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186. Les vendeurs chassés du Temple, le même jour.

Matthieu 21, 12-17. Marc 11, 15-19. Luc 19, 45-48.

Ils arrivent à Jérusalem. Etant entré dans le Temple, Jésus se mit à chasser tous les vendeurs et les acheteurs qui s’y trouvaient, et il culbuta les tables des changeurs ainsi que les sièges des marchands de colombes ; et il ne laissait personne transporter d’objet à travers le Temple.

Et il les instruisait et leur disait : « N’est-il pas écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations ? Et vous, vous en avez fait un repaire de brigands ! »

Cela vint aux oreilles des grands prêtres et des scribes et ils cherchaient comment le faire périr ; car ils le craignaient, parce que tout le monde était ravi de son enseignement.

Il enseignait journellement dans le Temple. Les grands prêtres et les scribes cherchaient à le faire périr, les notables du peuple aussi. Mais ils ne savaient comment s’y prendre, car le peuple entier l’écoutait, suspendu à ses lèvres. Le soi venu, il s’en allait hors de la ville.

Il y eut aussi des aveugles et des boiteux qui se présentèrent à lui dans le Temple, et il les guérit. Devant ces prodiges qu’il venait d’accomplir et ces enfants qui criaient dans le Temple : « Hosanna au fils de David ! » les grands prêtres et les scribes furent indignés et ils lui dirent : « Tu entends ce qu’ils disent, ceux-là ? » -- « Parfaitement, leur répond Jésus, n’avez-vous jamais lu ce texte :

Par la bouche des tout petits et des nourrissons,

tu t’es ménagé une louange ? »

Puis il les planta là et sortit de la ville pour aller à Béthanie, où il passa la nuit.

Episode 186. Commentaire.

Nous sommes le même jour que l’histoire du figuier stérile, le lendemain donc de l’entrée solennelle. Nous avons bien retenu que, d’après Marc, il avait tout inspecté autour de lui en retrouvant ce Temple dont il avait déjà chassé les vendeurs, pour la Pâque de l’an 30, trois ans auparavant : un bail ! (Notre ancien épisode 22). Seul Jean avait rapporté l’événement.

Hier au soir, on avait trouvé la place nette. On rentrait les étalages à la tombée de la nuit. Mais ce matin, lundi 23 mars, 3 de Nisan, 12 jours avant la Pâque, les marchands reprennent de très bonne heure leurs habitudes invétérées, avec la complicité tacite des autorités du Temple, qui y trouvent leur intérêt, sans doute en instaurant, au mépris de la loi religieuse, un droit de place.

Les marchands ont même devancé Jésus, pourtant matinal. Son sang d’israélite fervent, et de Fils de l’homme autoproclamé, ne fait qu’un tour. La leçon qu’il avait donnée trois ans auparavant n’a donc pas suffi !

Il n’est pas dit, cette fois, qu’il se fit un fouet avec des cordes. Mais il culbute bel et bien les tables des changeurs et les sièges des marchands de pigeons. Il expulse vendeurs aussi bien qu’acheteurs. C’est un beau hourvari !

Et de toute la journée, il maintient sa surveillance. « Il ne laissait personne transporter d’objet à travers le Temple. » (Mc 11, 16). Tant qu’il est à Jérusalem, semble nous dire Marc, il assume la police du Temple que les grands prêtres négligeaient d’appliquer.

Les synoptiques reprennent sensiblement le même enseignement qu’avait donné saint Jean, à propos de la première purification du Temple. Ils citent tous les trois les prophètes, Isaïe et Jérémie. « Ma maison sera appelée une maison de prières pour toutes les nations. » (D’après Is 56, 7). « Vous en avez fait ‘un repaire de brigands’. » (D’après Jr 7, 11). Alors que Jésus disait dans Jean : « Otez cela d’ici. Ne faites plus de la maison de mon Père une maison de commerce. » (Jn 2, 16). Ce qui revient à peu près au même.

On l’a déjà dit à propos de l’épisode de l’an 30, il ne faut surtout pas voir, dans le fait d’expulser les vendeurs, un attentat de Jésus contre le Temple, ou contre le culte pratiqué dans le Temple. Jésus, ainsi, se serait mis dans son tort, et eût été immédiatement arrêté, peut-être même exécuté. Bien au contraire, Jésus se contente d’appliquer strictement la Torah. Il agit ainsi en vertu de son infini respect et amour pour la maison de Dieu son Père, laquelle est aussi sa propre maison. Aucune instance ne sera immédiatement engagée contre lui, parce qu’on n’aurait trouvé aucun motif valable. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne lui garde pas secrètement rancune.

C’est une action proprement messianique que vient d’accomplir Jésus. Les jours du Messie sont échus. Et sa volonté doit prévaloir dans l’immédiat. Le peuple, en l’occurrence, se manifeste pour lui dans sa masse. Cette performance de Jésus eût été par le fait impossible, sans l’acquiescement et le concours populaires. Reste à savoir si les autorités installées vont l’entendre de cette oreille. 

D’après Matthieu grec, renseigné par ailleurs sur cette même journée : « Il y eut aussi des aveugles et des boiteux qui se présentèrent à lui dans le Temple, et il les guérit. » (Mt 21, 14). Et les foules, spécialement les enfants, continuent leurs acclamations de la veille : « Hosanna au fils de David ! » (Mt 21, 15). Bien sûr, les grands prêtres, le parti des scribes, et autres Pharisiens, sont indignés. Mais ils n’entament contre lui aucune procédure, car ils savent pertinemment qu’il est dans son droit.

Toujours d’après Matthieu grec, ils se contentent de le réprimander à haute voix, car ils ne peuvent supporter d’entendre ces acclamations. « Tu entends ce qu’ils disent, ceux-là ? – Parfaitement, leur répond Jésus ; n’avez-vous jamais lu ce texte : ‘Par la bouche des tout petits et des nourrissons, tu t’es ménagé une louange’ ? » (Mt 21, 16). Le psaume huitième, ici, est cité selon la Septante (cf. Ps 8, 3 LXX).

Mais les chefs, renfrognés, n’en sont que plus décidés à tuer Jésus. Ils ne cherchent qu’une occasion favorable. Manifestement, l’expulsion des vendeurs de l’esplanade du Temple, aussi bien au début du ministère de Jésus qu’aujourd’hui, n’en était pas une. En effet, tout le peuple l’approuvait, et la Loi était avec lui.

Cette journée mémorable achevée, Jésus, comme à son habitude, rentre à Béthanie avec ses disciples pour y passer la nuit.

Petitfils nous explique fort bien (pages 118-119 de son livre sur ‘Jésus’) que le marché des bestiaux, ou des changeurs, se tenait ordinairement sur le mont des Oliviers, qui, par delà la porte Dorée, était tout proche du Temple. Ce n’est en effet que depuis l’an 30, l’année même où Jésus avait expulsé les marchands une première fois, que les grands prêtres toléraient, moyennant sans doute redevance, que le marché se tînt sur l’esplanade du Temple. C’était une invasion, contraire à l’esprit de la Torah. C’était une innovation intempestive, contre laquelle Jésus s’insurgeait.

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