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A ces mots, l’un des convives lui dit : « Heureux celui qui prendra son repas dans le Royaume de Dieu ! » Il lui répondit : « Un homme donnait un grand dîner, auquel il invita beaucoup de monde. A l’heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : ‘Venez ; maintenant tout est prêt.’ Mais tous, unanimement, se mirent à s’excuser. Le premier lui dit : ‘J’ai acheté une terre et il me faut aller la voir ; je t’en prie, tiens-moi pour excusé.’ Un autre dit : ‘J’ai acheté cinq paires de bœufs et je pars les essayer ; je t’en prie, tiens-moi pour excusé.’ Un autre dit : ‘Je viens de me marier, et pour cette raison je ne puis venir.’ « A son retour, le serviteur rapporta cela à son maître. Le maître de maison, courroucé, dit à son serviteur : ‘Va-t-en vite par les places et les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux.’ -- ‘Maître, dit le serviteur, tes ordres sont exécutés, et il y a encore de la place.’ Le maître alors dit à son serviteur : ‘Va-t-en par les chemins et le long des clôtures, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison se remplisse. Car je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner. ' » |
Cette parabole ressemble beaucoup à celle du festin nuptial qu’on trouvera dans Matthieu grec (cf. Mt 22, 1-14 : notre futur épisode 191). Matthieu grec l’a intercalée entre deux épisodes de Marc (et de Luc qui suit Marc), après l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem, peu avant la Passion.
Pourtant le libellé, et l’intrigue, des deux paraboles ne sont pas les mêmes : dans celle de Luc, apparemment, c’est un homme ordinaire, quoique riche, qui invite à son repas. Dans celle de Matthieu, c’est un roi. Dans la première, les invités renvoient l’envoyé du maître, dépité mais intact. Dans la seconde les invités tuent allégrement les ambassadeurs du roi. De plus chez Matthieu grec la parabole rebondit, car le roi inspecte les convives enrôlés par surprise, et rejette celui qui ne portait pas la tenue prescrite. Tandis que dans la parabole de Luc, le maître de maison se contente de faire entrer de force des vagabonds de grand chemin.
On suppose, dans la synopse-synthèse, que ce sont deux paraboles distinctes, quoique assez similaires. Jésus lui-même a pu reprendre un schéma identique de parabole sous diverses formes. Un même thème sous diverses variations. Il était orfèvre en la matière. N’est-ce pas ?
Les deux paraboles ne seraient pas superposables dans la synthèse. Le texte obtenu serait hybride. C’est l’une des raisons principales qui nous les ont fait séparer : l’une laissée dans la grande insertion de Luc, et l’autre maintenue dans le ministère hiérosolymitain chez Matthieu grec. Elles resteront sans parallèle dans les deux cas, dans la synopse.
Dans la parabole de Luc, ici, le maître de maison, qui habite manifestement dans une ville, invite ses hôtes de substitution à deux reprises. Il récupère d’abord tous « les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux » (Lc 14, 21), « par les places et les rues de la ville. » (Id.). Et dans un deuxième temps, il fait prospecter « par les chemins et le long des clôtures » (Lc 14, 23), c’est-à-dire dans la campagne environnante, pour compléter à tout prix le nombre des élus : « afin que ma maison se remplisse. » (Id.).
Le nombre des élus, en effet, est un nombre prédestiné par les soins de la Providence. Les noms des élus sont inscrits de toute éternité dans le livre de la Vie que nous présente l’Apocalypse (cf. Ap 3, 5 ; 13, 8 ; 17, 8 ; 20, 12). Coûte que coûte, de gré ou de force, ce nombre sera honoré. Le monde ne s’achèvera pas qu’il ne soit atteint. Prions pour en être.