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« Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à présent le Royaume des Cieux souffre violence et des violents le prennent de force. Tous les prophètes, en effet, ainsi que la Loi, ont mené leurs prophéties jusqu’à Jean. Jusqu’à Jean ce furent la Loi et les prophètes. Depuis lors le Royaume de Dieu est annoncé, et tous s’efforcent d’y entrer par violence. » |
Nous entrons dans une série de notations disparates. Matthieu grec reprendra certaines d’entre elles dans divers endroits de son évangile.
Ici, la mention de Jean-Baptiste amène naturellement Matthieu grec à placer celle-ci dans la section narrative de sa quatrième partie : Le Mystère du Royaume de Dieu (Mt 11, 1 – 13, 52), au moment où il met en scène, justement, Jean-Baptiste, posant des questions au Christ de sa prison (c’était notre épisode 50).
La phrase de Luc seul, et de la source Q, était ainsi libellée : « Jusqu’à Jean ce furent la Loi et les Prophètes ; depuis lors le Royaume de Dieu est annoncé, et tous s’efforcent d’y entrer par violence. » (Lc 16, 16). La violence dont il est question ici, c’est évidemment celle que l’on se fait à soi-même. Le Royaume de Dieu, étant une réalité spirituelle, ne peut faire l’objet d’une violence physique. Mais il est vrai qu’il souffre aussi violence, passivement, de la part des puissances démoniaques qui luttent par tous les moyens, y compris les persécutions, contre son instauration.
Le Royaume de Dieu est en réalité publiquement annoncé depuis que Jean-Baptiste a commencé sa prédication. Jésus lui-même a pris le relais, lors de son baptême dans le Jourdain. Jean, et le Christ, n’ont cessé de proclamer : « Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche. » (Mt 3, 2 ; 4, 17).
Le Royaume de Dieu a commencé, en vérité, sur terre quand Jésus-Christ a été baptisé, et quand les premiers disciples y furent eux-mêmes agrégés par le baptême trinitaire. C’est bien ce qu’avait déclaré Jésus-Christ à Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer au Royaume de Dieu. » (Jn 3, 5).
Mais jusqu’à Jean inclus, ce furent la Loi et les Prophètes. Autrement dit : l’économie de l’Ancienne Alliance qui avait commencé pour les israélites au Sinaï avec les Dix commandements, ou même dès Abraham avec la circoncision, qui était déjà une consécration au vrai Dieu. ‘La Loi et les Prophètes’, dans la bouche de Jésus, désigne aussi par ellipse toute la Bible telle que la recevaient les juifs de cette époque : essentiellement la Torah, ou le Pentateuque, et les Prophètes. A ces deux ensembles, on rajoutait tacitement ce qu’on appelait les Ecrits (Psaumes, Job, Proverbes… etc.).
Matthieu grec rédige un peu différemment son propos : « Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à présent le Royaume des Cieux souffre violence, et des violents le prennent de force. Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont mené leurs prophéties jusqu’à Jean. » (Mt 11, 12-13). Dans la Loi et les Prophètes, le Royaume de Dieu était seulement préfiguré, ou annoncé comme une réalité future, propre aux temps messianiques. Depuis que Jean-Baptiste a baptisé Jésus dans le Jourdain le Royaume de Dieu a vraiment fait irruption de manière visible dans le monde. Mais il est encore réservé à une mince élite. C’est pourquoi les gens avisés s’efforcent d’y entrer, même en jouant des coudes, même s’il le faut par l’astuce et la ruse. Quelle aubaine inouïe, à ne surtout pas manquer ! C’est encore mieux que le gros lot !
C’est une leçon pour nous qui, depuis la Pentecôte, nous épanouissons à l’aise dans le Royaume de Dieu, le Royaume des baptisés, comme si c’était pour nous un dû ! Comme si c’était une sinécure ! Pourvu que nous n’en fassions pas une réalité triviale alors qu’il est le ciel sur la terre !