Retour au plan : PLAN
« Mais dites-moi votre avis. Un homme avait deux fils. S’adressant au premier, il lui dit : ‘Mon enfant, va-t-en aujourd’hui travailler à ma vigne.’ -- ‘Je ne veux pas’, répondit-il ; mais plus tard, pris de remords, il y alla. S’adressant au second, il lui dit la même chose ; l’autre répondit : ‘Entendu, Seigneur’, et il n’y alla point. Lequel des deux a fait la volonté du Père ? » -- « Le premier », répondent-ils. Jésus leur dit : « En vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu. En effet, Jean est venu dans la voie de la justice, et vous n’avez pas cru en lui ; les publicains, eux, et les prostituées ont cru en lui ; et vous, devant cet exemple, vous n’avez même pas eu un remords tardif qui vous fît croire en lui. » |
Des paraboles suivent. Des anecdotes suivent. Quelques accrochages, inévitables, se produisent avec les lettrés. Ils meublent les quelques journées qui courent avant le dimanche de l’Onction à Béthanie.
Matthieu grec insère seul, ici, la parabole des deux fils. Luc, bien sûr, l’omet car il ne la lisait pas dans Marc. De même, après la parabole des vignerons homicides donnée par les trois synoptiques, (le prochain épisode : 190), Matthieu grec seul insèrera la parabole du festin nuptial (notre épisode 191). Manifestement Matthieu grec, d’après de bonnes sources, a tenu à enrichir le discours de Marc.
Les trois paraboles précitées, aux traits fortement allégoriques, immédiatement transposables, visent très précisément les chefs juifs, ou les notables de la nation juive, les mêmes qui tout à l’heure se dérobaient au dialogue. Puisqu’ils refusent de parler, ils en auront pour leur grade. Leurs oreilles vont tinter. Ce Messie, non seulement il persiste, mais de plus il dit ce qu’il pense, il dit la vérité.
Quelqu’un qui proclame la vérité, est-ce supportable longtemps ?
Un homme avait deux fils. Et comme disait mon ancien confesseur, le père Capelle, ce n’est guère brillant ni d’un côté ni de l’autre. L’un dit : ‘J’y vais’ et il n’y va pas. L’autre dit : ‘Je refuse d’y aller’, mais finalement il se ravise, et il y va.
« Lequel des deux a fait la volonté du Père ? » (Mt 21, 31).
On serait tenté de répondre comme les juifs tout à l’heure : Je ne sais pas. Mais la diatribe de Jésus fuse, irrésistible, implacable. « Les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu. » (Id.). Pour une fois, et l’on ne peut manquer de le remarquer, Matthieu grec emploie comme par mégarde l’expression ‘Royaume de Dieu’. Elle n’était donc pas taboue pour lui, comme s’il n’aurait pu prononcer le nom divin.
« Vous n’avez même pas eu un remords tardif qui vous fît croire en lui » (Mt 21, 32) et qui eût suffi pour que vous soyez sauvés. Cette remarque finale laisse malgré tout un espoir pour les grands pécheurs, même endurcis.