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102. Exigences de la vocation apostolique.

(Matthieu 8, 19-22). Luc 9, 57-62.

Comme ils faisaient route, un scribe s’approchant alors lui dit en chemin : « Maître, je te suivrai où que tu ailles. » Jésus lui répondit : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer sa tête. » Il dit à un autre, d’entre les disciples : « Suis-moi. » Celui-ci lui répondit : « Seigneur, permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père. » Mais Jésus lui répliqua : « Suis-moi, et laisse les morts enterrer leurs morts ; pour toi, va-t-en publier le Royaume de Dieu. » Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d’abord de prendre congé des miens. » Mais Jésus lui répondit : « Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu. »

Episode 102. Commentaire.

Premier parallèle avec Matthieu grec, dans la grande insertion de Luc. Les deux versions fusionnent avec aisance.

On est en route, d’après Luc. Tout l’évangile de Luc, pour certains exégètes, s’inscrit dans le cadre d’une grande montée de Jésus vers Jérusalem. Un élan l’emporterait irrésistiblement vers la Ville Sainte. C’est exact, à ceci près que cette unique montée vers Sion se lisait déjà dans Marc, qui a servi de modèle à Luc. Et Matthieu grec lui-même, tout aussi tributaire de Marc, n’échappe pas à ce schéma.

L’évangile de Jean, plus circonstancié, met en scène plusieurs montées de Jésus vers la Ville, à l’occasion des fêtes religieuses juives, mais le même mouvement d’ensemble l’anime, qui entraîne Jésus vers l’affrontement, puis vers l’acceptation sereine, quoique angoissée, de son oblation suprême.

Luc place ici trois sentences de Jésus, qui ont trait justement à la sequentia Christi, la manière pour les disciples de suivre le Christ.

Matthieu situe deux d’entre elles, les deux premières, dans un autre contexte : celui de la tempête apaisée, au moment même où Jésus donne l’ordre de passer sur l’autre rive (cf. Mt 8, 18). C’était notre épisode 65.

1. Quelqu’un lui dit (chez Matthieu grec, c’est un scribe) : « Je te suivrai où que tu ailles »  (Lc 9, 57b = Mt 8, 19b). « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête. » (Lc 9, 58b = Mt 8, 20b). On remarque l’identité, absolument littérale, de ces deux logions dans Luc et dans Matthieu grec. Vérifié dans l’original grec. On tient là une preuve de l’utilisation commune, par nos deux évangélistes, d’un document écrit. Si l’original était en araméen, c’est de la même traduction dont se sont servis nos deux auteurs. Pour moi, c’est le diacre Philippe qui traduit à l’intention de Luc. En beaucoup d’autres endroits, Luc et Matthieu grec utilisent la source Q beaucoup plus par des périphrases semblables que par des citations identiques.

2. « Il dit à un autre : ‘Suis-moi’ ». (Lc 9, 59).  Chez Matthieu grec, est mis en scène un disciple, qui s’avance de lui-même. Les deux s’expriment de même : « Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père » (Lc 9, 59b = Mt 8, 21b). « Laisse les morts enterrer leurs morts. » (Lc 9, 60b = Mt 8, 22b). Ici, également, les deux phrases sont quasiment identiques, puisées dans un recueil commun.

3. Un autre dit, poursuit Luc seul : « Permets-moi d’abord de prendre congé des miens. » (Lc 9, 61). « Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu. » (Lc 9, 62).

 Il était d’observation courante dans la vie agricole, qu’on pratiquait autrefois, que le laboureur qui saisissait le guidon de la charrue et lançait ses bêtes de trait ne regardait jamais en arrière, sinon il manquait son sillon, qui devait être tracé droit.

Admirable sentence de Jésus. Justement célèbre, et passée comme beaucoup d’autres en proverbe. Même si Matthieu grec ne la reprend pas dans son évangile, on a le sentiment qu’elle appartient au même fond commun que les autres : une parole authentique de Jésus recueillie dans l’évangile araméen. C’est à de tels détails qu’on se rend compte que cette fameuse source Q n’a pas été forcément reproduite in extenso par les deux évangélistes. D’où la difficulté de sa reconstitution. Pour moi je pense, sans pouvoir en apporter de preuve irréfragable, que la source Q serait en substance contenue dans Luc, et selon son ordre original même. Elle correspondrait à Lc 3, 7-9.17 ; 4, 2b-13 ; 6, 20 – 8, 3 ; 9, 51 - 18, 14 ; 22, 30. Qui dit mieux ?

Un conseil : vérifiez les références ci-dessus, avec toujours l’évangile de Marc sous les yeux, et constatez les points de suture.  

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