Retour au plan : PLAN
Sur ces mots, un Pharisien l’invite à dîner chez lui. Il entra et se mit à table. Ce que voyant, le Pharisien s’étonna qu’il n’eût pas fait d’abord les ablutions avant le repas. Mais le Seigneur lui dit : « Vous voilà bien vous, les Pharisiens ! Malheur à vous scribes et Pharisiens hypocrites, qui purifiez l’extérieur de la coupe, de l’écuelle et du plat, et votre intérieur à vous est rempli de rapine, d’intempérance et de perversité ! Insensés ! Pharisien aveugle, purifie d’abord l’intérieur de la coupe et de l’écuelle afin que l’extérieur aussi devienne pur. Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ? Donnez donc plutôt en aumônes ce que vous avez, et tout, pour vous, sera pur. « Mais malheur à vous scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil, et du cumin, de la rue et de toutes plantes potagères après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice et l’amour de Dieu, la miséricorde et la bonne foi ; c’est ceci qu’il fallait pratiquer, sans négliger cela, sans omettre cela. Guides aveugles, qui arrêtez au filtre le moustique et engloutissez le chameau ! « Malheur à vous, Pharisiens, qui tenez à occuper le premier siège dans les synagogues et à recevoir les salutations sur les places publiques ! Malheur à vous, car vous êtes comme ces tombeaux que rien ne signale et sur lesquels on marche sans le savoir ! Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au dehors ils ont belle apparence, mais au dedans ils sont pleins d’ossements de mort et de toute pourriture ; vous de même, au dehors vous offrez aux yeux l’apparence de justes, mais au dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité. » Un légiste prit alors la parole : « Maître, dit-il, en parlant ainsi, tu nous insultes, nous aussi ! » Il répondit : « A vous aussi, légistes, malheur, parce que vous chargez les gens de fardeaux insupportables, alors que vous-mêmes ne touchez pas à ces fardeaux d’un seul de vos doigts ! « Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes refusent de les remuer du bout du doigt ! « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui bâtissez les sépulcres des prophètes et décorez les tombeaux des justes, tout en disant : Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour verser le sang des prophètes. Et ce sont vos pères qui les ont tués ! Ainsi, vous en témoignez contre vous-mêmes, vous êtes les fils de ceux qui ont assassiné les prophètes et vous approuvez les actes de vos pères ! Eux ont tué, et vous, vous bâtissez ! « Eh bien ! vous, comblez la mesure de vos pères ! « Serpents, engeance de vipères ! Comment pourrez-vous échapper à la géhenne de feu ? « Et c’est bien pourquoi la Sagesse de Dieu a dit : Je vous enverrai des prophètes et des apôtres ; ils en tueront et persécuteront, afin qu’il soit demandé compte à cette génération du sang de tous les prophètes. C’est pourquoi, voici que j’envoie vers vous des prophètes, des sages et des scribes : Vous en tuerez et mettrez en croix, vous en flagellerez dans vos synagogues et pourchasserez de ville en ville pour que retombe sur vous tout le sang des justes répandu sur la terre depuis la fondation du monde, depuis le sang d’Abel le juste, jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire et l’autel ! En vérité, oui, je vous le dis, il en sera demandé compte à cette génération ; tout cela va retomber sur cette génération. « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux ! Malheur à vous, légistes, parce que vous avez enlevé la clef de la science ! Vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés ! Vous n’entrez certes pas vous-mêmes et vous ne laissez même pas entrer ceux qui le voudraient ! « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui parcouraient mers et continents pour gagner un prosélyte, et, quand vous l’avez gagné, vous le rendez digne de la géhenne deux fois plus que vous ! « Malheur à vous, guides aveugles, qui dites : ‘Si l’on jure par le sanctuaire, cela ne compte pas ; mais si l’on jure par l’or du sanctuaire, on est tenu.’ Insensés et aveugles ! Quel est donc le plus digne, l’or ou le sanctuaire qui a rendu cet or sacré ? Vous dites encore : ‘Si l’on jure par l’autel cela ne compte pas ; mais si l’on jure par l’offrande qui est sur l’autel on est tenu. Aveugles ! quel est donc le plus digne, l’offrande ou l’autel qui rend cette offrande sacrée ? Aussi bien, jurer par l’autel, c’est jurer par lui et par tout ce qui est dessus ; jurer par le sanctuaire, c’est jurer par lui et par Celui qui l’habite ; jurer par le ciel, c’est jurer par le trône de Dieu et par Celui qui y siège. » Quand il fut sorti de là, les scribes et les Pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblement et à le faire parler sur une foule de choses, lui tendant des pièges pour surprendre une parole sortie de sa bouche. |
La Bible de Jérusalem résume assez bien le problème exégétique posé par ces diatribes contre les Pharisiens et les légistes qu’on rencontre soudain dans la grande insertion de Luc. (Note à Lc 11, 39).
« Luc qui dépend ici d’une source commune avec Matthieu (grec) reviendra sur le même sujet en Lc 20, 45-47, en dépendance de Marc. Matthieu (grec) a combiné les deux sources en un seul discours : 23. »
Dans la synopse-synthèse, nous laissons en parallèle avec Marc ce qui dépend de Marc (notre futur épisode 196) et nous plaçons ici en parallèle, puis en synthèse, avec Luc ce qui dépend de la source Q
Nous obéissons toujours à nos deux fameux principes : Priorité absolue à l’ordre de Marc, mais en l’absence de Marc : priorité absolue à l’ordre de Luc.
On remarquera, dans l’en-tête de l’épisode, que les péricopes de Matthieu grec ont été quelque peu interverties pour les mettre en exact parallèle avec celles de Luc, et permettre ainsi la fusion des deux récits.
Le verset Mt 23, 14 est omis dans les traductions. C’est une interpolation empruntée à l’évangile de Marc (12, 40).
Les versets Mt 23, 15-22, sans parallèle dans l’évangile de Marc ni dans celui de Luc, sont laissés, ici, dans la synthèse à la suite du verset Mt 23, 13.
« Sur ces mots » commence Luc (11, 37) juste après la parabole de la lampe. Mais cette liaison semble purement rédactionnelle. Nous ignorons absolument dans quel temps, ou dans quel pays, nous sommes. En Galilée, ou en Judée ? Au début ou à la fin du ministère ? Mais nous sommes certainement en pays juif, car Pharisiens, scribes et légistes semblent, ici, séjourner à demeure.
Interviennent tour à tour un Pharisien (cf. 11, 37), puis un légiste qui est un spécialiste de la Loi (cf. 11, 45), mais chacun reçoit copieusement sa part d’invectives. On est à la table du Pharisien, et il semble que l’assistance à ce repas soit nombreuse. Jésus est l’invité, mais il ne se laisse pas intimider par cette position subalterne. On lui a reproché, à haute voix semble-t-il, de ne pas se laver les mains conformément aux usages (cf. Lc 11, 38). Il est vrai qu’avec ses disciples, il avait des manières plus rustiques.
Sans doute cette invitation qu’on lui avait faite était-il un piège qu’on lui tendait. Jésus en profite pour dire ce qu’il a sur le cœur. Il met les points sur les i, sans le moindre ménagement. L’accumulation, ici, du texte de Luc et du texte de Matthieu grec rend un effet saisissant. La diatribe se place d’emblée sur le terrain des pratiques religieuses, car Jésus a en face de lui des spécialistes de la religion.
Pas étonnant qu’à la sortie on lui en veuille terriblement. Vexés de n’avoir rien trouvé à répliquer, d’avoir vu leurs âmes mises à nu, scribes et Pharisiens le harcèlent des questions les plus diverses pour, au moins une fois, le mettre en défaut dans ses paroles.