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En ce temps-là, à cette heure même, Jésus tressaillit de joie sous l’action du Saint-Esprit. Il prit la parole et dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux tout petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir. Tout m’a été remis par mon Père et nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils ; nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père, ni qui est le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler. « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. » |
Dans Matthieu grec comme dans Luc, cette péricope se trouve à la suite de Malheur aux villes : notre épisode 104, directement chez Matthieu grec, mais après une intercalation dans Luc : épisode 105 (Qui vous écoute) et épisode 106 (Ce dont les apôtres doivent se réjouir). C’est bien la preuve que dans la source Q, l’évangile araméen, ces deux péricopes : Malheur aux villes et L’évangile révélé aux simples, bien qu’elles n’eussent pas de lien directe entre elles, se tenaient à la suite l’une de l’autre et dans l’ordre. Pour une raison ou pour une autre, Matthieu grec n’a pas tenu compte de l’intercalation. Il l’a omise.
Ce phénomène est peu fréquent dans Matthieu grec. On a là un bon indice (on chercherait en vain la preuve) que Luc a rapporté la source Q dans l’ordre où il l’a trouvée.
« En ce temps-là » dit Matthieu grec (11, 25). C’est-à-dire (rédactionnellement) à l’époque où Jésus prononçait ses imprécations véhémentes contre les villes.
« A cette heure même » note Luc (10, 21). C’est-à-dire au temps des mêmes récriminations contre les villes, mais plus précisément : juste après avoir accueilli les disciples, retour de mission. Les deux locutions se fondent sans difficulté dans la synthèse.
En ce temps-là Jésus prit la parole selon Matthieu grec. A cette heure-là, Jésus tressaillit sous l’action de l’Esprit Saint, d’après Luc.
Les paroles de Jésus qui suivent sont quasiment identiques dans Matthieu grec (versets 11, 25-27) et dans Luc (versets 10, 21-22). Ce qui est la preuve très claire qu’elles sont tirées telles quelles de la source Q, l’évangile de l’apôtre Mathieu, et qu’elles furent notées sans doute sur le vif, par ce dernier. De plus elles émanent d’un même traducteur grec, le diacre Philippe, qui les a transmises à Luc, avec toute la source Q.
Or, on remarque que ces paroles – des ipsimma verba s’il en est – sont de sonorité typiquement johannique. On croirait lire, fugitivement, l’évangile de Jean.
Comme le dit mieux que moi la Bible de Jérusalem : « Ce passage de ton johannique exprime, dans le fond le plus primitif de la tradition synoptique comme chez Jean, une conscience claire de la filiation divine de Jésus. » (Note à Mt 11, 27). Tout est dit : le fond le plus primitif, c’est l’évangile araméen. Mais c’est aussi l’évangile de Jean. On tient là une preuve que le style johannique s’enracine profondément dans le style original de Jésus. La conscience claire de la filiation divine. Heureusement que Dieu est conscient qu’il est Dieu ! On tient là un résumé de la théologie johannique dans son essence même. La théologie johannique, comme toute théologie néotestamentaire, c’est la révélation que Jésus de Nazareth est le Fils unique du Père éternel, incarné dans notre humanité. L’Eternel qui est descendu dans le temps. Le Fils est pleinement connu de Dieu seul. Et Fils seul connaît pleinement Dieu. Le Fils, dans cette réciprocité de connaissance, est même cité en premier. Ce qui est un indice de la pleine égalité du Père et du Fils.
Dans le texte de Luc, le Fils, en prononçant ces paroles, tressaille sous l’action de l’Esprit Saint. On a là une manifestation typiquement trinitaire. L’incession éternelle du Fils dans le Père, et du Père dans le Fils, se réalise dans l’Esprit Saint. Et de même elle n’est connue des hommes que par l’action du Saint-Esprit, et par sa grâce.
La vie intime de Dieu, à laquelle nous sommes conviés à participer, ne nous est accessible que par révélation, du Père, comme du Fils, comme de l’Esprit.
Mais on constate que cette révélation se réalise par priorité en faveur des tout petits, plutôt qu’en faveur des sages et des savants. Car les tout petits, par leur humilité, par leur désappropriation, ressemblent plus à Dieu.
Matthieu grec seul ajoute ces versets (Mt 11, 28-30) qu’on a laissés à la suite.
Le Christ soulage ses auditeurs du fardeau de la Loi et des observances pharisaïques qui la surchargent encore. Le ‘joug de la Loi’ était une métaphore fréquente chez les Rabbins, et déjà chez les prophètes, ou les livres sapientiaux.
La Loi du Christ sera un joug très doux, que les simples pourront porter allègrement.