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Quand Hérode eut cessé de vivre, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, en Egypte, et lui dit : « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, et reviens au pays d’Israël ; car ils sont morts ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. » Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et rentra au pays d’Israël. Mais apprenant qu’Archélaüs régnait sur la Judée à la place d’Hérode son père, il craignit de s’y rendre ; sur un avis reçu en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint s’établir dans une ville appelée Nazareth. Ainsi devait s’accomplir l’oracle des prophètes : On l’appellera Nazaréen. Lorsqu’ils eurent accompli tout ce qui était conforme à la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. Cependant l’enfant grandissait, se développait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu reposait sur lui. |
Pour la première fois depuis le Prologue, premier épisode, nous sommes au confluent de deux évangiles : Matthieu grec et Luc. Les récits ne se fusionnent pas, ne se superposent pas, mais se complètent. Luc vient de façon très naturelle à la suite de Matthieu. On constate qu’entre les deux versions il n’y a pas de contradiction.
Le séjour de la Sainte famille en Egypte fut bref. Moins d’un mois. Dès la nuit du 26 au 27 janvier – 1, Joseph était averti en songe qu’Hérode était mort, et qu’il pouvait revenir tranquillement en Palestine. Même si la mort d’Hérode fut tenue secrète quelques jours : avant que quiconque dans les Etats d’Hérode fût averti, déjà Joseph s’apprêtait à rentrer au pays. Il sera certainement revenu pour la Pâque de cette année-là, le 7 avril – 1. En juifs pieux, Marie et Joseph ont dû y participer à Jérusalem, mais ils avaient déjà décidé d’habiter à Nazareth, dans les Etats d’Hérode Antipas, car ils craignaient le gouvernement cruel d’Archélaüs, tétrarque de Judée et de Samarie. Archélaüs, en effet, aurait très bien pu poursuivre la politique répressive de son père à l’encontre des davidiques, si Marie et Joseph étaient retournés habiter à Bethléem. Ils se sont réfugiés à Nazareth, où ils se trouvaient perdus dans l’anonymat. Clopas, le frère de Joseph, devait s’y trouver déjà, et les a-t-il accueillis. Ils ont dû reprendre aussitôt le métier du bois. Il semble que les proches de Jésus, à Nazareth, formaient comme une petite tribu, une fratrie étroitement liée. Ils devaient même vivre en commun, comme une seule famille, sous le même toit. C’est pourquoi on entendra parler des ‘frères de Jésus’. La femme de Clopas, belle-sœur de Marie, s’appelait également Marie. Elle sera présente un jour au pied de la croix.
«Pour que s’accomplît l’oracle des prophètes : Il sera appelé Nazôréen » dit Matthieu (2,23). Nazôréen, habitant de Nazareth. Forme adoptée par Matthieu, Jean et les Actes, et son synonyme Nazarénien, forme adoptée par Marc, tandis que Luc a les deux formes. (Bible de Jérusalem). Pourquoi annoncé par les prophètes ? On peut songer à une allitération avec le neçer, ou netzer, rejeton, du prophète Isaïe : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé » (Is 11,1), ou avec le nazir, de Jg 13, 5.7.
Mais Petitfils a tout un développement (page 80) pour prouver que le mot ‘Nazareth’ lui-même signifierait netzer, rejeton. Le village aurait été fondé par les davidiques, descendants de Jessé, revenus de Babylone. Ils y attendaient fébrilement l’avènement de la dynastie davidique. Cette exégèse laisse sceptique. Elle a bien peu de chance d’être vraie. Des davidiques revendiqués eussent été des proies faciles pour le pouvoir politique, celui des hasmonéens comme celui d’Hérode. Joseph, en se réfugiant parmi eux, lui recherché désormais par les hérodiens, se fût comme jeté dans la gueule du loup. Si le clan des fils de Jessé eût dominé à Nazareth, Jésus, l’enfant du miracle, eût été accueilli comme le Messie dans sa patrie, dès son enfance. Tout démontre qu’il n’en fut rien. Jésus a grandi dans l’anonymat d’une famille ordinaire, au milieu du peuple. Il y fut un humble artisan.
« Cependant l’enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui. » (Lc 2,40). S’il fut un humble artisan, il n’en fut pas moins un fils modèle, digne de ses parents et digne de Dieu. Il était un Dieu silencieux, un Dieu avec nous, l’Emmanuel de Mt 1, 23.
Dieu ne grandit pas. Mais l’humanité de Jésus, elle, pouvait grandir, à la fois physiquement et intellectuellement, comme surnaturellement. Le Dieu se recevait de son Père, et l’homme se recevait de Dieu et des hommes. Il était le Fils, à la fois Dieu et homme. Quoi de plus « gracieux », à tous égards, que ce Fils de Dieu, je vous le demande ? Au témoignage des mystiques, Jésus enfant était d’une beauté éclatante, quoique modeste.
« Car je sais que vous pécherez, prophétisaient les Testaments des douze patriarches, […] jusqu’à ce que le Très-Haut visite la terre et qu’il vienne lui-même comme un homme manger et boire avec les hommes et qu’il écrase la tête du dragon sur l’eau. Il sauvera Israël et toutes les nations, Dieu assumant un rôle d’homme. » (Testament d’Aser VII, 2-3).