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« Dès que le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte, et que, restés dehors, vous vous serez mis à frapper à la porte en disant : ‘Seigneur, ouvre-nous’, il vous répondra : ‘Je ne sais d’où vous êtes’. Alors vous vous prendrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu sous tes yeux, tu as enseigné sur nos places’. Mais il vous répondra : ‘Je ne sais d’où vous êtes ; loin de moi, tous les malfaisants !’ « Là seront les pleurs et les grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le Royaume de Dieu, et que vous vous verrez jetés dehors. « Eh bien ! je vous dis que beaucoup viendront du levant et du couchant, du nord et du midi, prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux, dans le Royaume de Dieu, tandis que les sujets du Royaume seront jetés dehors, dans les ténèbres : là seront les pleurs et les grincements de dents. « Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. » |
La parabole du maître de maison, dans Luc et la source Q, explicite, ou commente, la sentence que Jésus a proférée dans l’épisode précédent : « Beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et n’y parviendront pas. » (Lc 13, 24).
« Dès que le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte. » (Lc 13, 25). Il s’agit donc de la situation post mortem. Dieu ne refuse pas le salut à celui qui le cherche, ou l’implore, sur cette terre. Mais ceux qui seront surpris par la mort sans s’être repentis, même s’ils avaient la velléité de le faire plus tard, ceux-là frapperont en vain. Il faut entendre, là, un appel à la vigilance, un appel à ne pas différer indéfiniment la démarche de conversion.
Et la source Q de reprendre ici la commination du psaume sixième : « Loin de moi tous les malfaisants ! » (Lc 13, 27 ; Ps 6, 9). Seulement les malfaisants, mais tous les malfaisants - non repentis - seront mis à la porte du Royaume. A contrario : aucun homme, ou femme, de bonne volonté ne sera jeté(e) dehors. Tous et toutes seront pris, ou prises.
Matthieu grec a cité au moins en trois endroits de son évangile cette parabole du maître de maison. « Restés dehors vous vous serez mis à frapper à la porte en disant : ‘Seigneur ouvre-nous’, il vous répondra : ‘je ne sais d’où vous êtes’ » de Luc (13, 25) faisait fortement penser à la finale de la parabole des dix vierges (Mt 25, 11-12) dans le fameux discours eschatologique. Peut-être même Matthieu grec a-t-il construit toute la parabole pour parvenir à cette conclusion. Peut-être aussi le diacre Philippe a-t-il hérité de cette parabole des dix vierges par une voie inconnue de nous, une parabole dont la finale ressemblait étrangement au verset de Luc que nous venons de citer. Dans le doute, nous laissons disjointes, dans la synthèse, les deux sentences, et nous supposons que le Christ a prononcé des phrases similaires, à plusieurs reprises. Ce qui n’a rien d’étonnant en soi d’ailleurs.
De même ces versets de Luc : « Alors vous vous prendrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu sous tes yeux, tu as enseigné sur nos places’. Mais il vous répondra : ‘Je ne sais d’où vous êtes ; loin de moi tous les malfaisants ! » (Lc 13, 26-27). Ils rappellent beaucoup les versets Mt 7, 22-23 dans la finale du Sermon sur la montagne : les vrais disciples. Mais dans Matthieu il était question de prophétiser en son Nom, de chasser les démons, de faire bien des miracles. Malgré la ressemblance nous avons supposé qu’il s’agissait de paroles distinctes, proférées dans des circonstances autres.
Par contre, nous admettons que les versets de Luc : « Là seront les pleurs et les grincements de dents, quand vous vous verrez Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes dans le Royaume de Dieu et que vous vous verrez jetés dehors. Et on viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu. » (Lc 13, 28-29) ont été transposés par Matthieu grec juste après le Sermon sur la montagne, dans l’épisode de la guérison du serviteur d’un centurion (notre épisode 48) : cf. Mt 8, 11-12. L’ordre des propositions est légèrement bouleversé, mais les mots, et les expressions, sont les mêmes. Naturellement, il a changé Royaume de Dieu en Royaume des Cieux.
On constate tout le travail de marqueterie littéraire auquel s’est livré l’auteur de notre premier évangile.
« Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers » (Lc 13, 30) conclut Luc dans la grande insertion. Des formules semblables paraissent avoir été prononcées par Jésus à de multiples occasions. On les trouve parsemées dans Marc, dans Luc et dans Matthieu. Elles sont de double tradition.
Ici, dans Luc, les derniers correspondent aux gens « du levant et du couchant, du nord et du midi » (Lc 13, 29), autrement dits les païens, tandis que les premiers sont les fils d’ « Abraham, Isaac, Jacob » (Lc 13, 28), qui se croyaient en sécurité, qui se tenaient pour le peuple élu.