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104. Malheur aux villes.

(Matthieu 11, 20-24). Luc 10, 13-15.

Alors il se mit à invectiver contre les villes qui avaient vu ses plus nombreux miracles mais n’avaient pas fait pénitence : « Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si les miracles accomplis chez vous l’avaient été à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que, sous le sac et assises dans la cendre, elles auraient fait pénitence ; sous le sac et dans la cendre. Aussi bien, je vous le dis, Tyr et Sidon auront, au jour du Jugement, un sort moins rigoureux que vous. Et toi, Capharnaüm, crois-tu que tu seras élevée jusqu’au ciel ? Tu seras précipitée jusqu’aux enfers. Car si les miracles accomplis chez toi l’avaient été à Sodome, elle subsisterait encore aujourd’hui. Aussi bien, je vous le dis, le pays de Sodome aura, au jour du Jugement, un sort moins rigoureux que toi. »

Episode 104. Commentaire.

Ce paragraphe, sans parallèle dans Marc, est évidemment tiré de la source Q, l’évangile araméen. Luc l’a laissé à sa place dans sa grande insertion. Quant à Matthieu grec, lui, il l’a utilisé dans la section narrative de sa quatrième partie (Mt 11, 1 – 13, 52), juste après la question de Jean-Baptiste posée de sa prison, et peu avant l’épisode des épis arrachés, donc en plein ministère galiléen de Jésus. Où effectivement il apparaît bien en situation.

Pendant plusieurs versets, pourtant situés très différemment dans les deux évangiles, on vient de le voir, les deux textes concordent presque mot pour mot, lus dans l’original grec.

Essayons de relever les mots exactement communs de ces deux versions. (C’est un exercice différent de celui de la synthèse. La synthèse des textes ajoute, ou essaie d’ajouter, tous les mots, toutes les locutions, pour ne rien laisser perdre). Ici nous ne retenons, pour ainsi dire, que le tronc commun propre, à la fois, à Luc et à Matthieu grec.

« Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si les miracles accomplis chez vous l’avaient été à Tyr et à Sidon, il y a longtemps qu’elles auraient fait pénitence sous le sac et dans la cendre. Aussi bien, je vous le dis, Tyr et Sidon auront, au jour du jugement, un sort moins rigoureux que vous. Et toi Capharnaüm, crois-tu que tu seras élevée jusqu’au ciel ? Tu seras précipitée jusqu’aux enfers. » (Mt 11, 21-23a  et Lc 10, 13-15). A peu de choses près les trois versets sont identiques dans Matthieu grec et dans Luc. Ils sont donc empruntés tels quels, non seulement à la source Q (supposé rédigée en araméen), mais encore à la traduction de cette source en bon grec de la koinê, par un seul auteur. Et cet auteur ne peut être que le diacre Philippe, transmettant à Luc compagnon de Paul l’évangile araméen dont il avait hérité de la part de l’apôtre Matthieu. Lequel apôtre avait noté les paroles mêmes du Christ, peut-être du vivant de ce dernier. On a donc là des ipsimma verba authentiques, les plus authentiques qui soient.

Matthieu grec termine par une sentence qu’il avait déjà placée, une première fois, dans son discours apostolique et que Luc a rapportée un peu avant, à la fin de l’épisode précédent (103) : « Aussi bien je vous le dis, le pays de Sodome aura au jour du Jugement, un sort moins rigoureux que vous. » (Mt 11, 24 = Mt 10, 15 = Lc 10, 12). Cette sentence appartenait à la source Q. Matthieu grec l’a réutilisée. Mais le Christ lui-même avait bien pu prononcer de tels avertissements, à plusieurs reprises.

Luc, lui, enchaîne par un proverbe indépendant que nous renvoyons à l’épisode suivant (105).

Les commentateurs anciens, comme les commentateurs modernes, ont fait remarquer à l’envi combien les anathèmes du Christ contre les villes du bord du lac ont pu trouver leur accomplissement littéral.

Les restes de Bethsaïde, aujourd’hui, ne sont même plus repérables, enfouis qu’ils sont probablement sous les alluvions charriées par le petit Jourdain, qui se jette dans le lac de Tibériade.

Chorazeïn est certainement à identifier avec Khirbet Kerazeh, à trois km au nord-ouest de Capharnaüm. C’est un amas de ruines situé sur une hauteur basaltique. Au IVe siècle, déjà, Eusèbe de Césarée constatait que la prophétie du Christ était accomplie, pour ce village.  

Quant à Capharnaüm même, c’est un site archéologique très visité, qui a fait l’objet de nombreuses fouilles, et découvertes. Il porte le nom actuel de Telhum. Ce n’en est pas moins un champ de ruines. S’il a survécu longtemps comme un pauvre village de pêcheurs, il fut complètement abandonné après l’époque des croisades.

Tyr et Sidon que cite Jésus (cf. Mt 11, 22 ; Lc 10, 13) furent aussi visitées, fugitivement, par lui. Mais il n’y prêcha pas. Il n’y accomplit pas non plus de miracles, sauf celui en faveur de la Syro-phénicienne. Tyr et Sidon auraient certainement fait pénitence, nous dit Jésus. Et pourtant les prophètes Amos (1, 9-10), Isaïe (23), Ezéchiel 26-28), Zacharie (9, 2-4), en avaient fait des types d’impiété.

Faire pénitence sous le sac et dans la cendre nous renvoie aux ninivites qui s’étaient convertis à la prédication de Jonas. Le prophète Daniel avait lui aussi supplié Dieu « dans le jeûne, le sac et la poussière. » (Dn 9, 3).

Quant à Sodome, on le sait, elle fut détruite par le feu du temps d’Abraham, et malgré l’intercession de ce patriarche.

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