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182. Zachée, à Jéricho.

Luc 19, 1-10.

Entré dans Jéricho, il traversait la ville. Survint un homme du nom de Zachée. C’était un chef de publicains, et qui était riche. Et il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait à cause de la foule, car il était petit de taille. Il courut donc en avant et monta sur un sycomore pour voir Jésus, qui devait passer par là. Arrivé en cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. » Et vite il descendit et le reçut avec joie. Ce que voyant, tous murmuraient et disaient : « Il est allé loger chez un pécheur ! » Mais Zachée, résolument, dit au Seigneur : « Oui, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rendrai le quadruple. » Et Jésus lui dit : « Aujourd’hui cette maison a reçu le salut, parce que celui-là aussi est un fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui étai perdu. »

Episode 182. Commentaire.

Puisque Luc nous a montré Jésus entrant dans Jéricho, ou plutôt dans l’un des faubourgs de Jéricho, pour guérir l’aveugle, il nous le montre maintenant traversant la ville et rencontrant Zachée. Il est seul à nous rapporter cette histoire, certainement authentique, car remarquablement ciblée dans le temps et dans l’espace, et dans ses autres circonstances. D’où la tient-il ? Disons qu’il la doit aux résultats de son enquête personnelle, qui fut sérieuse, et diligentée sur place, en Palestine, durant plusieurs années. Il en sera de même pour la parabole des mines qui suit juste après, remarquablement située dans l’environnement local.

Comme l’épisode suivant, Luc l’a intercalée dans la séquence de Marc. Et Matthieu grec, pour le coup, devient l’organe témoin pour nous démontrer que l’histoire de Zachée et la parabole des mines ne figuraient pas dans le texte guide.

Jésus avance au milieu d’une foule dense. Il est vrai que les pèlerins devaient être nombreux qui empruntaient cette route menant à Jérusalem. En descendant dans le val du Jourdain, Jésus avait rejoint volontairement le gros des fidèles juifs, venus de Galilée, ou de Décapole, ou de Pérée, ou de plus loin encore, et qui marchaient pieusement en vue de célébrer la Pâque. Nous devions être autour du 21 mars 33, le 1er Nisan juif, qui est le premier jour de l’année liturgique, la veille de l’équinoxe de printemps, qui tombait cette année-là le 22. A l’occasion de la néoménie, nous rappelle Daniel-Rops (page 386) des feux joyeux brillaient la nuit sur les hauteurs, dont on était d’ailleurs entouré. La végétation, très avancée par rapport au reste de la Palestine, devait être foisonnante. Dans la plaine, les blés et les orges grandissaient.

Donc Jésus s’avance au milieu d’une quasi-émeute. Le publicain Zachée, qui était de petite taille, ne veut pas manquer le spectacle. Il court en avant, vers la sortie du bourg, se poster dans un sycomore. Ces arbres existent toujours dans la région. Ce sont de magnifiques spécimens, au feuillage très fourni, où l’on peut facilement se dissimuler. De grosses racines, sortant de terre, facilitent l’ascension.

La curiosité, ou peut-être la ferveur naissante, de ce fonctionnaire, très mal vu de la population locale (pensez-vous ! le fermier des impôts, qui plus est au service direct de l’occupant romain !), seront récompensées au-delà de son attente.

Jésus, qui a la vue perçante, a distingué de loin son manège. Quand il arrive à la hauteur du sycomore, il l’interpelle par son nom. « Zachée, descends vite. » (Lc 19, 5). Tiens ! Comment connaît-il mon nom, le Fils de David ? Il a le don de double vue, ou quoi ? « Car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. » (Id.). C’était un rêve pour lui d’accueillir le Maître en partance pour Jérusalem, de lui offrir, à lui et à ses disciples, le logis et le couvert pour l’étape de la nuit, dans sa grande maison. Mais jamais il n’aurait osé lancer cette invitation. Il ne s’en jugeait pas digne. Il se sentait même un peu en marge de la ferveur populaire, exclu de la liesse.

Faveur inespérée, c’est le Maître lui-même qui fait la proposition, et publiquement. Descendu de son arbre, il se prosterne aux pieds de Jésus, puis il le conduit dans sa demeure, où ses domestiques sont déjà alertés. Ce qui n’a pas l’heur de plaire à tout le monde. On entend des murmures de réprobation dans l’assistance. « Il est allé loger chez un pécheur ! » (Lc 19, 7) Et qui plus est un pécheur public. Mais Zachée fait sa confession, également publique. Il est résolument converti. « Je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rendrai le quadruple. » (Lc 19, 8). C’était la peine prévue pour les voleurs (cf. Ex 21, 37 et 2 S 12, 6) à laquelle il se condamnait lui-même. Et Jésus rend grâce à son sujet. « Parce que celui-là aussi est fils d’Abraham. » (Lc 19, 9).

Son état de vie n’est pas incompatible avec le salut, quelle que soit la réprobation populaire. De même Jean-Baptiste, dans son ministère, avait déjà accueilli des publicains, ou des soldats, ou des membres d’autres professions mal famées, et les avaient conviés à une vie de justes. « N’exigez rien au-delà de ce qui vous est fixé. » (Lc 3, 13). « Ne molestez personne. » (Lc 3, 14).

C’était la qualité de fils d’Abraham qui conférait aux juifs leurs privilèges, et non pas l’appartenance à telle ou telle confrérie, l’observance de tel ou tel rite. Mais l’accès du Royaume allait bientôt être ouvert à tous les fils d’Adam, de toute caste et de toute ethnie.

Luc termine par une sentence qui a retenti plusieurs fois, sous une forme ou sous une autre, dans la source Q, dans sa grande insertion. Elle ponctue en effet les trois paraboles de la miséricorde (nos épisodes 146, 147 et 148) : « Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Lc 19, 10 ; cf. Lc 15, 6.9.24.32). Cette sentence rappelle la réflexion de Jésus, quand il eut fait choix de Matthieu-Lévi, cet autre publicain, et qu’il mangeait avec lui et ses collègues : « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs. » (Mt 9, 13 ; Mc 2, 17 ; Lc 5, 32). C’était notre épisode 40.

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