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3. Annonciation à Marie, à Nazareth, 6 mois après.

Luc 1, 26-38.

Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David ; et le nom de la vierge était Marie. Il entra chez elle et lui dit : « Salut, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » A ces mots elle fut bouleversée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation. Mais l’ange lui dit : « Rassure-toi, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras et enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, et on l’appellera Fils du Très Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il règnera sur la maison de Jacob à jamais et son règne n’aura point de fin.  » Mais Marie dit à l’ange : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils en sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile ; car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ! » Et l’ange la quitta. 

Episode 3. Commentaire.

Nous suivons la narration de Luc pendant 4 épisodes.

Selon le calendrier de Gérard Gertoux, l’Annonce à Marie se serait produite le 30 décembre – 3, à quelques jours près. (Voir commentaire de l’épisode 2).

Dans le récit de l’Annonciation, je fais remarquer un détail : L’ange dit de Jésus : « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père » (Lc 1,32), alors que trois versets plus loin nous apprenons que l’enfant sera Fils de Dieu, conçu par la puissance du Saint-Esprit. Les Pères de l’Eglise en ont conclu avec raison que Marie elle-même était descendante de David.  C’est par Marie que Jésus est dit fils de David. Nous avons là, par avance, la justification de l’interprétation que nous donnerons plus tard de la généalogie de Jésus, dans Luc (cf. Lc 3, 23-38).

Petitfils cite les témoignages des Pères. Hégésippe, dès le 2e siècle. « L’origine davidique de Marie est attestée également par les judéo-chrétiens, par les chrétiens syriaques comme l’anachorète Aphraate et Ephrem, diacre et docteur de l’Eglise, par Irénée, Justin, Origène, Augustin et beaucoup d’autres… » (Page 83). Par Epiphane de Salamine, Hippolyte de Rome, le Protévangile de Jacques, les Actes de Paul, l’Histoire de Joseph le charpentier…

Mais saint Irénée, Père de l’Eglise, est le plus explicite de tous. Il en fait l’un des thèmes principaux de sa théologie. Irénée n’arrête pas de répéter que Jésus est le fruit du ‘sein de David’ et que ce ‘sein de David’, c’est Marie elle-même. Il tire cette expression du psaume 132 qui proclame : « Le Seigneur a juré la vérité à David et il ne le reniera point : C’est du fruit de ton sein que je placerai sur mon trône. » (Ps 132, 11) « Il n’y a donc qu’un seul et même Dieu, - dit saint Irénée - qui a été prêché par les prophètes et est annoncé par l’Evangile, ainsi que son Fils, qui est l’Emmanuel, ‘fruit du sein’ de David, c’est-à-dire de la Vierge issue de David. » (Adv. Hae. III, 9, 2). Plus loin il poursuit :« Ces textes [de saint Paul] font apparaître avec évidence, d’une part, un seul Dieu, qui, par les prophètes, a fait la promesse touchant son Fils ; d’autre part, un seul Jésus-Christ notre Seigneur, issu de la race de David selon la génération qui lui vient de Marie, et constitué Fils de Dieu dans la puissance selon l’Esprit de sainteté en suite de sa résurrection d’entre les morts, pour être le Premier-né des morts, comme il était déjà le Premier-né dans toute la création, lui, le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme afin que par lui nous recevions la filiation adoptive, l’homme portant et saisissant et embrassant le Fils de Dieu. » (Adv. Hae. III, 16,3). Et encore : « C’est ce qu’Elisabeth, remplie de l’Esprit Saint, a attesté en disant à Marie : ‘Bénie es-tu parmi les femmes et béni est le fruit de ton sein !’ Par ces paroles, l’Esprit Saint indique à qui veut l’entendre que la promesse faite par Dieu à David de susciter un Roi ‘du fruit de son sein’ a été accomplie lorsque la Vierge, c’est-à-dire Marie, a enfanté. » (Adv. Hae. III, 21, 5).

On est obligé de citer entières les amples périodes d’Irénée, afin de ne pas écorner leur plénitude doctrinale. 

Mais, paradoxalement, Irénée va plus loin encore. Il va jusqu’à enseigner que Jésus ne pouvait pas être le fils de David, par son père putatif Joseph. En effet la lignée davidique des rois d’Israël a été formellement exclue par les prophètes de l’ascendance messianique !

« De plus, s’il avait été fils de Joseph, il n’aurait pu être ni roi ni héritier, d’après Jérémie. En effet, Joseph apparaît comme fils de Joachim et de Jéchonias, selon la généalogie exposée par Matthieu. Or Jéchonias et tous ses descendants ont été exclus de la royauté comme le montrent ces paroles de Jérémie : ‘Par ma vie, dit le Seigneur, quand même Jéchonias, fils de Joachim, roi de Juda, serait un anneau à ma main droite, je t’en arracherai et te livrerai aux mains de ceux qui en veulent à ta vie. […] nul de sa descendance ne grandira de manière à s’asseoir sur le trône de David et à devenir prince en Juda. » (Adv. Hae. III, 21,9).

On en conclut que la généalogie exposée par Matthieu ne contient pas la véritable ascendance davidique du Messie. Il est « issu de la lignée de David selon la chair » (Rm 1,3) seulement par Marie, et selon la généalogie rapportée par Luc. On y reviendra.

Jésus demeure néanmoins l’héritier légal des rois d’Israël, par son père adoptif Joseph. On le verra sous peu, avec la généalogie inaugurale, rapportée par Matthieu.

Un autre problème se pose à propos de l’Annonciation. Marie avait-elle fait vœu de virginité ? La Bible de Jérusalem, dans son édition de 1998 que j’ai en main, ose le nier (note au verset Lc 1, 34) : « La ‘vierge’ Marie n’est que ‘fiancée’ et n’a pas de relations conjugales.[…] Rien dans le texte n’impose l’idée d’un vœu de virginité. » Là encore Petitfils rétablit la vérité de bon sens, contre les balbutiements de l’exégèse contemporaine.

« Ce texte, dit-il, a donné lieu à une interprétation qui ne correspond certainement pas à l’intention de Luc. Quand Marie demande : ‘Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ?’, cela ne ne signifie pas : ‘puisque je n’ai pas encore partagé ma couche avec un homme’. Comment une jeune fille pourrait-elle s’étonner qu’on lui prédise, alors qu’elle va se marier, la naissance future d’un enfant ? […] Dans la pensée de Luc, il s’agit d’autre chose. La phrase de Marie révèle un engagement personnel, un autre projet de vie : ‘Il ne m’est pas permis d’approcher un homme, puisque j’ai fait le vœu de ne pas connaître d’homme’. L’évangéliste nous présente Marie comme une vierge consacrée, qui entendait le rester, ainsi que l’ont souligné les Pères de l’Eglise, notamment Augustin et Grégoire de Nysse. » (Page 467).

Ajoutons que Marie n’a pu prononcer ce vœu qu’avec l’accord de son fiancé, Joseph, et que, naturellement, le vœu était commun. Sinon le mariage eût fait faillite. Il s’agissait d’un mariage blanc, de propos délibéré, et pour des mobiles religieux. Ce vœu entraînait avec lui un aspect héroïque. On ne le souligne pas assez. En effet Marie, comme Joseph, renonçaient à l’espoir de donner naissance au Messie promis. Ce qui était pourtant l’attente de tout foyer juif.

Je m’étais imaginé jusqu’à présent que c’étaient Marie, et Joseph, qui avaient inventé ce nouveau mode d’exister : la virginité consacrée, au moins dans le judaïsme. Mais Petitfils signale que dans un rouleau de Qumrân on a trouvé mention de vœux de continence pour des motifs d’oblation religieuse, même à l’intérieur du mariage.

Manifestement l’idée était dans l’air. Cette découverte de Qumrân renforce, s’il en était besoin, la crédibilité du texte de Luc.

On voit là, dans saint Luc, la première manifestation privée de la Sainte Trinité. Elle est faite par l’ange au profit de Marie : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. » (Lc 1, 35). On a là le Très Haut, Dieu le Père, qui prend Marie sous son ombre ; l’Esprit Saint qui descend sur elle, et le Fils de Dieu dans son sein virginal.

La première révélation publique de la Sainte Trinité se produira au Jourdain, lors du baptême de Jésus. On en reparlera.

Marie, au contraire de Zacharie, n’exige aucune preuve. Elle acquiesce spontanément au message d’en haut. Mais c’est l’ange qui le lui accorde sans qu’elle l’ait demandée. Ta cousine Elisabeth, celle qu’on appelait la stérile, est enceinte depuis six mois. « Car rien, conclut l’ange, n’est impossible à Dieu. » (Lc 1, 37).

Marie croit sans preuve à cette nouvelle promesse. Et c’est le Fiat, qui engage tout le processus de notre salut.

« Je suis la servante du Seigneur » (Lc 1, 38) ou, selon l’original, l’esclave du Seigneur. C’est quand elle s’anéantit devant Dieu qu’elle devient la mère de Dieu.

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