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« Comme il advint aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il encore aux jours de l’avènement du Fils de l’homme. En ces jours qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme ou mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; et le déluge vint qui les fit tous périr. Les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge qui les emporta tous. « Il en sera tout comme aux jours de Lot ; on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait ; mais le jour où Lot sortit de Sodome, Dieu fit tomber du ciel une pluie de feu et de soufre, qui les fit tous périr. « Tel sera aussi l’avènement du Fils de l’homme. De même en sera-t-il le Jour où le Fils de l’homme doit se révéler. « En ce Jour-là que celui qui sera sur la terrasse et aura ses affaires dans la maison, ne descende pas les prendre et, pareillement, que celui qui sera aux champs ne retourne pas en arrière. Rappelez-vous la femme de Lot. Qui cherchera à épargner sa vie la perdra, et qui la perdra la conservera. Alors je vous le dis, en cette nuit-là, deux seront sur un même lit : l’un sera pris et l’autre laissé ; deux femmes seront en train de moudre ensemble : l’une sera prise et l’autre laissée. » Prenant alors la parole, ils lui dirent : « Où, Seigneur ? » Il leur répondit : « Où que soit le cadavre là se rassembleront les vautours. Où sera le corps, là aussi les vautours se rassembleront. » |
Les deux épisodes précédents, et celui-ci, sont liés par une perspective commune. 162 : ‘La venue du Royaume’ regarde le premier avènement du Sauveur, discret et comme subreptice, dans l’histoire des hommes. 163 : ‘L’avènement du Fils de l’homme’, au contraire, décrit l’avènement dernier et fulgurant du Fils de l’homme à la fin des temps. 164 : ‘Veiller pour ne pas être surpris’, donne en quelque sorte des consignes aux chrétiens pour n’être pas pris au dépourvu dans les deux cas.
Ne faisons pas comme les contemporains de Noé, au temps du Déluge.
A la fin de l’âge glaciaire, une brusque montée des eaux dans la Mésopotamie noya des millions de kilomètres carrés de plaine. C’est l’origine de la légende racontée dans nos Bibles, et qui possède un fond de vérité. Beaucoup perdirent brusquement la vie.
N’imitons pas non plus les habitants de Sodome et Gomorrhe, contemporains d’Abraham. Ils menaient une vie insouciante, adonnée à l’impureté la plus extrême. Leurs villes furent soudainement anéanties par une pluie de feu, qui les surprit dans leurs activités de tous les jours.
On a effectivement trouvé, au sud-est de la mer Morte, dans la péninsule d’El Lisan, qui s’avance dans la mer, les restes de deux villes calcinées : Bab edh-Dhra, qui serait l’ancienne Sodome, et Numeira, qui serait Gomorrhe. Elles auraient été détruites au même moment par un gigantesque incendie. Leurs cimetières mêmes portent des traces de dévastation par le feu.
Tout cela pour nous avertir que la fin du monde ressemblera aux autres cataclysmes qui ont souvent endeuillé l’histoire humaine.
Et c’est ainsi, continue le texte de Luc, qu’il faut réagir devant ces catastrophes qui sont de petites fins du monde, des préfigurations de la vraie, des ‘apocalypses’ (sic) comme on aime à dire de nos jours. Que celui qui est sur la terrasse ne descende pas prendre ses affaires. Que celui qui est aux champs ne retourne pas en arrière. Il faut fuir sans se regarder. Rappelons-nous la femme de Lot, qui fut changée en statue de sel.
Les colonnes de sel qu’on rencontre dans la dépression de la mer Morte sont des témoins des anciens niveaux de cette mer gorgée de sel (dix fois plus que la moyenne).
Qui voudra sauver à tout prix sa vie corporelle perdra la vraie vie, qui est la vie éternelle. Et qui acceptera de perdre sa vie en monde, la recouvrera dans l’autre.
Sur deux personnes surprises par l’avènement imprévu du Fils, l’une sera prise au paradis mais l’autre laissée. « Où, Seigneur ? » (Lc 17, 37) se risquent à demander les disciples. Et c’est la réponse énigmatique : « Où sera le corps, là aussi les vautours se rassembleront. » (Id.). Les démons se repaîtront des âmes pécheresses, non introduites en paradis. Il fallait bien qu’ils bénéficiassent d’un lot de consolation !
Pour sa part, Matthieu grec a repris des lambeaux de tout ce passage de la source Q (Lc 17, 26-37), de différentes manières, en divers endroits de son évangile.
Il a transposé Lc 17, 26-27 dans son discours eschatologique, ce discours qu’il a considérablement amplifié par rapport à Marc : « Comme les jours de Noé, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme. En ces jours qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche, et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge, qui les emporta tous. » (Mt 24, 37-39). C’est dans la troisième section (Mt 24, 26-44) de ce discours eschatologique, qui traite de : L’avènement du Fils de l’homme.
Il a transposé Lc 17, 34-35 juste à la suite des versets précédents, dans la même troisième section de son discours eschatologique : « Alors, deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé ; deux femmes en train de moudre : l’une est prise, l’autre laissée. » (Mt 24, 40-41.
Il a repris le dernier proverbe de la péricope : Lc 17, 37b toujours dans cette troisième section de son discours eschatologique, mais un peu avant : « Où que soit le cadavre, là se rassembleront les vautours. » (Mt 24, 28).
Plusieurs phrases de la péricope (Lc 17, 26-37 rappelons-le) se retrouvent équivalemment dans Marc et montrent par là qu’elles appartiennent à la double tradition. Lc 17, 31 a son double dans le discours eschatologique de Marc : « Que celui qui sera sur la terrasse ne descende pas pour rentrer dans sa maison et prendre ses affaires ; et que celui qui sera aux champs ne retourne pas en arrière pour prendre son manteau. » (Mc 13, 15-16). Et Matthieu grec possède aussi cette phrase en parallèle dans son propre discours eschatologique : cf. Mt 24, 17-18. De même Luc, dans le sien, a une phrase semblable : cf. Lc 21, 21. Notre futur épisode 198.
Enfin le proverbe de Lc 17, 33 se lit à peu de chose près dans Marc : « Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera. » (Mc 8, 35). Et là, il aura son parallèle aussi bien dans Matthieu grec (16, 25) que dans Luc (9, 24), qui imitent Marc. Notre épisode 90 : Conditions pour suivre Jésus. Il se lit encore dans la sixième section du discours apostolique de Matthieu grec, sous la forme : « Qui aura trouvé sa vie la perdra et qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera. » (Mt 10, 39). Notre épisode 73. On ne saurait dire s’il l’emprunte, ici, à Marc ou à la source Q. De même on retrouve cette pensée dans saint Jean, preuve que c’était un lieu commun de Jésus : « Qui aime sa vie la perd ; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle. » (Jn 12, 25).
C’est tout un chassé-croisé d’emprunts qu’on observe dans Matthieu grec comme dans Luc, soit à Marc, soit à la source Q. Les deux sources montrent bien ainsi, par leurs ressemblances, leur origine commune, qui n’est autre que la prédication vivante de Jésus.