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Ils viennent de nouveau à Jérusalem. Et alors que Jésus circule dans le Temple, un jour qu’il était entré dans le Temple, enseignait le peuple et annonçait la Bonne Nouvelle, les grands prêtres, les scribes et les anciens du peuple vinrent le trouver et lui parlèrent en ces termes : « Dis-nous par quelle autorité tu fais cela, ou quel est celui qui t’a donné cette autorité pour le faire ? » Jésus leur répondit : « Je ne vais vous poser moi aussi qu’une simple question. Si vous m’y répondez, moi aussi je vous dirai par quelle autorité je fais cela. Dites-moi donc : le baptême de Jean d’où venait-il, du Ciel ou des hommes ? Répondez-moi. » Mais ils se faisaient en eux-mêmes, par devers eux, ce raisonnement, ce calcul : « Si nous répondons : ‘Du Ciel’, il nous dira : ‘Pourquoi donc n’avez-vous pas cru en lui ?’ Mais allons-nous dire : ‘Des hommes’ ? Si nous répondons : ‘Des hommes’, nous avons à craindre la foule car tous tiennent Jean pour un prophète. Le peuple entier nous lapidera car il est persuadé que Jean est un prophète. » Ils redoutaient le peuple car tout le monde tenait que Jean avait été réellement un prophète. Alors ils firent à Jésus cette réponse : « Nous ne savons pas » ; ils répondirent ne pas savoir d’où il venait. De son côté Jésus leur répliqua : « Moi non plus je ne vous dis pas par quelle autorité je fais cela. » |
La chronologie des journées qui suivent est plus vague. Divers incidents et enseignements très riches vont nous conduire jusqu’au complot ourdi contre Jésus, rapporté par les synoptiques, et qu’on peut fixer au dimanche saint, 6 jours avant la Pâque juive (notre épisode 200). Il faut bien tout cet espace de temps, du mardi au dimanche, pour contenir les événements qui précédèrent la Semaine Sainte proprement dite.
Les chefs juifs n’ont pas réagi à l’expulsion des vendeurs du Temple. Mais dans la nuit, ils ont dû se concerter avec fébrilité. Déjà Marc nous avait avertis : « Cela vint aux oreilles des grands prêtres et des scribes et ils cherchaient comment le faire périr. » (Mc 11, 18). Aussi le lendemain, le mardi donc, quand Jésus revient dans le Temple, on lui envoie une forte délégation. Bien plutôt, d’après les trois synoptiques, ce sont les grands prêtres, les scribes et les anciens qui viennent à lui. On ouvre la discussion.
En un sens, on lui reconnaît son autorité prophétique (authentique, ou prétendue). On ne lui envoie pas la police, ou les huissiers, ou les gardes. On vient en personne. C’est dire l’intensité dramatique du moment. C’est une confrontation au sommet, entre le Messie (vrai ou supposé) et les chefs de la religion juive. Une espèce de pile ou face aussi. Si jamais sa prétention s’avérait fondée, on devrait, en toute logique, lui céder les clefs du Temple, se prosterner devant lui, l’introniser, le proclamer officiellement Messie d’Israël et successeur de David. Quel risque devrait-on prendre, face à l’occupant romain !
Bien plus, on discerne dans cette démarche des chefs une reconnaissance implicite de la légitimité de son action de la veille, qu’on ne lui reproche pas. Oui, il a eu raison. Mais de quel droit le fait-il ? De qui tient-il son autorité ? Quelles sont ses lettres de créance ? Vient-il de Dieu, ou s’est-il seulement autoproclamé ? C’est ce dont on veut s’assurer.
Mais le dialogue va tourner cours, car il n’est pas abordé franchement. De la part des chefs juifs, a priori la réponse à leur propre question ne fait aucun doute : Non tu n’es pas le Messie. Non tu ne viens pas de la part de Dieu. Oui, tu n’es qu’un usurpateur.
Les chefs ont posé d’emblée, ex abrupto pourrait-on dire, la bonne question, celle qu’ils ont le droit, et même en un sens le devoir de poser : « Par quelle autorité fais-tu cela ? Ou qui t’as donné cette autorité pour le faire ? ». (Mc 11, 28). Ou bien tu es le Messie, et alors tu agis par l’autorité de Dieu, ou bien tu ne l’es pas, et dans ce cas-là pourquoi te mêler de la police du Temple ? Mais la question est biaisée dès le départ, car ils sous-entendent : tu n’as aucune autorité pour faire cela, car tu ne viens pas de Dieu.
Si Jésus dit : ‘Je suis le Messie’, on lui dura ; ‘Tu mens’. Et s’il dit : ‘Je ne le suis pas’, il avoue son propre néant, il est perdu.
Aussi, Jésus les déroute une fois de plus, en ne répondant pas directement. Il dévie la question sur Jean-Baptiste. Le baptême de celui-là venait-il du ciel ou des hommes ? Si vous me répondez franchement, je vous dirai moi aussi, franchement, par quelle autorité je fais cela.
Les chefs juifs montrent aussitôt leur mauvaise foi en ne répondant pas à la question, pourtant simple et apparemment anodine de Jésus. C’est eux, à leur tour, qui se trouvent placés devant un dilemme. Le piège qu’ils tendaient s’est refermé sur eux. Ils délibèrent en eux-mêmes. Les deux options sont également gênantes. « Nous ne savons pas. » (Mc 11, 33).
Le débat est ajourné pour aujourd’hui. « Moi non plus je ne vous dis pas par quelle autorité je fais cela. » (Id.). Et les chefs se retirent bredouilles, et vexés. Ils laissent provisoirement le champ libre à Jésus.
Avouer Jean-Baptiste ç’eût été en quelque sorte avouer Jésus lui-même, car Jean-Baptiste avait formellement, et devant témoins, reconnu Jésus. Désavouer Jean-Baptiste, c’était aller contre l’évidence, et contre le sentiment commun du peuple, puisque sa sainteté, et son martyre, ne faisaient aucun doute.
Matthieu grec et Luc ont presque exactement démarqué le libellé de Marc, sans y ajouter d’élément nouveau.