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« Il est plus facile que le ciel et la terre passent que ne tombe un seul menu trait de la Loi. » |
Matthieu grec a reproduit dans le Sermon sur la montagne un adage très voisin de sens, que nous n’avons cependant pas voulu regrouper avec celui de la source Q : « Car je vous le dis en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, pas un iota, pas un menu trait ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. » (Mt 5, 18).
Dans Luc, et la source Q, la Loi est considérée comme pérenne en elle-même, indestructible, jusque dans ses moindres détails.
Dans Matthieu grec, la Loi toute entière est réputée plutôt comme prophétique, et aucune de ses prophéties, jusqu’à la moindre, ne restera irréalisée quand surviendra la parousie.
Par Loi, il faut naturellement entendre, en abrégé, toute la Bible inspirée de Dieu : la Torah, aussi bien que les Prophètes, et les Ecrits.
« Pas un iota, pas un menu trait, ne passer de la Loi. » (Mt 5, 18). Jésus-Christ semble bien vouloir nous enseigner par là que la Bible, la Sainte Ecriture, est inspirée par Dieu jusque dans ses moindres détails, jusque dans sa lettre. Et de fait l’Ecriture, l’Ancienne comme la Nouvelle, ne nous est parvenue que par le truchement des manuscrits reproduisant le texte original, manuscrits recopiés généralement avec le plus grand soin, mais comportant cependant des variantes assez nombreuses que les éditions critiques s’efforcent de comparer, ou de soupeser. La Bible est infaillible jusque dans sa littéralité, si toutefois la littéralité est certaine.
Comment cependant allons-nous concilier cette doctrine, avec cette déclaration de saint Paul, qui fait partie elle aussi des textes inspirés : « Car la lettre tue, l’Esprit vivifie. » (2 Co 3, 6). Mais c’est que la Sainte Ecriture nous est donnée aussi bien pour tuer que pour vivifier ! Elle reste une épée à double tranchant.
La lettre est le corps de l’Ecriture. Et le corps demeure matériel, un peu comme dans la Personne du Christ, son corps physique. Dans le corps, certes, habite l’Esprit. Mais les deux, le corps et l’Esprit, gardent des fonctions différentes, l’un élève et l’autre condamne. Toute Ecriture, bien qu’ ‘incarnée’ en quelque sorte dans la lettre, doit être lue, et méditée, et interprétée selon l’Esprit, et non selon la lettre. Elle reste une loi de liberté, et non pas d’esclavage. La lettre, certes, est importante, et c’est pourquoi les copistes, et l’Eglise elle-même, nous l’ont conservée avec le plus grand soin, la plus scrupuleuse exactitude possible. Mais elle reste cependant ambiguë et bivalente. La Bible, inspirée par l’Esprit, ne peut être comprise et pratiquée avec profit que dans l’Esprit, c’est-à-dire en réalité en Eglise, car l’Eglise reste habitée par l’Esprit Saint depuis le jour de la Pentecôte. C’est ce qu’avait voulu nous signifier saint Pierre, quand il écrivait dans sa seconde épître : « Avant tout, sachez-le : aucune prophétie d’Ecriture n’est objet d’explication personnelle. » (2 P 1, 20).