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191. Parabole du festin nuptial.

Matthieu 22, 1-14.

Et Jésus se remit à leur parler en paraboles : « Il en va du Royaume des Cieux comme d’un roi qui fit un festin de noces pour son fils. Il envoya ses serviteurs convier les invités à la noce, mais eux ne voulaient pas venir. De nouveau, il envoya d’autres serviteurs avec mission de dire aux invités : ‘Voyez, j’ai apprêté mon banquet, mes taureaux et mes bêtes grasses ont été égorgés, tout est prêt, venez aux noces.’ Mais eux, n’en ayant cure, s’en allèrent, qui à son champ, qui à son commerce ; et les autres, s’emparant des serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi fut courroucé et dépêcha ses troupes qui firent périr ces meurtriers et incendièrent leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : ‘La noce est prête, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux départs des chemins, et conviez aux noces tous ceux que vous pourrez trouver.’ Ces serviteurs s’en allèrent par les chemins, ramassèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.

« Le roi entra pour examiner les convives, et il aperçut là un homme qui ne portait pas la tenue de noce. ‘Mon ami, lui dit-il, comment es-tu entré ici sans avoir une tenue de noce ?’ L’autre resta muet. Alors le roi dit aux valets : ‘Jetez-le, pieds et poings liés, dehors, dans les ténèbres : là seront les pleurs et les grincements de dents.’ Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

Episode 191. Commentaire.

Comme la parabole des deux fils (notre épisode 189), elle ne se trouve que dans Matthieu grec. Les deux paraboles encadrent celle des vignerons homicides (notre épisode précédent) que transcrivent les trois synoptiques. Matthieu grec, comme on l’a dit, a voulu enrichir le discours de Marc.

« Parabole parsemée de traits allégoriques comme la précédente [qui, elle, figure dans Matthieu et Luc], et qui comporte la même leçon : le roi est Dieu, le festin de noces est la félicité messianique, le fils du roi étant le Messie ; les envoyés sont les prophètes et les apôtres ; les invités qui les négligent ou les outragent sont les Juifs ; ceux qu’on appelle de la rue sont les pécheurs et les païens ; l’incendie de la ville, c’est la ruine de Jérusalem. A partir du verset 11 [Le roi entra pour examiner…], la scène change et il s’agit alors du Jugement dernier. » (Bible de Jérusalem. Note à Mt 22, 1).         

On dirait plutôt que c’est l’histoire du monde, du début à la fin, admirablement prophétisée et symbolisée. Le festin de noces, c’est l’Eglise, prémices du Royaume. Les serviteurs du Roi, ce sont les prophètes, puis, dans un deuxième temps, les apôtres. Le banquet, c’est l’eucharistie, car « mes taureaux et mes bêtes grasses ont été égorgées » (Mt 22, 4) ne sont autres que le Christ lui-même, qui a été immolé, accompagné de tous les martyrs. Mais les juifs d’abord, qui seront imités par beaucoup de païens par la suite, n’ont cure de cette annonce. Ils vaquent à leurs affaires, plus importantes pour eux que la vie éternelle. Ils maltraitent, ils assassinent les envoyés de Dieu. La ruine de Jérusalem survient, qui est la ville des premiers meurtriers. Le courroux de Dieu a provoqué cette catastrophe. Mais après la ruine de Jérusalem, la salle du banquet n’en reste pas moins largement ouverte. Alors les envoyés s’en vont par les campagnes environnantes, qui symbolisent le monde entier. L’évangélisation se poursuit jusqu’à la parousie. Tout le monde enfin est entassé dans la salle, les justes comme les pécheurs.

« La salle de noce fut remplie de convives. » (Mt 22, 10). Le numerus clausus semble atteint. Le nombre des élus, prédestiné de toute éternité, parvient à son comble. Tous les élus dont les noms sont inscrits dans le livre de la vie se voient rassemblés. Le monde trouve alors son achèvement.

Mais la robe nuptiale est cependant exigée, qui symbolise l’état de grâce. Il ne suffit pas d’entrer physiquement dans la salle du banquet. Encore faut-il que l’âme participe de la fête qui est offerte. Il ne suffit pas d’être inscrit numériquement dans l’Eglise de Dieu pour avoir part au festin. Encore faut-il que la conversion du cœur aille de pair avec la présence nominative.

Au jour du jugement, l’œil du maître scrute avec attention tous les convives. « Le roi entra alors pour examiner les convives. » (Mt 22, 11). Ici, la possibilité de l’enfer, au dernier moment, est clairement évoquée : « Jetez-le, pieds et poings liés, dehors, dans les ténèbres : là seront les pleurs et les grincements de dents » (Mt 22, 13) comme elle le sera dans l’Apocalypse au moment du jugement des nations (cf. Ap 20, 15). 

« Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. » (Mt 22, 14). En ce sens que tout le monde, finalement, est invité, mais que peu, juifs ou païens, répondent à l’appel. Le nombre des croyants est toujours celui d’une minorité.

Cette parabole du festin nuptial donnée par le seul Matthieu grec, ressemble beaucoup à celle que nous avons déjà rencontrée dans la grande insertion de Luc : La parabole des invités qui se dérobent, notre épisode 143 (Cf. Lc 14, 15-24). L’enseignement qui est délivré dans les deux cas est à peu de choses près le même. Mais nous avons déjà dit, à l’époque, que les deux apologues ne pouvaient pas se superposer. On ne pourrait les confondre dans la synthèse. Dans la parabole de Luc, il s’agissait apparemment d’un simple particulier qui offrait un banquet. Ici, c’est un roi qui est mis en scène : il invite aux noces de son fils. Chez Luc, le serviteur du maître se voyait simplement rebuté. Dans Matthieu grec, les envoyés sont maltraités, puis assassinés.

Quoique elles soient construites sur un schéma identique [des invités qui sont conviés à un grand festin], avec une morale identique [les premiers invités seront finalement exclus de la fête], on admet que ce sont deux allégories distinctes, énoncées dans des occasions différentes.

Une remarque essentielle s’impose, au sujet de toutes ces paraboles. Qu’elles nous soient contées par le seul Marc, par le seul Matthieu ou par le seul Luc, ou qu’elles soient communes à tous ces auteurs, elles portent toujours la même marque de fabrique, elles restent frappées du sceau de l’authenticité christique. Elles ne peuvent que nous avoir été rapportées fidèlement, même si l’on ignore parfois les circonstances exactes dans lesquelles elles furent prononcées, ou par quel canal elles sont parvenues jusqu’à l’hagiographe. On le pressent : chacun des auteurs sacrés leur fait subir un traitement à sa manière, les revêt de son style. Mais, on vient de le vérifier dans un cas précis : La parabole des vignerons homicides qui précède (notre épisode 190), les variations littéraires qu’ils leur font subir restent vraiment minimes. Certes, ils ne s’astreignent pas à une fidélité mot pour mot. Ils relatent librement. Mais le fond du récit, la substance, sont soigneusement conservés.

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