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72. Visite à Nazareth.

Matthieu 13, 53-58. Marc 6, 1-6a

Et il arriva, quand Jésus eut achevé ces paraboles, qu’il quitta ces lieux. Etant parti de là, il se rend dans sa patrie et ses disciples l’accompagnent. Le sabbat venu, il se mit à enseigner les gens dans leur synagogue, de telle façon que le grand nombre en l’entendant étaient frappés d’étonnement et disaient : « D’où cela lui vient-il ? Et qu’est-ce que cette sagesse qui lui a été donnée et ces grands miracles qui se font par ses mains. D’où lui viennent, disaient-ils, cette sagesse et ces miracles ? N’est-ce pas là le charpentier, le fils du charpentier ? N’a-t-il pas pour mère la nommée Marie et pour frères Jacques, Joseph (Joset), Simon et Jude ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes ici parmi nous ? D’où lui vient donc tout cela ? » Et ils étaient choqués sur son compte. Mais Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa maison. » Et il ne put faire là aucun miracle, si ce n’est guérir quelques malades en leur imposant les mains, et il s’étonnait de leur manque de foi. Il ne fit pas là beaucoup de miracles à cause de leur manque de foi.

Episode 72. Commentaire.

Jésus revient à Nazareth pour la deuxième fois de son ministère galiléen, presque un an sans doute, quelque huit à dix mois après sa première visite. Luc seul avait noté cette visite, juste après le retour en Galilée de Jésus, juste après l’arrestation de Jean. (C’était notre épisode 29).

Cette fois, seul Marc, imité par Matthieu grec, en parle. La plupart des exégètes et des commentateurs, même des historiens, pensent donc à un dédoublement littéraire de la visite. Il faudrait cumuler les deux visites. Elles n’en feraient qu’une. Mais outre qu’une double visite à Nazareth est fort possible dans un ministère galiléen qui s’est étalé au total sur près de deux ans, un amalgame des deux visites, dans la synopse et dans la synthèse, est totalement inenvisageable, impraticable. Comment distinguer laquelle fut la vraie, laquelle fut la fausse ? Faut-il la placer au début ou au milieu du ministère galiléen ? Leur déroulement, comme leur conclusion, furent tout à fait distincts. On ne peut les amalgamer. La réputation de Jésus en Galilée étant devenue très grande, et presque stable à certains égards, les forces d’opposition ne se coaliseront que plus tard, le commando familial qui avait naguère prétendu le saisir ayant piteusement échoué, il était bien normal que Jésus revînt dans son village d’enfance pour vérifier si l’ambiance hostile, à son endroit, s’était modifiée.

Il est fort possible que Luc en rédigeant le compte-rendu de la première visite ait emprunté certaines expressions qu’il lisait dans Marc, dans le récit de la seconde. C’est pourquoi les deux visites peuvent donner l’impression d’un doublet littéraire. Mais Luc avait donné un tout autre dénouement à la précédente, qui s’était achevée par une véritable tentative de meurtre. S’il avait donc anticipé la visite, il ne l’avait certainement pas fait sans des renseignements historiques de première main.

L’atmosphère que trouve Jésus à sa seconde visite ne s’est guère améliorée. Mais l’ambiance est devenue plus terne, comme aplatie. Le même scénario se reproduit, comme d’ailleurs dans tous les villages. Ses disciples l’accompagnent, et il pénètre avec eux dans la synagogue, le jour du sabbat. Mais cette fois il ne proclame pas une année de grâce selon le prophète Isaïe, ni ne se compare au prophète Elie, ni au prophète Elisée. Sa réputation, bien assise, de thaumaturge l’accompagne, et ses compatriotes sont comme pétrifiés devant la stature qu’il a acquise au fil des mois. Jésus ne rencontre guère qu’une froideur larvée. Il ne peut faire là aucun miracle éclatant, sinon opérer quelques impositions des mains en privé, au profit des plus fervents.

Nazareth ne se convertira pas. Elle demeurera pendant des siècles un bastion du judaïsme le plus étroit. Au second siècle par exemple, sous Hadrien, la classe sacerdotale d’Aphsès trouva refuge à Nazareth même. Il est possible, cependant, qu’il y ait subsisté quelques familles chrétiennes, car Konon, un martyr chrétien sous Dèce (248-251), déclara être originaire de Nazareth et parent du Christ.

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