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« Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et celui qui épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère. » |
Maxime de double tradition, typique. On la trouve à la fois dans Marc et dans la source Q, l’évangile araméen. Marc écrira dans notre futur épisode 169 (que nous intitulerons avec la Bible de Jérusalem : Question sur le divorce) : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à l’égard de la première ; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. » (Mc 10, 11-12). Et Matthieu grec dans le passage parallèle du même épisode : « Or, je vous le dis : quiconque répudie sa femme – je ne parle pas de la fornication – et en épouse une autre, commet un adultère. » (Mt 19, 9). Quant à Luc, il omettra cette Question sur le divorce, et n’aura donc pas de parallèle avec Marc et avec Matthieu grec en cet endroit-là. Peut-être aura-t-il considéré alors que cette mention de la répudiation ferait double emploi avec ce qui était déjà dit dans la source Q, reproduite dans sa grande insertion.
On remarque que le texte de saint Marc est plus complet : il envisage le cas de l’homme qui divorce, aussi bien que celui de la femme. On considère généralement que la prédication de saint Pierre à Rome, diligemment notée par son disciple et interprète Marc, reflétait le droit romain, plutôt que le droit juif. Car le droit juif n’accordait le droit de répudiation qu’à l’homme et non pas à la femme. Saint Pierre, de lui-même, aura voulu adapter l’enseignement du Christ à son auditoire d’origine païenne. Dans ce cas-là, la source Q présenterait plus fidèlement la teneur originale des propos de Jésus.
On note aussi que saint Matthieu a introduit dans la maxime une incise qui restreint, ou précise, la pensée de Jésus, et dont l’interprétation a fait couler beaucoup d’encre : « Je ne parle pas de la fornication. » (Mt 19, 9). Nous nous permettons de renvoyer cette question à plus tard. Nous la traiterons dans le commentaire de notre épisode 169, quand nous parviendrons, dans la synopse-synthèse, aux textes parallèles de Matthieu (19, 9) et de Marc (10, 11).
En tout cas, il est certain que dans Marc, aussi bien que dans la source Q, le présumé évangile araméen de l’apôtre Matthieu, Jésus affirme de façon péremptoire l’indissolubilité du mariage. Le mariage reste indissoluble en droit, même s’il ne l’est pas peut-être en fait : il ne doit pas être dissous. Le remariage, du vivant du conjoint, est un adultère. Il tombe donc sous le coup du Décalogue.
Cette position catégorique de Jésus, et l’on ne peut douter qu’elle ne soit de lui, marque une évolution très nette par rapport à la pratique juive : elle implique la condamnation de la bigamie, ou de la polygamie, qui restaient encore théoriquement autorisées par la Torah, même si elles étaient peu à peu tombées en désuétude. En effet, épouser une seconde, ou une troisième, femme, du vivant de la première, devient de fait un adultère. La coutume des Patriarches, comme des rois, de l’Ancienne Alliance qui contractaient force unions, se trouve implicitement condamnée. Il est évident, ici, que Jésus légifère avec autorité pour les temps messianiques, pour l’Eglise des temps futurs, advenus avec lui. Il n’entend pas porter de jugement sur le passé, mais seulement réformer les moeurs, faire parvenir l’humanité à son âge adulte, qui est celui du Royaume de Dieu.
Comme il l’affirmera dans Marc (10, 6) et dans Matthieu (19, 8) cette réforme correspond à une restauration de l’état primitif, à une mise en pratique de la volonté originelle du Créateur.