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126. L’intendant fidèle.

(Matthieu 24, 45-51). Luc 12, 41-48.

Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tout le monde ? » Le Seigneur répondit : « Quel est donc l’intendant, le serviteur fidèle et avisé, que le maître a établi sur les gens de sa maison pour leur donner la nourriture en temps voulu, pour leur donner en temps voulu leur ration de blé ? Heureux ce serviteur, que son maître à son arrivée trouvera occupé de la sorte ! En vérité je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens. Mais si ce mauvais serviteur dit en son cœur : ‘Mon maître tarde à venir’, et qu’il se mette à battre serviteurs et servantes, ses compagnons, à manger, à boire et à s’enivrer en compagnie des ivrognes, le maître de ce serviteur viendra au jour qu’il n’attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas ; il le retranchera et lui assignera son lot parmi les infidèles, parmi les hypocrites : là seront les pleurs et grincements de dents !

« Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’aura rien tenu prêt et n’aura pas agi selon cette volonté recevra un grand nombre de coups. Quant à celui qui, sans la connaître, aura par sa conduite mérité des coups, il n’en recevra qu’un petit nombre. A qui on aura donné beaucoup il sera beaucoup demandé, et à qui on aura confié beaucoup, on réclamera davantage ! »

Episode 126. Commentaire.

Dans l’épisode précédent (Se tenir prêt), il s’agissait bien d’une parabole, puisque l’apôtre Pierre (il y a déjà longtemps que nous n’avions plus entendu parler de lui) éprouve le besoin de demander : « Est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tout le monde ? » (Lc 12, 41). La question paraît naïve, car évidemment le Maître parlait pour tout le monde. Cependant Jésus, dans la parabole suivante, va se conformer au point de vue de Pierre, et des apôtres, au nom de qui Pierre s’exprimait. Il mettra en scène un intendant, c’est-à-dire un serviteur constitué en autorité, ayant pouvoir sur les serviteurs du commun, un peu comme le sont les apôtres par rapport aux autres fidèles.

Heureux le bon évêque qui sera trouvé fidèle sur la terre, au moment de son décès. Il sera établi sur tous les biens du ciel, c’est-à-dire sur tout le paradis. Mais le mauvais évêque qui aura donné publiquement le mauvais exemple, qui aura prévariqué, volé, manigancé, sera retranché et assigné parmi les infidèles, c’est-à-dire parmi les damnés. A moins qu’il ne se repente au dernier moment. Quant à l’évêque, parfaitement au courant des volontés du Seigneur, s’il s’est montré négligent, paresseux, sans être toutefois totalement infidèle, ce sera pour lui le purgatoire, mais un purgatoire sévère avec un grand nombre de coups. Le responsable religieux, qui ne connaissait qu’imparfaitement la volonté du Seigneur, par exemple dans une secte non chrétienne, tâtera lui aussi du purgatoire, mais d’un purgatoire beaucoup moins dur, avec un petit nombre de coups.

Et c’est la sentence, très mémorisable, qui vient comme un jugement, frappé du poinçon de l’évidence : « A qui on aura donné beaucoup il sera beaucoup demandé, et à qui on aura confié beaucoup on réclamera davantage. » (Lc 12, 48).

Matthieu grec a placé cette parabole (Mt 24, 45-51) tout à fait à la suite des versets Mt 24, 43-44 qu’il avait transférés, on l’a vu dans l’épisode précédent, dans son discours eschatologique.

C’est bien la preuve qu’ils étaient joints dans la source Q, tels qu’on les lit chez Luc et chez Matthieu.

Matthieu grec, disions-nous (épisode précédent), a disposé les versets Mt 24, 43-44 en conclusion de la troisième section de son discours eschatologique. La parabole du majordome (Mt 24, 45-51), copie de celle de Luc et suite des versets précédents, en constitue naturellement la quatrième section. Viendront, après, la parabole des dix vierges (cinquième section) et la parabole des talents (sixième section), la prophétie du jugement dernier se situant en septième et dernière position.

Il raccourcit quelque peu la parabole. Il ne parle pas des serviteurs négligents, punis moins sévèrement. Par contre il confirme bien que pour l’évêque renégat, c’est l’enfer. Matthieu grec remplace les ‘infidèles’ de Luc par le mot encore plus dur : les ‘hypocrites’. Et il ajoute ce commentaire au texte de la source Q : « Là seront les pleurs et les grincements de dents. » (Mt 24, 51). C’est-à-dire l’enfer.

Le mot de ‘retrancher’ commun à Luc (12, 46) et à Matthieu grec (24, 51) : « Il le retranchera et lui assignera son lot parmi les infidèles… » ou les hypocrites, pose problème à la Bible de Jérusalem : « mot obscur, à prendre sans doute au sens métaphorique : ‘il s’en séparera’ par une sorte d’excommunication » dit-elle (note à Mt 24, 51).

C’est évidemment une traduction propre au diacre Philippe, helléniste confirmé, qui a rendu ainsi une expression araméenne, aussi bien à l’intention de Luc que pour son propre évangile. Le verbe grec utilisé signifie littéralement : ‘dichotomiser’, couper en deux, séparer. La Vulgate traduit par : diviser. L’image est forte et sans ambiguïté. Il sera séparé de son sort terrestre. Son être humain sera scindé en deux, corps et âme, et son âme ira rejoindre celle du mauvais riche de la parabole dans la géhenne de feu, avant que son corps ne la retrouve à la résurrection générale.

Prions Dieu de nous épargner un tel sort.

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