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Voici quel fut le témoignage de Jean, quand les Juifs envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » Il confessa, il ne nia pas, il confessa : « Je ne suis pas le Christ. » -- « Quoi donc ? lui demandèrent-ils, es-tu Elie ? « Il dit : « Je ne le suis pas. » -- « Es-tu le prophète ? » Il répondit : « Non. » Ils lui dirent alors : « Qui es-tu, que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés ? Que dis-tu de toi-même ? » -- « Moi, dit-il, je suis une voix qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme dit le prophète Isaïe. » Ils avaient été envoyés par les Pharisiens. Ils lui posèrent encore cette question : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Elie, ni le prophète ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Au milieu de vous il est quelqu’un que vous ne connaissez pas, celui qui vient après moi, dont moi je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sandale. » Cela se passa à Bétharaba au-delà du Jourdain, où Jean baptisait. Le lendemain, voyant Jésus venir à lui, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. C’est de lui que j’ai dit : Il vient après moi un homme qui est passé devant moi parce qu’avant moi il était. Et moi je ne le connaissais pas ; mais c’est pour qu’il fût manifesté à Israël que je suis venu baptiser dans l’eau. » Et Jean déclara : « J’ai vu l’Esprit tel une colombe descendre du ciel et demeurer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’avait dit : ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint.’ Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est lui, l’Elu de Dieu. » |
Nous passons à l’évangile de saint Jean, pour une assez longue plage, pas moins de 9 épisodes.
Le ministère judéen du Christ, avant l’arrestation du Baptiste, n’est guère attesté que par le IVe évangile. Les anciens l’avaient déjà remarqué. Après son temps de retraite de 40 jours dans le désert de Judée, Jésus, aux alentours du 10 novembre de l’an 29, est revenu dans le val du Jourdain, où Jean continuait de baptiser. Justement, la veille même, une délégation du Sanhédrin, à l’instigation des Pharisiens, était descendue de Jérusalem pour enquêter sur Jean-Baptiste. Voilà que l’autorité religieuse, et non pas seulement politique, se préoccupait de lui.
A chaque instant nous devons pouvoir repérer la ‘traçabilité’ du témoignage évangélique. C’est-à-dire qu’à chaque étape de la vie du Christ, nous devons pouvoir rendre compte du canal, du chemin, qu’a dû emprunter la tradition pour parvenir jusqu’à nous. Mais ici, c’est particulièrement clair. C’est l’apôtre Jean, fils de Zébédée, disciple de Jean-Baptiste, avec son frère Jacques, et ses amis Pierre et André, qui fut le témoin privilégié de cette partie de la vie du Christ, car c’est lui, presque exclusivement, qui nous la rapporte dans son évangile. Il sera ce témoin privilégié pour tout le ministère judéen du Christ, alors que Pierre lui-même, en cette année 30, avait dû rester à Capharnaüm. Voila pourquoi Marc, son confident, ne nous racontera le ministère public du Christ qu’à partir du retour de Jésus en Galilée, après, comme il nous est dit avec insistance, que Jean-Baptiste eut été jeté en prison (cf. Mc 1, 14), c’est-à-dire au début de l’année 31. Mais nous y reviendrons.
Le témoignage que rend le Baptiste, au sujet de Jésus, est éloquent. Depuis que, il y a une quarantaine de jours, il a été le témoin de la descente de l’Esprit sur Jésus-Christ, et de la voix du Père qu’il a entendue, il en a lui-même été bouleversé, et il ne cesse de le proclamer à tous, y compris aux envoyés du Sanhédrin. C’étaient des prêtres et des lévites, sans doute particulièrement coriaces, retors, expérimentés. Soupçonneux, on le sent. D’autant plus qu’ils étaient envoyés, nous dit-on, par les Pharisiens, et spécialement, sans doute, sélectionnés par eux. Or la secte des Pharisiens, nous le savons, sera toujours imperméable et réfractaire, aussi bien à l’enseignement du Baptiste qu’à celui de Jésus-Christ.
Pour Jean-Baptiste tout est clair : lui a été envoyé pour baptiser dans l’eau. Le Messie, qui est déjà parmi nous, baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. A moi l’élément liquide. A vous le feu de l’Esprit. Autrement dit, les temps eschatologiques sont advenus. Les temps de la fin. Le feu qui incessamment consumera toutes choses. Jean-Baptiste n’imagine même pas que Jésus-Christ reprendra son rite d’eau, en le complétant pour en faire un baptême trinitaire. Autrement dit, que le Christ inaugurera une étape transitoire, avant la fin du monde et avant l’avènement de son règne définitif : le temps de l’Eglise. Il y aura là, pour Jean le Baptiste, une source de perplexité, de questionnements. Mais Jean, même sans comprendre, est bien décidé à s’effacer devant le Messie qui vient, à lui laisser pleine responsabilité, à lui faire entièrement confiance. Il ne va pas tarder à lui léguer même ses disciples.
Les termes qu’emploie Jean-Baptiste résument déjà tout l’évangile. On dirait qu’il emprunte, ou devine, le langage futur de Jésus ou encore celui du futur quatrième évangéliste : Jésus est l’Agneau de Dieu ; il existait avant Jean-Baptiste, c’est-à-dire qu’il est depuis toute éternité ; il est le Messie, l’Elu de Dieu ; sur lui repose l’Esprit Saint. Quelle théologie est déjà impliquée dans de tels maîtres mots !
Jean-Baptiste redit avec insistance qu’il ne connaissait pas Jésus. Pourtant selon l’évangéliste Luc ils étaient cousins. Et Marie était venue assister Elisabeth au moment de sa naissance. Mais sans doute, comme il le soutient, ils ne s’étaient jamais rencontrés. Lui, Jean, s’était réfugié dans les déserts dès son plus jeune âge. Et Jésus était resté à Nazareth, sauf à l’occasion de ses brèves visites au Temple, pour les grandes fêtes.