dans la source Q, notre épisode 165 : « Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? » (Luc 18, 8).
Dans un autre discours, le discours apostolique, troisième section : Persécution des missionnaires, Matthieu grec semble avoir déjà presque intégralement recopié la péricope de Marc : 13, 9-13 du présent discours eschatologique. Cf. Mt 10, 17-22 : « Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux sanhédrins et vous flagellerons dans leurs synagogues ; vous serez traînés devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi, pour rendre témoignage en face d’eux et des païens. Mais quand on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mourir. Et vous serez haïs de tous à cause de mon Nom, mais celui qui aura tenu bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé. » Dans la synopse-synthèse, nous remettons cette péricope de Matthieu (10, 17-22 donc) à sa place d’origine, ici, dans ce discours eschatologique, en parallèle, puis en synthèse, avec Marc et Luc et même Matthieu grec. Cette péricope, en effet, trouve quelques points de concordance avec Mt 24, 9-14.
2. Tribulations de Jérusalem : Mt 24, 15-25.
« Lors donc que vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, installée dans le saint lieu. » (Mt 24, 15). Matthieu grec traduit en clair l’allusion de Marc au prophète Daniel : Quand donc sera accomplie la prophétie des soixante-dix semaines d’années (cf. Dn 9). Marc avait dit : « Là où elle ne doit pas être. » (Mc 13, 14). Il précise l’endroit : « installée dans le saint lieu » (Mt 24, 15), c’est-à-dire dans le Temple. Et Matthieu grec de reproduire le clin d’œil de Marc : « Que le lecteur comprenne ! » (Mt 24, 15). Que le lecteur comprenne l’allusion pertinente à la prophétie. Qu’il veuille bien s’y reporter.
3. Avènement du Fils de l’homme. Mt 24, 26-44.
« Et alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme. » (Mt 24, 30). Matthieu parle du signe, alors que Marc montrait le Fils de l’homme en personne. Les Pères de l’Eglise ont vu dans ce signe la Croix du Christ. Cette croix qu’a vue Constantin, et qui embellit encore nos carrefours et nos campagnes. Il est bien juste qu’elle soit à l’honneur après avoir été à la peine.
A l’instar de Marc et Luc, Matthieu grec ne manque pas de répéter la prophétie qui amalgame la ruine de Jérusalem avec la fin du monde : « En vérité je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. » (Mt 24, 34). Il montre bien par là que son évangile, comme celui de Marc et celui de Luc, a été rédigé bien avant la ruine de Jérusalem, sans quoi il n’aurait pas ainsi confondu les deux perspectives.
Dans cette description de l’avènement du Fils de l’homme (Mt 24, 26-44, rappelons-le) Matthieu grec insère divers éléments manifestement repris de la source Q, l’évangile araméen, puisque on les retrouve dans la grande insertion de Luc : nos épisodes 163 et 164 : L’avènement du Fils de l’homme et Veiller pour ne pas être surpris ; ou même 125 : Se tenir prêt.
C’est pourquoi, dans la synopse-synthèse, en vertu de son principe constitutif, nous transportons les versets :
Mt 24, 26-27 dans l’épisode 163 : L’avènement du Fils de l’homme.
Mt 24, 28 et 24, 37-41 dans l’épisode 164 : Veiller pour ne pas être surpris.
Mt 24, 43-44 dans l’épisode 125 : Se tenir prêt.
Là même où ils sont censés avoir été pris. Et nous les fusionnons avec les versets de Luc correspondants.
Ce qui n’empêche Matthieu grec de reproduire ici, dans le discours eschatologique, l’avertissement sévère de Marc : « Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de maison viendra » (Mc 13, 35) sous la forme : « Veillez donc car vous ne savez pas quel jour va venir votre maître. » (Mt 24, 42). Nous laissons donc ce verset de Matthieu grec dans le discours eschatologique, en parallèle avec le verset correspondant de Marc.
Les trois paraboles qui suivent, chez Matthieu grec, apparaissent comme des illustrations, ou des développements, de cet appel à la vigilance.
4. Parabole du majordome. Mt 24, 45-51.
Elle est également reprise de la source Q. Dans la synopse-synthèse, nous l’avons transportée dans l’épisode 126 : L’intendant fidèle, en la fusionnant avec les versets correspondants de Luc : 12, 41-48. Nous l’avons donc déjà commentée, à cette occasion.
5. Paraboles des dix vierges. Mt 25, 1-13.
C’est là une parabole tout à fait originale qui ne provient donc pas, semble-t-il, de la source Q. Elle n’a pas non plus de parallèle dans Marc. Nous la laissons donc à sa place dans la synthèse.
Comme la parabole précédente, et comme il en sera de la parabole suivante, elle a été ajoutée par Matthieu grec dans son discours eschatologique parce qu’elle met en scène de façon imagée la parousie, le retour du Christ et le jugement final. Comme les deux autres, c’est donc une allégorie. Ici, les vierges représentent les âmes chrétiennes dans l’attente de leur époux, le Christ. Même s’il tarde, la lampe de leur vigilance doit rester prête.
« Alors » (Mt 25, 1), à ce moment-là, à l’heure de la parousie, « il en sera du Royaume des cieux comme de dix vierges. » (Id.). C’est l’humanité entière qui est figurée par ces dix vierges qui s’apprêtent à participer à un repas de noces.
L’huile des lampes, c’est manifestement l’état de grâce, ou encore la charité, qui seront nécessaires pour entrer dans la salle du banquet éternel. C’est eux qui feront la différence entre les élus et les réprouvés. La flamme de la foi, symbolisée par ces lampes qui s’éteignent, n’y suffira manifestement pas.
Ce qui permet à Matthieu grec de renouveler comme un refrain insistant (après Mt 24, 42) la monition finale de Marc : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » (Mt 25, 13).
6. Parabole des talents. Mt 25, 14-30.
Cette parabole est distincte, on l’a déjà dit (notre épisode 183), de la parabole des mines que Luc a placée juste avant la montée messianique de Jésus à Jérusalem (cf. Lc 19, 11-27). Elle était censée prononcée devant le palais d’Archélaüs, à Jéricho, car elle mettait en scène un roi qui partait à l’étranger pour se faire confirmer la royauté. Il confiait la même somme d’une mine à dix de ses serviteurs, à charge pour eux de la faire fructifier.
Ici, c’est apparemment un riche capitaliste qui remet huit talents, à trois de ses domestiques : « A l’un il remit cinq talents, deux à un autre, un seul à un troisième. » (Mt 25, 15).
Bien qu’elles soient assez proches, littérairement parlant, les deux paraboles ne sont pas superposables. La synopse les maintient à leur place respective. On admet, ce qui est une hypothèse fort vraisemblable, que Jésus a pu prononcer dans des occasions diverses des paraboles assez similaires. Rien n’interdit d’admettre l’authenticité christique de cette parabole des talents, de même que celle de la parabole précédente des dix vierges. Le diacre Philippe a pu les recevoir d’une source connue de lui seul. Il a beaucoup fréquenté, en effet, en Palestine ceux qui avaient connu personnellement Jésus.
Un talent, en tant qu’unité monétaire, valait 26 kilos d’argent. Les huit talents du riche propriétaire équivalaient donc à 208 kilos d’argent, soit encore à 20, 800 kilos d’or. Le talent représentait 6.000 drachmes. La somme totale se montait donc à 48.000 drachmes. La drachme attique correspondait à peu près à la valeur du denier romain. Et le denier romain, on le sait, représentait la journée de travail d’un ouvrier. C’était un capital que le bénéficiaire se devait de faire fructifier.
Les ‘talents’ de la parabole sont passés en proverbe pour désigner les capacités de chaque homme. A chacun de faire valoir les ‘talents’ qu’il a reçus en partage.
Les chrétiens sont ces serviteurs auxquels leur Maître, Jésus, laisse le soin de faire fructifier ses dons pour le développement de son règne, et qui devront lui rendre compte de leur gestion.
Les exégètes ont observé que les paraboles contenues dans ce discours eschatologique de Matthieu, pas plus d’ailleurs que la scène du Jugement dernier qui suit, ne sont précédées d’aucune transition. Elles se trouvent pour ainsi dire juxtaposées, sans aucune explication ni préambule. Cela s’explique fort bien, cependant, si l’on se souvient du plan septénaire que Matthieu grec a dans l’esprit. Il suit son plan, jusqu’à son complet achèvement, et chacune des sections vient en son lieu pour concourir à l’effet d’ensemble, sans qu’il soit besoin de la justifier. Le tout donne une composition grandiose, unifiée par une thématique unique : la préparation et l’annonce de la parousie, avec la nécessité de la vigilance.
7. Le jugement dernier. Mt 25, 31-46.
Apothéose de ce discours eschatologique, dans Matthieu grec. Apocalypse qui ne le cède en rien, sur le plan littéraire, à celle de Jean, ou aux autres textes de référence (Is 24-27 ; Ez 38-39 ; Dn 7-12 ; Za 9-14 ; Hénoch I ; Esdras IV…).
On peut considérer que c’est la révélation suprême de Jésus, concernant les destinées du monde. On dépasse le genre de l’allégorie, ou de la comparaison, puisque Jésus se met en scène lui-même sous le nom du Fils de l’homme. Il est le juge eschatologique. Il va se qualifier de « Roi » (Mt 25, 34). Il parle désormais en clair, alors que jusqu’à présent, et encore dans les trois paraboles précédentes, il ne parlait que par figure.
La prophétie du jugement dernier revêt pourtant la forme littéraire d’une parabole classique : l’évocation familière du berger qui, le soir venu, trie le troupeau qui lui fut confié, pour rendre chacun des sujets à son propriétaire. Une antithèse fondamentale : d’abord le jugement des justes, représentés par les brebis, ensuite le jugement des réprouvés, représentés par les boucs. La reprise, presque en miroir, des mêmes félicitations, qui se transforment dans la seconde partie en autant de blâmes : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger » (Mt 25, 35) qui devient après retournement : « J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger. » (Mt 25, 42). Et ainsi de suite.
Cette évocation du jugement dernier, mise dans la bouche du Christ, revêt donc tous les caractères de l’authenticité. Comment Matthieu grec l’a-t-il recueillie pour la placer dans ce contexte ? C’est ce que nous ignorons.
Quoi qu’il en soit, les exégètes ont eu raison de souligner les apports théologiques fondamentaux que nous apporte cette prophétie, qui est proprement une révélation : une vision anticipée de la fin du monde, qui nous est laissée par celui-là même qui en sera l’acteur principal.
Le jugement ultime des hommes s’opèrera par la charité. Le discernement ne se fera pas selon la foi, ou selon l’appartenance religieuse, ou selon l’intelligence qu’on aura eue des mystères, il s’accomplira uniquement selon le critère de la charité fraternelle.
Tout ce qu’on aura fait au moindre des hommes, c’est à Jésus-Christ lui-même qu’on l’aura fait. On a là l’un des fondements de cette doctrine du corps mystique que développera saint Paul. Dieu s’identifie avec chaque être humain, et presque avec chacune de ses créatures. Non pas en vertu d’une sorte de panthéisme. Mais parce que Dieu est réellement présent, en esprit, dans chacune de ses œuvres.
« Et ils s’en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à la vie éternelle. » (Mt 25, 46). Enseignement primordial et péremptoire de l’éternité du ciel comme de l’enfer, et du caractère irrévocable du jugement divin.