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Ayant achevé la traversée, ils touchèrent terre à Gennésareth et accostèrent. Quand ils furent sortis de la barque, aussitôt des gens de l’endroit qui l’avaient reconnu, parcoururent toute cette région, mandèrent la nouvelle à tout le voisinage et se mirent à lui apporter les malades sur leurs grabats. On lui amena tous les malades, là où l’on apprenait qu’il était. Et en tout lieu où il pénétrait, villages, villes ou fermes, on mettait les malades sur les places et on le priait de les laisser toucher simplement ne fût-ce que la frange de son manteau, et tous ceux qui le touchèrent furent complètement guéris. |
On débarque à la pointe de l’aurore. Ce n’était pas le jour du sabbat, comme le fait remarquer Daniel-Rops, puisque on avait pu ramer toute la nuit. On lui amène « aussitôt », dit Marc, sur des brancards les malades de tout le voisinage. Et le soir, la synagogue de Capharnaüm sera libre, pour accueillir la foule des juifs revenue en hâte de Trachonitide.
Les apôtres, qui comptaient prendre quelques jours de retraite bien mérités, en seront pour leurs frais. Jamais le service de la mission ne deviendra autant accaparant. Quant à Jésus, il ne ménage ni son temps, ni sa sollicitude, ni ses paroles.
De toute la plaine de Gennésareth, on lui apporte les malades sur leurs grabats. Et il les guérit. Ceux qui avaient seulement le bonheur de toucher la frange de son manteau, étaient complètement sauvés.
Le village de Kinnereth, qui a donné son nom au lac de Gennésareth, se tenait autrefois sur le rocher de Tell el ’Oremé, qui s’avance comme un éperon dans la mer et qui jouxte Ain Tabgha, le site des sept sources. Il était déjà probablement abandonné au temps du Christ et s’était réfugié, 300 m plus bas, dans la plaine près du lieu-dit aujourd’hui Khirbet el Minyé. C’est là que le Christ a dû aborder avec ses apôtres. Ce village avait aussi donné son nom à la vaste plaine, très fertile, qui s’étend jusqu’à Magdala, plus au sud. Les villages devaient y être nombreux.
« Et en tout lieu où il pénétrait, villages, villes ou fermes, on mettait les malades sur les places et on le priait de les laisser toucher ne fût-ce que la frange de son manteau, et tous ceux qui le touchaient étaient guéris » (Mc 6, 56) conclut Marc. Cette description générale vaut pour toute la période, et pas seulement pour la journée du retour de l’autre rive du lac. Ce verset devrait venir, dans notre synopse, après le discours dans la synagogue de Capharnaüm, signalé par Jean. Nous l’avons laissé là comme une anticipation. Il est évident que Jésus a repris ses grandes tournées de guérison à travers toute la Galilée, son centre de rayonnement restant Capharnaüm.
Avec l’épisode précédent, s’achevait pour un bon bout de temps la synopsie momentanée de Jean, avec trois, ou au moins deux, de ses confrères. Malgré quelques divergences de formules qu’on a observées, au sujet des itinéraires empruntés, les deux versions des faits présentaient une telle concordance sur des détails infimes – rappelons-nous : les deux cents deniers, les cinq pains et les deux poissons, l’herbe verte, les cinq milles hommes, les douze couffins (et non pas des corbeilles), la quatrième veille de la nuit et les vingt-cinq ou trente stades, la même phrase de Jésus pour rassurer les disciples : « C’est moi, n’ayez pas peur ! », etc., etc. – qu’on ne peut que conclure à la présence sur les lieux de deux témoins oculaires distincts, à savoir Pierre, dont le témoignage est transmis par Marc, et d’autre part Jean. Toute autre solution est invraisemblable. Non seulement des témoins, mais des acteurs du drame. La difficulté même qu’on éprouve à recouper exactement certaines présentations des faits démontre l’indépendance des observateurs. Deux comptes-rendus journalistiques sur le même événement cadrent-ils toujours à la perfection ? N’existent-ils pas des frottements ? Des interprétations diverses ? Le contraire serait étonnant. On a remarqué, d’ailleurs, comme une inconséquence de style, non seulement entre Marc et Jean, mais à l’intérieur du seul récit de Marc.
L’évangéliste Jean ne pouvait être que l’un des passagers de la barque, et par conséquent l’apôtre Jean, fils de Zébédée. Sinon comment aurait-il pu rapporter tous ces détails concrets, complémentaires des souvenirs de Pierre, s’il n’était pas lui-même participant de l’action, et l’un des Douze ? De même la marche de Pierre sur les eaux à l’invitation de Jésus, rapportée par le seul Matthieu grec. Pour beaucoup d’exégètes elle ne peut être que fictive, puisqu’elle ne dérive d’aucune source repérable. Nous en avons donné au contraire une explication très obvie.