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« A votre avis, lequel d’entre vous s’il a cent brebis et vient à en perdre une, si un homme possède cent brebis et qu’une d’elles vienne à s’égarer, n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres, ne va-t-il pas laisser les quatre-vingt-dix-neuf autres dans les montagnes, dans le désert, pour partir à la recherche de celle qui est égarée, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? Et, s’il parvient à la retrouver, quand il l’a retrouvée, en vérité je vous le dis, il la met tout joyeux sur ses épaules et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et leur dit : ‘Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui s’était perdue !’ C’est ainsi, je vous le dis, qu’il tire plus de joie d’elle que des quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne se sont pas égarées. Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentir. « De même on ne veut pas, chez votre Père qui est aux cieux, qu’un seul de ces petits se perde. » |
Matthieu grec a utilisé cette magnifique parabole de la brebis perdue dans son discours ecclésiastique. Elle forme la troisième section de ce discours : cf. Mt 18, 12-14. Parce que cette parabole regarde aussi les relations qu’on doit avoir entre frères de la même Eglise. On doit toujours songer au membre le plus faible, ou même au membre perdu. Priorité à la recherche de la brebis perdue doit être accordée dans la communauté ecclésiale. Le Christ donne l’exemple.
Matthieu grec parle des montagnes, au lieu du désert. Il a légèrement raccourci la parabole. On ne voit pas chez lui le Christ (car c’est bien lui) mettre la brebis sur ses épaules, selon l’image traditionnelle qu’on donne du Bon Pasteur. On ne le voit pas non plus réunir ses amis et ses voisins, pour se réjouir avec eux. La vieille dame de la drachme perdue, dans l’épisode suivant, reprendra ce geste, de réunir amies et voisines.
Matthieu grec a donc schématisé quelque peu l’apologue. Il en a fait plutôt un élément de dissertation, entrant dans le cadre de son discours ecclésiastique. Il lui donne une conclusion légèrement différente, très mystique aussi : « On ne veut pas, chez votre Père qui est aux cieux, qu’un seul de ces petits ne se perde. » (Mt 18, 14). Tandis que chez Luc on lisait : « Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir. » (Lc 15, 7).
La parabole de la brebis perdue, chez Luc comme chez Matthieu grec, et dans la bouche du Christ en tout cas, semble à elle seule résumer le poignant chapitre 34 d’Ezéchiel, qu’il faut relire, qu’on voudrait citer, ici, tout entier. La parabole montre, littéralement, la réalisation de la prophétie. Yahvé l’avait clairement annoncé : « C’est moi qui ferai paître mes brebis et c’est moi qui les ferai reposer, oracle du Seigneur Yahvé. Je chercherai celle qui est perdue, je ramènerai celle qui est égarée, je panserai celle qui est blessée, je guérirai celle qui est malade. Celle qui est grasse et bien portante, je veillerai sur elle. Je ferai paître avec justice. » (Ez 34, 15-16).
Saint Jean l’évangéliste, dans son chapitre 10, reprendra et amplifiera ce thème du Bon Pasteur. Et chez lui le Christ proclamera clairement : « Je suis le Bon Pasteur. Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. » (Jn 10, 11).
Jésus n’est autre que Yahvé : « Yahvé sauve », venu sur terre se mettre à la tête de l’humanité, et la conduire vers le salut.
Les « quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir », dans Luc (15, 7), sont les fidèles un peu assoupis, les justes qui se croient en situation acquise, et qui ne manifestent guère de repentir.
« On ne veut pas, chez votre Père qui est aux cieux, qu’un seul de ces petits ne se perde » conclut Jésus chez Matthieu grec (18, 14). Le Bon Dieu, dans sa miséricorde, s’intéresse non seulement au sort de l’humanité prise dans son entier, mais encore au sort du plus petit, ou du plus misérable, d’entre nous.